Mali-Russie ou les peurs occidentales
Il n’a pas fallu longtemps pour que la presse mainstream ressorte toutes sortes de théories, dont bien évidemment le prétendu rôle de la Russie dans le changement de pouvoir au Mali. Pour rappel – l’establishment occidental parle de coup d’Etat inacceptable dans ce pays d’Afrique de l’Ouest après des mois de manifestations populaires, tout en applaudissant les actions antigouvernementales dans un pays comme la Biélorussie.
Il fallait certainement s’y attendre, les médias mainstream commencent désormais à voir « la main de Moscou » dans les récents événements au Mali. En effet et du moment qu’un changement de pouvoir ne soit pas orchestré depuis une / des capitale(s) occidentale(s), y compris si un tel changement vient des aspirations populaires, il sera pratiquement sans aucun doute condamné et les intéressés occidentaux vont vouloir y trouver la main d’un adversaire géopolitique. Cela a été d’ailleurs abordé dans l’émission Edition spéciale du 19 août sur la grande chaine de télévision panafricaine Afrique Média.
Comme prévu, les médias occidentaux mettent la main à la pâte. Côté étasunien, le site The Daily Beast annonce la couleur: « Les dirigeants du coup d’Etat malien ont pris le pouvoir après leur retour d’un camp d’entrainement militaire en Russie. Qui était aux commandes?» En oubliant évidemment de rappeler dans l’article que de nombreux militaires maliens, dont de hauts officiers, suivent des formations en Russie, et ce depuis un long moment.
Pour rappel, les USA étaient parmi les premiers à condamner l’écartement d’Ibrahim Boubakar Keïta du pouvoir. A ce titre, l’émissaire étasunien pour le Sahel, Peter Pham, avait déclaré «que les Etats-Unis s’opposent à tout changement extraconstitutionnel de gouvernement, que ce soit par ceux qui sont dans la rue ou par les forces de défense et de sécurité». Assez incroyable d’entendre ces déclarations venant du représentant d’un pays «champion» dans l’organisation de divers coups d’Etat, révolutions de couleur et déstabilisations en tout genre de pays souverains. Mais l’establishment US reste ce qu’il est.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont déclaré «la suspension de leur coopération militaire avec le Mali en réponse au renversement du président Keïta». Le tout au moment où selon le propre aveu des médias mainstream, des milliers de citoyens maliens se rassemblaient dans la capitale du pays pour célébrer les actions de leurs militaires.
L’espace mainstream français n’est pas en reste. Après les condamnations de l’establishment politique, RFI publie un article avec un titre annonciateur: «Le Mali est-il séduit par la Russie?» En indiquant que l’ambassadeur de Russie au Mali fut l’un des premiers diplomates étrangers à avoir été reçu par ce qu’ils appellent la «junte». L’une des principales voix médiatiques françaises à l’international reconnait tout de même que de nombreux Maliens souhaitent le renforcement de la coopération militaire de leur nation avec Moscou.
Au final et quelle que soit la suite de l’interaction russo-malienne, ne serait-il pas grand temps pour l’establishment occidental dans son ensemble de comprendre une réalité assez simple. A savoir que les véritables aspirations populaires ne se conçoivent pas à la Maison-Blanche, ni au Département d’Etat US, pas plus qu’au sein de la CIA, des structures Soros ou à l’Elysée. Et que c’est une réalité avec laquelle il faudra compter. Et que d’autre part le fait d’adopter une posture ouvertement hypocrite et injuste – comme celle qui les caractérise, notamment lorsqu’on fait une fois de plus le parallèle de la différence radicale d’approche vis-à-vis des manifestations biélorusses et maliennes – cela ne fera qu’encore plus éloigner les peuples du monde des intérêts occidentaux. Les menaces, ultimatums, pressions et sanctions – finiront par se rouiller à un tel point, que leurs initiateurs n’en auront qu’à leurs têtes.
Enfin il serait aussi grand temps pour l’élite politico-médiatique atlantiste d’apprendre, ne serait-ce que progressivement, car il faut évidemment tenir compte des capacités d’adaptation et d’apprentissage de chacun, à respecter de façon réelle la souveraineté des peuples. Et comprendre par la même occasion que les tons condescendants vis-à-vis des populations non-occidentales seront de moins en moins tolérés.
Dernier point : la réalité multipolaire du monde permet non seulement la prise en main par les peuples de leurs affaires souveraines et l’établissement de plusieurs blocs d’influence régionaux et continentaux, mais le rappel nécessaire à faire consiste aussi dans le fait qu’il y a aujourd’hui dans la multipolarité suffisamment de puissances indépendantes capables de bloquer les tentatives de ceux qui n’arrivent toujours pas à se débarrasser de leurs complexes néocoloniaux.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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