L’impact environnemental des voitures électriques confirmé par un nouveau rapport
Un rapport de l’Union européenne, publié jeudi, conclut que le cycle de vie des véhicules électriques a un impact non négligeable sur l’environnement, parfois même pire que les véhicules à essence dans les pays qui produisent leur électricité grâce à l’énergie fossile.
Un texte de Thomas Gerbet
Le nouveau rapport a été produit par l’Agence européenne pour l’environnement, un organe de l’Union européenne (UE) dont le siège est au Danemark. L’étude passe en revue les preuves de l’impact des véhicules électriques sur les changements climatiques, la qualité de l’air, la santé humaine et les écosystèmes, en comparaison avec les véhicules conventionnels.
Ses résultats corroborent ceux d’autres études, dont une étude québécoise menée pour le compte d’Hydro-Québec, et citée dans notre article intitulé « Les voitures électriques, pas si écologiques », qui a suscité de vives réactions, jeudi.
Premier constat : « Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants pour l’air sont généralement plus élevées durant la phase de production des voitures électriques. » Cela s’explique, entre autres, par le fait que « la majorité de la production des batteries a lieu dans des pays avec une électricité très dépendante au charbon », principalement la Chine.
Deuxième constat, cette fois à l’avantage des voitures électriques : « ces émissions sont plus que compensées, avec le temps, par les plus faibles émissions durant la phase d’utilisation [du véhicule]. »
En bref, dans son cycle de vie, la voiture électrique moyenne en Europe finit par rattraper son retard en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais le rapport apporte plusieurs nuances importantes à ce sujet.
Un véhicule rechargé avec de l’électricité produite par le charbon produit plus d’émissions dans son cycle de vie qu’un véhicule à essence.
De nombreux pays comme la Chine, l’Inde, les États-Unis, l’Allemagne, mais également les provinces de l’Alberta et la Saskatchewan, sont fortement dépendants des centrales au charbon pour produire leur électricité.
En prenant en compte ces critères sur l’ensemble du cycle de vie, le rapport estime que la voiture électrique d’un Chinois ou d’un Américain est, dans certains cas, jusqu’à quatre fois plus polluante qu’une voiture à essence.
Le rapport indique que la tendance à rechercher des batteries toujours plus performantes, avec une plus grande autonomie, aggrave le bilan des voitures électriques en termes de GES. « Augmenter la capacité de la batterie en ajoutant plus de cellules a pour effet d’augmenter les impacts de l’extraction et la transformation des métaux. »
Plus de toxicité dans la production des voitures électriques
Les auteurs du rapport constatent que la plupart des études environnementales au sujet des véhicules électriques se concentrent sur les émissions de CO2. Or, l’Agence européenne pour l’environnement considère qu’il faut aussi prendre en compte d’autres indicateurs de l’empreinte écologique globale.
Par exemple, le rapport considère que l’impact sur la santé humaine est plus élevé pour les voitures électriques en raison de l’utilisation supplémentaire du cuivre, et selon les cas, du nickel. Il y a jusqu’à quatre fois plus de cuivre dans un véhicule rechargeable que dans un véhicule conventionnel.
Le potentiel de toxicité de la phase de production est de 2,2 à 3,3 fois plus grand pour les véhicules électriques.
Les voitures électriques requièrent beaucoup plus de métaux différents. Or, l’extraction, la séparation et le raffinage des matières premières nécessitent de grands volumes d’eau et beaucoup d’énergie. Des substances comme l’ammoniac sont aussi utilisées. Le rapport liste des conséquences potentielles comme la contamination du sol et de l’eau, l’érosion et la perte de biodiversité.
D’autres enjeux écologiques, économiques et sociaux associés
« L’activité minière a lieu dans des pays où les normes de santé-sécurité sont moins strictes que dans l’Union européenne », mentionne le rapport qui donne l’exemple des conditions de travail en République démocratique du Congo.
Dans le document, il est aussi question de l’impact de la production des voitures rechargeables sur l’épuisement des matières premières et ses conséquences économiques.
Les auteurs recommandent d’opter pour de plus petits véhicules électriques pour réduire son empreinte écologique.
Le rapport confirme par ailleurs que les voitures électriques ne sont pas zéro émission. Elles émettent toujours des particules fines, au même titre que les véhicules à essence, par leur mouvement sur la route, le freinage et les pneus.
En ce qui concerne la pollution sonore, le document indique qu’à basse vitesse, le véhicule électrique est plus silencieux que la voiture à essence, mais qu’à grande vitesse, « la différence est moindre ».
Le recyclage des batteries que contiennent les voitures électriques est également considéré comme plus problématique que la fin de vie des voitures à essence, car les véhicules rechargeables contiennent quatre fois plus de terres rares.
Les véhicules électriques font de mieux en mieux, selon un expert
« Le parc de production d’électricité ne cesse de se verdir, explique Daniel Breton, ancien ministre de l’Environnement du Québec et consultant en électricification des transports. Au même moment, plus on avance, plus on s’en va vers du pétrole non conventionnel (schiste, sables bitumineux). »
Daniel Breton mentionne par ailleurs une étude du Département de l’Énergie des États-Unis qui établit que les véhicules électriques ont un bilan environemental supérieur dans 38 des 50 états.
Le défi de répondre à demande
Dans une autre étude réalisée récemment, l’Agence européenne pour l’environnement conclut que si l’utilisation de véhicules électriques atteint 80 % d’ici 2050, 150 gigawatts d’électricité supplémentaires seront nécessaires pour les recharger.
« En fonction de la source d’électricité utilisée, les incidences positives sur le climat et sur la qualité de l’air pourraient être contrebalancées par les émissions supplémentaires du secteur énergétique impliqué, écrivent les auteurs du rapport. La hausse des émissions sera plus sensible si l’énergie additionnelle demandée est fournie par des centrales à charbon. »
Une forte progression de l’électricité pourrait également se révéler très problématique pour l’infrastructure et les réseaux électriques existants.
L’Agence constate que « la plupart des réseaux nationaux sont actuellement mal équipés pour supporter une utilisation plus élevée de véhicules électriques », notamment dans les pays qui utilisent plus d’électricité provenant de sources renouvelables.
Au Québec, les véhicules électriques ont le meilleur bilan
S’il y a un endroit dans le monde qui a moins de soucis à se faire au sujet de la production d’électricité et de l’impact du cycle de vie des voitures rechargeables, c’est bien le Québec, avec son abondante hydroélectricité.
Un addenda au rapport technique publié par le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services, en faisait la démonstration, en mars 2016.