L’ex ambassadeur de France en Centrafrique au cœur d’un trafic
Cet automne, une enquête de l’inspection générale des Affaires Etrangères françaises est lancée dans la plus grande discrétion sur le fonctionnement de l’ambassade de France en Centrafrique. On sait à quel point le président français, François Hollande, et son ministre de la Défense, Jean Yves Le Drian ont vendu la légende d’une France qui avait sauvé la Centrafrique de la guerre civile. Rien ne devait ternir cette image d’Epinal. Et naturellement le quai d’Orsay n’a donné, jusqu’à présent, aucune publicité inutile à ces investigations qui éclairent d’un autre jour le rôle de la France en Centrafrique.
Pas de vagues
« Des dysfonctionnements ont été constatés dans la gestion des visas à Bangui », reconnait-aujourd’hui le Quai d’Orsay interrogé par Mondafrique. Et d’ajouter: « Des mesures devront être prises ». Le dossier ne peut plus être enterré compte tenu de la gravité des faits constatés. L’ambassadeur en fonctions jusqu’en octobre dernier en Centrafrique, Charles Malinas, a été rappelé brutalement fin décembre de la République tchèque où il avait été promu. Joint par Mondafrique, l’ancien ambassadeur n’a pas souhaité répondre à nos questions
« Monsieur Malinas ne travaille plus à Prague, nous attendons son successeur », constate, laconique, un diplomate français à Prague. Autant dire qu’il a été mis brutalement fin aux fonctions de ce diplomate, brutalement rappelé à Paris après moins de trois mois de fonctions. Ce que l’on veut bien reconnaitre au Quai d’Orsay, mais en minimisant la portée de cette révocation. « C’est une procédure habituelle lorsqu’une enquête est déclenchée, explique-t-on. Cela s’est produit un certain nombre de fois ces dernières années ».
Tout démontre pourtant que le dossier est ultra sensible. La semaine dernière, le directeur Afrique du Quai, Rémi Maréchaux, ancien numéro deux de l’ambassade de France à Bangui, s’est déplacé lui même en Centrafrique pour vérifier les conclusions du service d’enquête. La vérité, la voici: les « dysfonctionnements » constatés sont très graves, « hors normes », nous confie un diplomate, et éclairent de façon peu glorieuse l’action de la France en Centrafrique.
Des centaines de visas bradés
Voici quelques mois, les premières alertes sur les pratiques douteuses de l’ambassadeur français à Bangui étaient venues du ministère de l’Intérieur français. Les services de police chargés à Paris de la lutte anti terroriste avaient constaté en effet que des musulmans radicalisés avaient débarqué de Centrafrique en France. Les visas, apparemment, leur avaient été accordé généreusement, sans les vérifications d’usage. Or, selon un diplomate français fin connaisseur de la Centrafrique, « ce sont en fait des centaines et des centaines de visas ont été en fait distribués à des centrafricains musulmans par les services de l’Ambassade de France ».
Au cabinet de Jean Yves le Drian, ces alertes ont été prises très au sérieux. Il devenait difficile pour le Quai d’Orsay de fermer les yeux. Très rapidement, l’enquête diligentée par le Quai d’Orsay révèle que cette politique laxiste était couverte par l’ambassadeur lui même, Charles Malinas. Dans quel but? A ce stade, le soupçon d’enrichissement personnel n’est pas écarté par les enquêteurs des Affaires Etrangères
Un ambassadeur modèle
Charles Malinas représente cette une nouvelle génération d’ambassadeurs en Afrique plus préoccupés de leurs bonnes relations avec le pouvoir local que soucieux de servir les intérêts français. On les voit devenir peu à peu les messagers à Paris de régimes africains dont ils tolèrent toutes les frasques, du moins quand il n’y sont pas associés.
L’ancien ambassadeur à Bangui était ainsi au mieux avec l’ancienne présidente Catherine Samba Panza, choisie par Laurent Fabius pour mener de janvier 2014 à mars 2016 la transition démocratique tout en assurant ses arrières par quelques placements en Cote d’Ivoire. Mais cet homme de réseaux sut rebondir et posséder également quelques entrées sous la présidence actuelle de Faustin-Archange Touadera. Charles Malinas connaissait de longue date le numéro deux du gouvernement et ministre de la Défense, Joseph Yakété. Ce dirigeant centrafricain, ancien colleur d’affiches à la section du treizième arrondissement du Parti Socialiste, avait fort bien connu l’ambassadeur, lui aussi militant socialiste de la première heure.
Charles Malinas était si bien avec le pouvoir centrafricain qu’il fut promu, le 29 avril 2014, chevalier des arts et lettres, contrairement aux usages en vigueur qui prévoient que les diplomates ne peuvent accepter de décoration que lors de leur départ. Une joyeuse fète au bar dancing « le songo » marque la fin de son séjour à Bangui. « L’ami Charles Malinas va manquer à ses amis centrafricains », constatent les sites d’information de Bangui.
Apparemment ces bonnes relations avec le pouvoir en place furent mises à son crédit. Notre diplomate obtint en octobre le poste convoité d’ambassadeur à Prague, où il recevait un mois plus tard le président Hollande.
Plus dure est aujourd’hui la chute de ce diplomate comblé.
Mondafrique, sur cameroonvoice