Lettre ouverte à Emmanuel Macron
« De moins en moins de monde partage votre vision élitiste de l’exercice du pouvoir et votre capitalisme suranné »
« On peut être un Gitan voyez-vous Monsieur le Président, avoir quelques références culturelles, et citer Boris Vian », avertit un membre de cette communauté, Marc Noegelen dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, que nous a fait parvenir Karine Dettinger, femme du boxeur.
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps….
On peut être un Gitan voyez-vous Monsieur le Président, avoir quelques références culturelles, et citer Boris Vian (Diable ! Il connaîtrait même l’auteur !?).
Votre serviteur, Monsieur le Président, est issu de cette communauté.
Il a grandi dans une caravane, a été éduqué avec amour, respect d’autrui, de soi et des institutions de la République.
Le Gitan que je suis a été scolarisé le plus normalement du monde et a même eu l’outrecuidance d’être bien souvent le premier de sa classe, malgré bien des difficultés d’intégration qui n’étaient pas de son ressort…
Je suis aujourd’hui âgé de 43 ans, suis titulaire d’un Bac +5, Master 2 en Droit, économie et gestion, mention Sciences du Management.
Je suis salarié depuis 17 ans dans une grande entreprise nationale et exerce mon métier avec le plus grand professionnalisme.
J’ai 4 enfants, vis en couple avec une femme « normale » qui est professeur des écoles et auteure reconnue dans son domaine.
J’ai moi-même été déjà publié chez un éditeur assez connu.
Mes deux aînés ont une scolarité exemplaire à leur tour, suivent des cours au Conservatoire de notre Ville, font du sport…
Nous payons chaque mois rubis sur l’ongle, le crédit de notre maison.
Et nos impôts pour financer les services publics de la collectivité avec l’esprit de solidarité qui va de pair.
Je m’étais promis de réagir lors de vos derniers écarts de langage, si c’était amené à se
reproduire.
Et ça y est, cela vous reprend Monsieur le Président. Vous venez, une fois de plus, d’insulter une grande partie de la population française.
Celle des gens du voyage donc, dont font partie les gitans, qui vous l’ignorez peut-être, représentent environ 500 000 personnes en France.
Vous avez stigmatisé, humilié, ces 500 000 personnes en commentant la vidéo de M. Christophe Dettinger enregistrée peu avant qu’il se livre aux autorités. (Quelle conscience et quelle honnêteté
pour un Gitan !)
Il serait donc selon vous, incapable de s’exprimer autrement que par des borborygmes, et dans l’impossibilité d’avoir de lui-même un discours humaniste justifiant ses actes ?
Que sont exactement les mots d’un « boxeur Gitan », Monsieur le Président ?
Au-delà des propos nauséabonds, vous ignorez peut-être que cette communauté entière que vous venez d’insulter, a subi au même titre que la communauté juive durant la seconde guerre mondiale, ce qui s’appelle un génocide : Le « Porajmos » ou « Samudaripen ». Qui n’est toujours pas reconnu au même titre que l’Holocauste…
Selon les historiens, ce peut être jusqu’à 500 000 personnes qui ont été déportées, internées, décimées, dans les mêmes circonstances que ce qui advint au peuple Juif.
La stigmatisation ne s’arrête pas à cela, puisque avant et après-guerre cette communauté s’est vue entravée dans sa liberté d’aller et venir, dans sa liberté de travailler, de commercer, assignée à visa obligatoire sur leur carnet de déplacement à chacune de leur aller et venue, facilitant par là même aux heures les plus sombres, et avec le concours du régime de Vichy, les actions violentes menées contre eux (internement, stérilisation, extermination, …).
Pour l’anecdote, sachez, Monsieur le Président, que nombre d’entre eux ont combattu, durant la première guerre mondiale, notamment aux côtés de leurs concitoyens. Car oui, ce sont bien des citoyens français, et en aucun cas des citoyens de seconde zone.
On les a envoyés en première ligne très souvent, car on reconnaissait aux hommes de cette communauté un sens aigu de la liberté, un courage hors norme et une absence de peur qui fut fort utile à la Nation, lorsqu’il fallut user de chair à canon pour monter en première ligne de front afin de défendre notre Mère Patrie.
Tout cela pour sauver notre démocratie.
Tout cela pour rester libre.
Tout cela pour qu’un jeune homme comme vous puisse, un jour, recueillir 24,01% de voix lors d’un premier tour de scrutin présidentiel. En vous exprimant comme vous l’avez fait, vous vous êtes rendu coupable de racisme et de discrimination.
Vos petites phrases, comme vous les appelez, portent atteinte à la fonction que vous êtes censé incarner.
Au lieu de rassembler, vous clivez. Nuisez à la cohésion du peuple français.
Vous faites déshonneur à la devise républicaine en tentant, vous et votre gouvernement, de priver les Français de leur liberté, qui veulent manifester fraternellement, dans leur quête d’égalité.
Tout ceci est d’autant plus dommageable que vous étiez censé, vous et les représentants de votre parti, incarner le renouveau.
Mais quel renouveau ?
Celui de la répression ? De l’usage de la force disproportionnée sur ses concitoyens ? Celui de l’intérêt de quelques particuliers fortunés au détriment de l’intérêt collectif ? Celui du détricotage permanent des valeurs et des institutions de la République qui nous ont été léguées après-guerre, au lendemain du CNR (Conseil National de la Résistance) ?
Votre vision de l’avenir de notre pays est laide et je crois, Monsieur le Président, que de moins en moins de monde partage votre vision élitiste de l’exercice du pouvoir et votre capitalisme suranné.
J’ai voté pour vous aux tours de l’élection présidentielle, le comble.
Las de vos petites sorties et de votre politique mortifère, soyez assuré qu’à compter d’aujourd’hui, monsieur le Président, je serai votre plus farouche opposant, dans le plus strict respect du cadre démocratique et du Droit.
À la républicaine.
Vive la République.
Vive la France.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations.
Marc NOEGELEN
Légende : Emmanuel MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, sort du Conseil des ministres, au Palais de l’Élysée, le 20 janvier 2016
Francois Lafite / Wostok Press / Maxppp
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