Les Wé, au cœur de la pensée et de l’action du ministre Eric Kahé
🌴 PREMIERE MISSION POST-MARCOUSSIS A DUEKOUE.🌴
Remercié du gouvernement le 5 août 2002 à l’occasion de l’entrée du RDR, j’y retourne en mars 2003, toujours au titre de l’Udpci, dans le cadre des accords de Marcoussis.
Occupant, cette fois-ci, le portefeuille de la réforme administrative, un de mes objectifs est de participer activement à la réconciliation et d’alléger les souffrances des populations de l’ouest, dont les villages sont occupés et les libertés drastiquement restreintes. Je peine à faire comprendre à certains qu’un peuple humilié ne peut offrir un pardon durable.
À l’occasion de notre conseil des ministres, à Bouaké, capitale de la rébellion, j’expose la situation de l’ouest. Certains ministres des forces nouvelles et du RDR tentent de botter en touche, estimant que le temps fera son effet dans le sens positif. Heureux qu’on ne juge pas ma description, attentatoire à l’esprit de la réconciliation. Comme si la réconciliation consiste à tout accorder à la rébellion pour se taire sur les souffrances des autres.
Je ne me laisse guère intimider par leur nombre et le soutien des ministres comme Assoa Adou, Angèle Gnonsoa, Hubert Oulaye, me permet d’obtenir qu’une délégation du gouvernement se rende à Duékoué. Je convaincs le Premier ministre Seydou Elimane Diarra et le conseil, que cette visite se fasse sans délai.
Malgré les craintes et les avis contraires de nombreuses personnes, je décide de rallier directement Duékoué, sans retourner à Abidjan. Dans l’hélicoptère de la Licorne qui m’y amène, je fais la connaissance de Delly Gaspard. Nos échanges se limitent quasiment aux présentations faites par l’officier français.
À l’atterrissage à Duékoué, nous nous séparons car il poursuit son voyage sur Danané. Dégoûté, mais déterminé, je me rends à l’hôtel Monhessea avec pour seul compagnon mon garde de corps Gérard Bah. Du fait du contexte de guerre, l’hôtel est désaffecté, et je dois me contenter de dormir dans le fauteuil de la suite qui m’est affectée. Mon garde de corps à mes côtés. Me méfiant énormément des armes, je lui demande de ranger la sienne sous son fauteuil, canon dirigé devant nous, face à la porte.
Je réquisitionne la villa du ministre Paul Gui DIBO pour y recevoir la délégation pour le verre d’eau de bienvenue. Malgré le contexte, nous réussissons le miracle de prévoir un repas.
La Société de Transport Abidjanais (Sotra), l’équivalent de la Ratp française en Côte d’Ivoire, nous affrète un car climatisé pour les déplacements du Premier Ministre et des membres du gouvernement qui doivent arriver en hélicoptère. Cela me laisse le temps d’associer quelques cadres à mon aventure téméraire. Vous en reconnaîtrez sur ces images légendées, qui parlent mieux que des mots.
Tôt le matin, je suis à l’accueil du Premier ministre et des ministres Assoa Adou, Fofana Zemogo, Angèle Gnonsoa, Issa Diakité, etc.
Après le traditionnel « Asrin », à la résidence du ministre Paul Gui Dibo qu’il nous prête, nous partons en car dans les villages de Fengolo, Baoubly, Diahouin, Guehiebly. Partout, dans les champs, au fond des ruisseaux, dans les abords des écoles, nous découvrons des tas, voire des montagnes d’ossements. Dans la bananeraie de l’école primaire située entre Baoubly et Fengolo, la scène d’ossements éparpillés sur une grande superficie. Ce seraient des populations qui, fuyant Bangolo ont été bloquées en ce lieu et exécutées.
Dans les villages, des quartiers WÊ sont déserts, en face quartiers Cedeao et de populations allochtones grouillant d’activités.
Sonné par ce qu’il a vu, tout au long de ce parcours, le Premier ministre, Seydou Elimane Diarra, s’assoit à même le sol d’une terrasse, à l’étape de Guehiebly.
De retour à Duékoué, beaucoup avaient perdu l’appétit et sont rentrés à Abidjan.
La gestion de la suite de cette visite, est une autre paire de manches.
Eric Kahe