Les investisseurs français en Afrique attendent d’Emmanuel Macron un vrai « virage africain »

Une vue du Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan, en mai 2016.

Le comportement d’Emmanuel Macron ne me permet pas de dire que nous allons vers de meilleures relations en Afrique, et surtout vers un partenariat « donnant/donnant »

La France vit un bouleversement politique d’une ampleur surprenante. Sous l’impulsion d’un président de 39 ans, un large renouvellement du personnel politique va de pair avec un écroulement des partis traditionnels et l’émergence d’une nouvelle majorité. Les relations avec l’Afrique seront évidemment impactées par ce mouvement. A cette occasion, qu’il soit permis aux entreprises françaises investies en Afrique de mettre en avant quelques principes qui sont autant de convictions fortes et qui devraient guider la future politique de la France.

Avant tout, il s’agit d’être conscient que le développement de l’Afrique est une priorité absolue. Pour le continent lui-même d’abord, confronté à des défis gigantesques : la pauvreté, la population sans cesse croissante, l’emploi, le manque d’infrastructures. Le développement est la seule manière de lutter contre les flux migratoires (dramatiquement illustrés par la forte poussée de la migration subsaharienne ces derniers jours), le terrorisme qui se nourrit de la pauvreté, et l’explosion démographique. Il y a urgence, et bien que ce ne soit pas une préoccupation première de l’opinion, c’est une question qui nous concerne directement en France et en Europe. C’est donc une vision politique qu’il faut avoir. Angela Merkel l’a bien compris, en plaçant l’Afrique au centre des objectifs du prochain G20.

Ensuite, être convaincu que l’Afrique est une chance formidable pour la France et ses entreprises. Ce continent est maintenant totalement ouvert à la mondialisation, et nos positions de 2030 se construisent aujourd’hui. Ce que les Chinois, les Turcs, les Indiens réussissent à faire, pourquoi les entreprises françaises ne le feraient-elles pas ? Nos avantages concurrentiels sont déterminants : nous partageons la langue, le droit commercial, la monnaie, et surtout une proximité ancienne et profonde avec le continent. Investissons dans ces pays amis, et nous soutiendrons notre propre croissance. Sans parler de l’influence que cela confère à la France, encore considérée de ce fait comme une puissance qui compte.

La fin de la Françafrique

La politique africaine de la France doit miser sur l’entreprise, française ou africaine, pour atteindre les objectifs du développement. C’est en bonne voie, grâce à l’arrivée sur le marché africain de nouveaux acteurs français, issus de la diaspora ou du digital, et un nouveau discours et positionnement des Français. La fin de la Françafrique et des rentes de situations est actée. C’est pourquoi il faut encore davantage contribuer à améliorer l’état de droit et le climat des affaires, favoriser le cofinancement et le soutien à l’investissement privé, simplifier les procédures administratives de gestion de projets, et toujours et encore encourager les entreprises.

Au final, il nous faut instaurer un esprit collectif qui marque la forte détermination de notre pays à développer ses positions en Afrique. Un système où les pouvoirs publics, les entreprises et les organismes financiers jouent totalement collectif et partagent la même ambition, comme d’autres pays africains ou européens savent parfaitement le faire. De bonnes initiatives ont déjà été prises en ce sens, par exemple le renforcement de Bpifrance, de Business France ou de l’Agence française de développement (AFD), mais il faut sérieusement accélérer le mouvement et jouer plus vite et plus agilement, pour que Paris s’impose comme le hub incontournable pour l’Afrique.

Voilà quelques axes qui pourraient fonder une relance de nos positions en Afrique, et qui traduiraient l’enjeu que ce continent représente pour nous, mais aussi l’espoir et la confiance que nous plaçons en lui.

Etienne Giros est président délégué du Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN) qui réunit les entreprises industrielles et de services, grands groupes comme PME-PMI, qui opèrent Afrique. Le CIAN compte aujourd’hui 160 sociétés adhérentes, soit 10 000 établissements et 300 000 collaborateurs sur le continent pour un volume d’affaires de 60 milliards d’euros.

Ce que les Chinois, les Turcs, les Indiens réussissent à faire, pourquoi les entreprises françaises ne le feraient-elles pas ? demande Etienne Giros.

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