les Bahamas, beau coffre fort des évasions fiscales du clan étatique de Côte d’Ivoire
Merci à Nicoletta Fagiolo, qui nous a mis la puce à l’oreille en faisant surgir une bizarrerie de l’amas de « datas » désormais disponibles en ligne.
– Il s’agit de la montée en puissance d’un drôle de pays importateur en Côte d’Ivoire : les Bahamas, qui sont comme tout le monde le sait, un paradis fiscal. En 2014, il représentait 5,4% des importations ivoiriennes, après le Nigeria, la France et la Chine, mais avant l’Inde, l’Allemagne ou les Etats-Unis. En 2013, les Bahamas représentaient 11% des importations ivoiriennes, soit la même valeur que la France et la Chine. Je vous vois d’ici dire « han ». Comment c’est possible ?
– Je suis allé un peu plus loin que Nicoletta et j’ai cherché à savoir depuis quand les Bahamas, île certes paradisiaque mais lilliputienne, était un partenaire commercial aussi important pour la Côte d’Ivoire. Eh ben, depuis 2013. Avant ça, aucune trace. En 2010, la Côte d’Ivoire n’importe que des produits d’une valeur de 10,4 mille dollars des Bahamas. Des alcools forts et des agrumes. En 2012, pour 124 mille dollars, de la jute et autres fibres textiles. En 2013, c’est l’explosion : la Côte d’Ivoire importe pour 1,46 milliard de dollars à partir des Bahamas, et il s’agit, selon le code douanier, de « special purpose ship », c’est-à-dire de « bateau à usage spécial ». C’est vague. Cela peut être des navires qui posent des câbles sous-marins, qui installent des éoliennes, qui font du FORAGE PETROLIER, etc… OK. Mais on parle ici de 1000 milliards de FCFA, bien plus que la valeur des importations de riz dans le pays. S’agit-il là d’achats de bateaux ou de leur contenu ? Et pourquoi les Bahamas, qui ne font pas partie des gros producteurs de bateaux ? Les sachants, venez m’expliquer en inbox ou en commentaire.
– Un constat, tout de même : alors qu’ils étaient devenus miraculeusement, vers le milieu des années 2000, de gros importateurs de « special purpose ship », des pays africains comme le Congo-Brazzaville, le Nigeria ou l’Angola, ne le sont brusquement plus ces toutes dernières années.
– Mon opinion est que le fin mot de toutes ces histoires, ce sont les jeux d’écritures internes aux firmes de trading pétrolier qui sont devenues maîtresses du jeu dans plusieurs pays d’Afrique ces quinze dernières années. Parmi elles, Trafigura par exemple, dont le siège de nombreuses filiales spécialisées sur l’Afrique se trouvent paradoxalement… aux Bahamas. Et dont la filiale ivoirienne Puma Energy, qui vient de prendre le contrôle de certaines activités de l’entreprise publique Petroci, est présidée par Ahmadou Touré… neveu d’Alassane Ouattara.
– Ces jeux d’écriture à mon avis puent l’évasion fiscale au regard des montants en jeu.
Tambou Tchagain, alias Théophile Kouamouo