Le choix de la guerre civile
LE CHOIX DE LA GUERRE CIVILE
Alors qu’il est en Egypte et visite les pyramides avec un aréopage dans lequel figure l’increvable Jack Lang, Emmanuel Macron répond ainsi à la question d’un journaliste concernant les gilets-jaunes à la faveur d’une conférence de presse: « Je déplore que onze de nos concitoyens aient perdu la vie durant cette crise. (…) Je note qu’ils ont bien souvent perdu la vie en raison de la bêtise humaine mais qu’aucun d’eux (sic) n’a été la victime des forces de l’ordre. » [1]
De la part d’un philosophe aguerri qui ne perd pas une occasion de rappeler qu’il a limé sa cervelle contre celle de Machiavel et Hegel, puis de Paul Ricœur et d’Habermas, on attendrait une sentence moins bas de plafond!
N’allons pas chercher les chiffres du ministère de l’Intérieur, ils sont donnés par des propagandistes qui ont désormais le souci de sauver un régime discrédité par ses acteurs et leurs actions plus que la République.
Lisons tout simplement la notice Wikipédia: « Onze personnes meurent lors des manifestations, dont dix à la suite d’un choc avec un véhicule. Le 17 novembre 2018, au Pont-de-Beauvoisin (Savoie), une conductrice d’un 4×4, arrêtée à un barrage de manifestants à un rond-point, redémarre son véhicule et renverse une manifestante de 63 ans, qui est tuée; au vu des images d’une caméra de vidéosurveillance, le parquet déclare qu’il est « impossible de qualifier l’acte d’involontaire ». Entre le 19 novembre et le 21 décembre, sept conducteurs meurent après avoir percuté des véhicules. Le 2 décembre, à Marseille, une femme de 80 ans meurt à l’hôpital « d’un choc opératoire », après avoir reçu dans le visage des éléments d’une grenade lacrymogène alors qu’elle fermait les volets de son appartement. Les 13 et 20 décembre, deux Gilets jaunes trouvent la mort après avoir été renversés par un camion. Par ailleurs, plusieurs automobilistes forcent des barrages, renversant des manifestants ou des membres des forces de l’ordre. »
Dans cet état des lieux simple et sobre, chacun, même lui, dispose des informations qui permettent d’exposer une authentique généalogie de ces disparitions: une femme a été délibérément écrasée, deux ont été renversés par des camions qui ont forcé un barrage ou voulu l’éviter en faisant une manœuvre brutale, sept ont trouvé la mort en percutant des véhicules arrêtés, une dame est morte suite à des blessures de police. Ce qui n’empêche pas le président de la République de faire savoir, ce qui est un mensonge flagrant, qu’aucun n’est mort à cause des forces de l’ordre!
Or, Madame Zineb Redouane, quatre-vingt ans, a reçu des éclats de grenade dans la figure pendant qu’elle fermait les volets de son appartement à Marseille alors que les projectiles lancés par la police partaient dans tous les sens. Voici le témoignage de son fils: « Samedi vers 17h30, entendant le brouhaha dans la rue, ma mère en refermant les volets de sa fenêtre pour éviter les fumées a croisé le regard d’un CRS positionné en face de son immeuble. Celui-ci l’a immédiatement mise en joue et a tiré une grenade avec son fusil, il l’a atteinte en plein visage. Ses voisins l’ont immédiatement évacuée à l’hôpital. [2] Des voisins ajoutent: « Quand je suis arrivée, elle sortait de la salle de bains une serviette en sang sur la mâchoire. Elle criait : ‘Ils m’ont visée, ils m’ont visée !’ L’appartement était rempli d’une fumée noire. Elle m’a racontée que deux policiers en tenue se trouvaient sur le trottoir d’en face de la Canebière et lui ont tiré dessus. » Admise à l’hôpital pour y être soignée, elle est morte sur le billard alors qu’on l’opérait. Victime de « la bêtise humaine »? Ou de la l’ultra-violence du président de la République Emmanuel Macron qui répond par les armes à la demande légitime d’un peuple qui souhaite ne plus être exclu des décisions politiques qui se prennent malgré lui et si souvent contre lui.
Invoquer la « bêtise humaine », c’est couvrir les ennemis des gilets-jaunes qui ont délibérément foncé sur eux, en voiture ou en camion -le premier mort entre dans cette catégorie, le parquet ayant conclu qu’au vu des images d’une caméra vidéosurveillance, il est « impossible de qualifier l’acte d’involontaire » [3] puisque la conductrice a volontairement redémarré- ce qui relève donc de la violence volontaire.
Invoquer la « bêtise humaine », c’est aussi couvrir des chauffards qui, énervés, on en a vus, sont probablement arrivés à fond sur des barrages alors que le code de la route invite à la maîtrise de son véhicule et qu’on ne découvre pas un barrage composé d’un rassemblement de gilets-jaunes, donc vêtus avec un gilet fluorescent extrêmement visible en cas de danger, juste en arrivant dessus, au point de ne pouvoir freiner à temps, sauf à rouler trop vite, volontairement ou non; de même, c’est couvrir ces conducteurs qui ne respectaient pas le code de la route en faisant des demi-tours sur la chaussée -ce qui, dans un cas comme dans l’autre, relève de l’infraction, donc de la violence routière.
Invoquer la « bêtise humaine », c’est également couvrir des policiers déchaînés, ivres de la liberté que leur offre le pouvoir qui leur garantit l’impunité, via les discours de morgue de Castaner, de tirer dans le tas et de mutiler à qui mieux mieux -ce qui relève de la violence d’Etat.
Or, couvrir les ennemis des Gilets Jaunes, couvrir les chauffards qui utilisent leurs véhicules comme des « armes par destination » comme il est dit quand on trouve un coupe-ongles dans un sac à dos de gilet-jaune, couvrir des policiers déchaînés, c’est continuer dans la direction empruntée depuis le début par le chef de l’Etat: faire le choix de la guerre civile.
Michel Onfray
[2] https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-ce-que-l-on-sait-de-la-mort-d-une-octogenaire-blessee-par-une-grenade-lacrymogene-a-marseille_3084379.html [3] http://www.francesoir.fr/societe-faits-divers/mort-dune-gilet-jaune-en-savoie-la-conductrice-volontairement-redemarre