Le 14 juillet : M. Macron ou l’histoire pour les nuls
Aujourd’hui 14 juillet, dans son discours à l’issue du défilé des armées, le Président Macron revisitait à nouveau l’Histoire de France en réduisant l’Egalité à l’égalité des chances :
– « En ce 14 juillet, nous célébrons ce qui nous unit […]. Cette ambition de donner à chacun sa chance qu’on appelle égalité » –
Les références à la Grande révolution de M. Macron témoignent décidément d’une vision au mieux superficielle et plus certainement révisionniste de l’épisode fondateur du peuple en tant que corps politique constitué. On se souvient en effet de la référence de M. Macron à Sieyès et Mirabeau pour tenter de fustiger l’absence de Jean-Luc Mélenchon et des députés Insoumis lors du Congrès de Versailles le 3 juillet. Jean-Luc Mélenchon lui avait à juste titre rappelé alors que Sieyès est justement celui-là même qui avait porté la suppression du fait de siéger par ordre et avait appelé à la transformation des états-généraux en assemblée constituante. On aurait également pu rappeler à sa majesté contemporaine que Mirabeau intervenait au même moment dans le débat pour nommer l’Assemblée et proposait alors « Assemblée des représentants du peuple », dimension sur laquelle s’assoit allègrement le Sieur Macron lorsqu’il use et abuse des ordonnances pour couper court à l’intervention de ladite Assemblée.
Ce même 3 juillet, en écoutant sa majesté Macron s’exprimer depuis le décor doré du château de Versailles où il avait convoqué le Congrès, j’étais déjà choqué par la réouverture caricaturale de la plaie entre jacobins et girondins : « La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir. Conjurons cette peur. Osons expérimenter et déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins, fondés sur la confiance et la responsabilité » déclarait alors le chef de l’Etat.
Passons sur le fait que M. Macron feigne de ne pas voir que le mouvement jacobin est justement celui qui a été le plus loin dans l’exigence démocratique pour chercher à se se prémunir de la délégation de pouvoir dans la représentativité. Mais il pourrait au moins se souvenir, en ce 14 juillet, que les paroles de La Marseillaise, chant révolutionnaire rédigé dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 peu après l’entrée en guerre, sont une mise en musique d’un texte de La société des amis de la constitution, plus connue sous le titre de Club des jacobins, placardé la veille sur les murs de Strasbourg où se trouvait Rouget de Lisle :
« Aux armes, citoyens ! L’étendard de la guerre est déployé : le signal est donné. Aux armes ! Il faut combattre, vaincre ou mourir !
« Aux armes, citoyens ! Si nous persistons à être libres, toutes les puissances de l’Europe verront échouer leurs sinistres complots. Qu’ils tremblent, ces despotes couronnés ! L’éclat de la liberté luira pour tous les hommes. Vous vous montrerez dignes enfants de la liberté ; courez à la victoire, dissipez les armées des despotes, immolez sans remords les traîtres, les rebelles qui, armés contre la patrie, ne veulent y entrer que pour faire couler le sang de nos compatriotes !
Marchons ! Soyons libres jusqu’au dernier soupir, et que nos vœux soient constamment pour la félicité de la patrie et le bonheur de tous le genre humain ».
M. Macron va-t-il aller jusqu’à se dédire de La Marseillaise en ce 14 juillet ? Si tel est le cas, il pourra peut-être se rabattre sur ce qui est le chant premier du 14 juillet, avant que La Marseillaise ne devienne chant national sous le directoire puis hymne national en 1879, à savoir le Ah ça ira: c’est en effet ce chant là qui fût repris le 14 juillet 1790, source autant que le 14 juillet de l’année précédente de notre fête nationale. Mais il n’est pas sûr que les paroles coïncident mieux avec la relecture qu’en fait M. Macron : l’égalité – et non l’égalité des chances – était alors érigée en valeur fondatrice du peuple : « Ah ça ira, ça ira, Nous n’avions plus ni nobles ni prêtres, Ah ça ira, ça ira, l’égalité partout règnera ». Et la Loi, expression de la volonté générale rousseauiste, célébrée comme contrat social dans les mains des représentants du peuple : « Ah ça ira, ça ira, suivant les maximes de l’Evangile, Ah ça ira, ça ira, Du législateur tout s’accomplira, Celui qui s’élève on abaissera, Et qui s’abaisse on l’élèvera, Ah ça ira, ça ira, Le vrai catéchisme nous instruira, Et l’affreux fanatisme s’éteindra, Pour être à la Loi docile, Tout Français s’exercera, Ah ça ira, ça ira ». Pas sûr en effet que cela cadre si bien que cela avec l’idée que se fait sa majesté Macron des riens et de leurs représentants…
François Cocq, sur son site La force du peuple