La commémoration des 10 ans de l’attentat contre l’avion de Soro délocalisée à Bingerville
La cérémonie commémorative de l’attentat manqué contre Guillaume Soro en juin 2007 prévue pour se tenir à Bouaké jeudi prochain, a été délocalisée à Bingerville au même jour.
Siratigui Konaté dans un communiqué dont copie est parvenue à notre rédaction, ne donne aucune raison expliquant la délocalisation de la manifestation.
Le président de l’amicale des victimes de l’attentat présente ses excuses aux populations « Bouakéennes » pour les désagréments que ce changement de lieu qui, serait selon lui, indépendant de sa volonté, auraient causés.
Guillaume Soro et ses collaborateurs avaient été victimes d’un attentat le 29 juin 2007, alors qu’ils se rendaient à Bouaké pour le lancement des audiences foraines.
Dix ans après, les résultats de l’enquête afin d’identifier les auteurs de cette attaque sont toujours attendus.
Koaci.com
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Décryptage de l’annulation de la commémoration à Bouaké
de l’an 10 de l’attentat contre le F100 de Soro
- Posté par Charles Kouassi
- 27/06/2017
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Aujourd’hui, chaque parole, chaque geste, chaque manifestation est analysé(e), interprété(e), mais aussi instrumentalisé(e), dans la perspective de 2020, et même au-delà . 10 ans après, fallait-il commémorer l’attentat manqué contre le Fokker 100 transportant Guillaume Soro, à Bouaké, alors qu’il était Premier ministre ?
Des partisans de Guillaume Soro, le « noyau dur » de la « Sorosphère » avaient annoncé cette commémoration sur les réseaux sociaux, à l’initiative de l’Amicale des victimes de l’attentat du 29 juin 2007, alors qu’une autre tentative d’assassinat dans un lieu plus proche d’Abidjan sorte de terrain « neutre » politique ( 27 juin 2003 à la RTI) , ne fait pas l’objet d’une commémoration particulière ? Toutefois ni le cabinet officiel, ni le service de communication de Soro n’avait annoncé officiellement cette commémoration qui n’aura finalement plus lieu, à Bouake
Les pistes d’analyse et de décryptage sont là :
a) Fallait-il commémorer un événement qui renvoie à une période douloureuse et tragique de l’histoire récente de notre pays ?
b) Fallait-il le faire à Bouaké, lieu hautement symbolique pour deux raisons ? D’abord, l’image de Bouaké est liée aux Forces nouvelles et à l’ex rébellion. Ensuite, c’est à Bouaké qu’une cache d’armes a été découverte chez un collaborateur de Guillaume Soro.
c) Fallait-il ramener à la surface de l’agitation politique actuelle l’image d’un Soro ex-Chef des Rebelles dont la marche vers la conquête du pouvoir en 2020 commencerait à Bouaké, à l’occasion d’un épisode douloureux, mais qui par la grâce de Dieu n’a pas été tragique, en évitant la mort du principal passager visé par l’attaque ?
d) Pouvait-on maintenir dans cette commémoration à Bouaké sans pointer du doigt l’absence d’une conclusion définitive de l’enquête ouverte sous le régime Gbagbo, mais dont les populations n’ont jusqu’à ce jour aucune nouvelle, comme si de Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, il y’avait une volonté d’étouffer la vérité ?
e) Commémorer en grande pompe l’an 10 de l’attentat pouvait-il aider à faire l’économie de l’exigence de vérité dans les autres enquêtes et accusations, en cours ?
Difficile d’empêcher dans ces conditions le débat sur la vérité , la justice et l’impunité, au-delà des discours de pardon et de réconciliation, qui pouvaient sortir à l’occasion de la commémoration de l’an 10, après l’an 9.
Se projeter dans le futur, n’est-ce pas s’imaginer l’avenir de Bouaké qui peut recevoir une cérémonie importante dédiée à la réconciliation et au pardon en présence de tous les Ivoiriens ? Commémorer cet attentat manqué n’était-ce pas rappeler qui est Guillaume Soro et réveiller les haines et les rejets qu’il peut susciter encore de la part des victimes de la rébellion et de la crise post électorale ; à côté bien entendu de ceux qui y voient un acte de bravoure et de résistance , et qui sont forcément acquis à sa cause ?
Même si la mythologie guerrière et du « héros » indestructible et révolutionnaire encombre l’imaginaire de certains membres de la « Sorogang », n’était-il pas judicieux pour Guillaume Soro de sortir de Bouaké ou de ne pas s’y laisser enfermer ? Il est pertinent d’envisager de ne pas associer l’image de Bouaké au passé, d’autant plus que les dernières mutineries de la ville ont effrayé les populations locales.
Quelle image de lui-même veut donner Guillaume Soro ? Celle d’un ex-chef de guerre devenu, dans l’imaginaire de certains membres de son entourage, un personnage de jeu video comme « Total War : Attila » , ou bien celle d’un Mandela ivoirien tournée vers la Paix et qui a abandonné tout esprit de vengeance ou de règlements de comptes ?
Désormais, face à l’Histoire et aux nouvelles générations, Guillaume Soro est comptable de chaque parole qu’il prononce, de chaque geste qu’il fait, de chaque événement auquel il participe.
On peut trouver une réponse à ces questionnements dans l’annulation à Bouaké de la commémoration qui y était prévue, et à laquelle des membres de la « Sorosphère » avait même annoncé la présence du Président de l’Assemblée nationale.
Finalement Affoussy Bamba et les autres acteurs des Forces nouvelles concernés, ainsi que les amis et proches de Guillaume Soro, se rendront plutôt à Bingerville le jeudi 29 juin 2017, pour une cérémonie modeste délocalisée dans l’ex capitale de la Côte d’Ivoire, sans doute en l’absence de Guillaume Soro lui-même.
En plus des questionnements posés plus haut , quelques sources généralement bien informées croient savoir que le Président Henri Konan Bédié aurait lui aussi déconseillé à Guillaume Soro la tenue à Bouaké, de cette cérémonie de commémoration , au motif que dans le contexte actuel marqué par l’après-mutinerie, et l’enquête sur la découverte de caches d’armes, un tel événement aurait pu créer davantage de confusion, au niveau socio-politique.
Charles Kouassi, Afrikipresse.fr