Junior Gbagbo : Comment j’ai rencontré le mercenaire libérien de Gbagbo
Je mets cet article en ligne, non pas parce que j’adhère au texte, loin de là, mais pour pouvoir y répondre très prochainement
Shlomit
Par André Silver Konan,
Il m’a dit s’appeler Junior Gbagbo et j’ai rigolé. Il était pourtant sérieux. En juin-juillet 2011, alors que j’exerçais mon métier de journaliste au quotidien panafricain Jeune Afrique, j’ai été envoyé en mission au Ghana, précisément à Accra. J’y ai alors rencontré Junior Gbagbo, de son vrai nom Jérôme Tarlué Junior, le mercenaire libérien qui témoigne actuellement à la CPI.
Petite précision avant de commencer. Je n’ai jamais publié les graves secrets que Junior Gbagbo m’avait confiés. Je ne le ferai (sans doute) jamais. Par respect de l’éthique journalistique qui est demeurée en moi, même si j’ai quitté la presse. Mon ami qui m’avait accompagné à cette rencontre en est sorti tout tremblant. Il ne croyait pas ses oreilles, tant il avait nié, comme beaucoup, l’existence de mercenaires, dans les rangs de l’armée ivoirienne.
Ma rencontre à Accra, avec Junior Gbagbo
Bref, étant donné que Junior Gbagbo témoigne actuellement à visage découvert à la CPI, je suis maintenant à l’aise pour parler un peu de lui. De notre rencontre inattendue. En effet, c’est par l’intermédiaire d’un ami dont je ne citerai pas le nom, ancien membre influent de la Galaxie patriotique, que j’ai eu le contact de Junior Gbagbo.
Ce dernier n’a fait aucune difficulté. Notre rencontre a eu lieu dans le camp des réfugiés ivoiriens de Buduburam, dans la banlieue d’Accra. A première vue, c’était un jeune homme tout ce qu’il y a de plus normal. Air intelligent, sait garder son calme, semble respectueux, communique une certaine humeur.
Entouré d’une cour de jeunes gens aux allures pas toujours sympathiques dont on devinait aisément qu’ils avaient été des mercenaires en Côte d’Ivoire, avec leur français approximatif. Junior Gbagbo lui, parlait quasiment sans tic. Preuve qu’il avait passé du temps en Côte d’Ivoire. Il regrettait particulièrement le bon attiéké de Dabou et les belles gos de Yop Lol.
Graves secrets
Très vite, nous sommes rentrés dans les confidences, les graves secrets. Je sus alors que certaines attaques perpétrées à l’ouest du pays (à cette époque) avaient été financées par des anciens barons du pouvoir Gbagbo. Parmi eux des gens de l’entourage familial. J’ai dit que je ne citerais pas de nom.
Il disait que les financiers se faisaient simplement gruger par des gens qui n’avaient pas le cœur à l’ouvrage. Pour lui, la stratégie des combattants escrocs consistait à faire une attaque spectaculaire dans un village de l’ouest et de justifier par là, les financements reçus.
Pour sa part, il ne demandait que le dixième de ce que les financiers donnaient aux autres, pour faire le job « propre propre ». Il se moquait de certains leaders de milices patriotiques qui étaient, comme lui, à Accra et qui étaient particulièrement actifs sur Facebook.* Il les appelait les combattants de Facebook.
Junior Gbagbo mercenaire libérien
Junior Gbagbo m’avait confié qu’il n’était certes pas recruté officiellement au sein de l’armée ivoirienne, mais en avait tous les avantages. Lui et son groupe étaient habillés en treillis militaires ivoiriens, possédaient des cartes des ex-FDS et étaient placés sous l’autorité d’un commandant très proche de l’ancien couple présidentiel (Il a même dit son nom à la CPI).
Junior Gbagbo qui avait été déployé dans la périphérie de la résidence présidentielle, ne semblait pas apprécier la fuite de Charles Blé Goudé. Qui, selon lui a quitté le navire trop tôt. Il me confia que ce dernier était parti avec son groupe, voir Gbagbo, plusieurs jours avant la chute, pour obtenir de lui, qu’il le laisse partir au Ghana.
Pour lui, c’était une façon de lui forcer la main, dans une situation difficile. Il confia que malgré que Gbagbo ne semblait pas apprécier la « trahison », il remit « beaucoup de sous » à son jeune loup, qui aurait quitté Abidjan, avec l’appui d’un ancien chef de guerre de la rébellion.
Il raconta comment lui-même, après la chute de Gbagbo, put s’échapper avec un hors-bord de la marine. Comment il trouva d’abord refuge à la base de Locodjoro, avant de se fondre dans la nature et se retrouver avec ses combattants, mercenaires libériens, comme lui, à Accra.
Amour de Gbagbo
Junior Gbagbo avait beaucoup de ressentiments contre les anciens FDS, qu’ils qualifiaient de poltrons. Il n’avait pas beaucoup d’estime pour de hauts gradés de l’armée, qui selon lui, jouaient à un double jeu.
De Laurent Gbagbo, ce mercenaire conservait un souvenir intacte. Il l’aimait vraiment et il était prêt à se sacrifier pour lui. Son témoignage actuel est conforme à l’impression générale que j’avais eue de lui, à cette époque.
Mais sans le vouloir, sans même l’imaginer, le témoignage de Junior Gbagbo est le plus précieux instrument jusque-là, obtenu par la procureure Fatou Bensounda. Je vais vous dire pourquoi dans les lignes à venir.
Mais je dois souligner que je suis vraiment surpris que les journaux pro-Gbagbo ne décèlent pas cette subtilité juridique. Et s’extasient du témoignage du mercenaire libérien, qui selon eux, est largement en faveur de leur mentor. C’est un satisfecit au premier degré.
Précieux témoignage pour Bensounda
Pourquoi ? Pour une raison toute simple. Le recrutement de mercenaires est considéré comme un crime de guerre. Tout simplement. Suivez bien la méthode de la procureure. Elle a fait témoigner Sam l’Africain et tous les supporteurs de l’ancien Président ont présenté ce dernier comme un héros.
Ils étaient tellement transportés de joie, parce que ce dernier a loué les qualités humaines (indéniables) de Gbagbo, qu’ils n’ont pas compris la stratégie de la procureure. A commencer par le témoin lui-même.
En effet, elle voulait justement démontrer que la Galaxie patriotique était bien organisée et financée directement ou indirectement par le couple Gbagbo. Et que Blé Goudé en était un chef charismatique. Sans le vouloir ou le savoir, Sam l’Africain a confirmé ces deux points que recherchait la procureure.
« Sans le vouloir, sans même l’imaginer, le témoignage de Junior Gbagbo est le plus précieux instrument jusque-là, obtenu par la procureure Fatou Bensounda »
Le témoignage du commandant Hôtel, c’était pour Bensounda une façon de démontrer que les milices patriotiques non seulement existaient, mais elles commettaient de graves exactions et tout cela au su du couple présidentiel.
Quant à l’actuel témoignage de Junior Gbagbo, il s’agit simplement de démontrer que Gbagbo a recruté, armé et utilisé des mercenaires. Junior Gbagbo le confirme sans se douter de rien. Cette dame est subtile. Elle a compris que la meilleure façon de faire témoigner les anciens proches de Laurent Gbagbo, c’est de les transformer en « témoins hostiles ».
Sa technique marche. En ce sens que les gens sont à l’aise pour aller témoigner à la CPI, pour croient-ils, aller louer les qualités de l’ancien chef d’Etat. Or, de tout leur témoignage, le bureau de la procureure ne cherche qu’un ou deux éléments, pour accréditer sa théorie de crimes contre l’humanité, pour lesquels elle poursuit Blé et Gbagbo. Bref. J’y reviendrai peut-être un jour…
* en écoutant une séance de la CPI, j’ai compris que ce jeune homme était analphabète, comment donc ASK peut-il décrire un Gbagbo Junior se moquant des « combattants » de FB?