Journalistes arrêtés: Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de rage…
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J’invite tous les censeurs à lire ce reportage de Soir Info, qui vaut à son auteur et à son directeur de publication Vamara Coulibaly d’être illégalement détenus depuis bientôt 72 heures et à nous dire, en quoi il inciterait à la révolte ? Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de rage…
André Silver Konan
Détention illégale de journalistes:
Voici l’article de Soir Info qui a fâché le procureur
Détention illégale de journalistes ivoiriens. Dans cette édition, nous vous reproposons l’article de Soir Info, paru le samedi 11 février, qui vaut à son auteur et à son directeur de publication, d’être détenus, sur ordre du parquet, depuis le dimanche 12 février 2017. Chacun pourra faire son propre commentaire. Rappelons que le titre de l’article était: « Adiaké / Mutinerie des Forces spéciales: Retour au calme dans la ville, les populations sur le qui-vive ». Le sous-titre était: « Reprise timide des activités ». Lisez et dites-nous en quoi cet article incite à la révolte ?
Au moment où nous mettons sous presse, ce vendredi 10 février, il règne, dans la localité d’Adiaké, située à environ 70 kilomètres à l’est d’Abidjan, un calme plat. Selon plusieurs sources, la veille, une importante délégation de la haute hiérarchie militaire, conduite par le chef d’état-major général, a rencontré les mutins à leur base, qui surplombe la lagune Aby.
Suite à cette entrevue entre le général Touré Sékou et les soldats des Forces spéciales (Fs), au cours des échanges avec les forces vives de la population à la préfecture d’Adiaké, Géraldo Lucie Trazié, préfète nouvellement affectée dans le département, a fait part à l’assistance des regrets des mutins pour les désagréments subis.
Aux fins de nous rendre compte des retombées de l’accord entre mutins et la hiérarchie militaire, nous nous rendons sur le terrain pour prendre le pouls de la situation. Le voyage pour Adiaké débute par une escale à la gare routière de la localité-carrefour de Samo, située sur la voie internationale Abidjan-Accra, après Bonoua, en venant de la capitale économique ivoirienne.
Le taxi brousse que nous empruntons transporte les 7 passagers coincés dans l’engin, telle une boîte de sardines. Sur la voie bitumée sur laquelle nous nous engageons, quelques minutes plus tard, nous voyons défiler les localités de Djiminikoffikro, Kongodjan, Kakoukro.
Lorsque nous parcourons 20 km, la première observation d’une reprise des activités paralysées auparavant suite au mouvement d’humeur des soldats, porte sur l’environnement à l’école primaire publique de Roa. Ici, les classes sont certes ouvertes mais un groupe d’enseignants devise dans la cour de l’école, peu après 9 h. A quelques pas, l’ambiance au lycée municipal est mitigée.
Interrogé, l’adjoint au chef d’établissement (Ace) qui assure l’intérim du proviseur permissionnaire, nous donne des explications : « Les cours ont repris mais nous notons beaucoup d’absences d’élèves dans les classes, cela est dû au fait que ceux-ci, pour la plupart, ont regagné les villages environnants, situés au-delà de la lagune. Ce n’est que le jeudi soir que nous avons eu des assurances des autorités compétentes de ce que le travail devait reprendre ».
Après quoi, en partance pour le centre-ville, le décor contraste au groupe scolaire communément appelé école 3, où toutes les classes sont closes. Les occupants habituels, maîtres et élèves brillent par leur absence. Lorsque nous empruntons la route principale, une sorte d’épine dorsale longue de 2 km, nous apercevons les taxis communaux de couleur blanche, avertisseurs sonores constamment en marche, désespérément à la recherche de clients.
La plupart des commerces qui ont rouvert, fonctionnent au ralenti. Idem pour les services publics et parapublics que nous visitons. Le trésor public, la préfecture, la sous-préfecture, l’hôpital général fonctionnent. La stricte prudence est de mise à la station météorologique où du fait de la crise, le portail, d’ordinaire ouvert les jours ouvrables, est resté clos sur instruction du chef de service.
Le marché de la ville également, qui a subi l’assaut des militaires en colère, connaît des moments de morosité. « Généralement, avant 10 h, les choses se passent bien. Ce n’est qu’après que tout se gâte donc nous sommes sur nos gardes, on ne sait pas ce qui va arriver », s’inquiète une restauratrice que nous avons rencontrée.
72 heures de peur et de paralysie
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la mutinerie des Forces spéciales d’Adiaké marque les esprits dans cette bourgade. De façon unanime, nos interlocuteurs parlent de l’effet de surprise. A dire vrai, aucun habitant n’a parié sur un pareil mécontentement des militaires de la ville. Une surprise aux effets désastreux, constate-on dans la région.
« C’était le mardi 7 février, vers 14 h que les militaires sont arrivés dans un véhicule blindé, ici, à Samo. Ils ont tiré plusieurs coups de feu en l’air. Pris de panique, nous avons abandonné nos marchandises et nous nous sommes enfuis », témoigne le jeune Seydou Konaté. Qui ajoute : « Ils sont revenus le lendemain, mais sans tirer de coup de feu. Et donc parce qu’ils n’étaient pas menaçants, alors nous sommes restés sur place mais la peur au ventre ».
Les propos de Seydou sont corroborés par Ouédraogo Adamo, vendeur de produits phytosanitaires, qui relève qu’il a dû se réfugier en brousse pour éviter les balles perdues. Toujours à l’en croire, de nombreux fuyards ont dû passer plus de 5 heures terrés dans leur cachette. Dans la même veine, on apprend que la paralysie était totale à Adiaké.
« Il n’y avait que les deux boulangeries où les mutins s’approvisionnaient et l’hôpital qui fonctionnaient à plein régime. Tous les autres édifices ont fermé. Même l’église catholique où d’ordinaire, en pareilles circonstances on se réfugie, c’était fermé », raconte celui qui nous sert de guide.
« Lorsque les crépitements d’armes automatiques ont été entendus, nous avons décidé de maintenir les élèves en place pour mieux nous imprégner de la situation. Vu que des parents-d’élèves insistaient pour prendre leurs enfants avec eux, nous avons dû fermer le lycée. Aussi, au niveau du personnel, on s’inquiétait pour les membres de la famille », explique l’Adjoint au chef d’établissement Camara Kignon Thomas.
« J’ai eu la tâche allégée par une connaissance qui a recueilli ma fillette qui se trouvait à l’école au moment des tirs », raconte un professeur d’anglais. « Nous avons fermé nos locaux pour préserver la vie des agents. Car pour des besoins vitaux, la relève ne pouvait plus se faire. Malheureusement, pendant ce temps de flottement, nous avons perdu les données météorologiques de deux jours. Cela a impacté le domaine aéronautique », rapporte une source à la station météorologique.
Relativement aux deux victimes des balles perdues, l’on nous apprend qu’elles ont été évacuées sur Abidjan, pour y recevoir des soins appropriés. Le nombre de victimes aurait pu s’alourdir si la balle, qui a transpercé la toiture et le plafond de la maison d’un Ace du lycée municipal, avait atteint un membre de la famille, qui s’y était blottie.
Il y a également le cas de notre confrère T. Mario qui dit avoir senti une balle siffler près de sa tempe droite, non loin du camp des Forces spéciales, alors qu’il était en compagnie d’un autre confrère.
J. Bédel (Envoyé spécial)
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Niamkey Joséphine, présidente des commerçantes des marchés :
« Nous avons peur »
« Tout a commencé le mardi 7 février vers 10 h. Figurez-vous, les mardis, les marchés sont bondés de monde car les gens viennent exposer leurs marchandises et d’autres achètent pour les revendre le mercredi qui est jour de marché. Tout d’un coup, on entend un bruit effroyable. On s’est demandé ce qui se passe car on n’a jamais entendu pareille détonation bien qu’il existe des camps ici.
Et puis, nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait de tirs venant des militaires. Tout le monde a fui. A l’endroit où je réside dans la ville, il y avait du monde, on a apaisé les femmes pour qu’elles aillent chercher leurs marchandises dans le marché mais ce n’était pas possible car ça tirait de partout. On nous pressait de ramasser nos colis. On avait seulement peur des balles perdues sinon ils ne nous menaçaient pas directement mais effectuaient des tirs en l’air.
Le mercredi 8 février après la frayeur de la veille, les commerçantes sont revenues car la ville était calme et donc on a pensé que c’était fini. Le matin j’ai ouvert mon commerce, je suis restauratrice, tout le monde vaquait à ses occupations lorsque vers 9 h, il y a des femmes affolées qui sont venues me dire qu’on leur demande d’évacuer le marché. Vers 10 h, les tirs ont repris de plus belle ; il y a une petite fille d’une fidèle de mon église qui a reçu une balle, on note une autre victime que je n’ai pas vue.
Il y avait du monde, les pertes sont énormes. Dans la débandade, les jeunes qui ont les ‘’pousse-pousse’’ et les tricycles, sont partis avec des marchandises. Il y a une dame qui est venue d’Abidjan avec des sacs d’habits mais quand elle les a mis dans le taxi, le véreux chauffeur a démarré en trombe et a disparu.
Actuellement, nous sommes tous terrées donc il n’y a pas encore de bilan des pertes subies(…) .J’ai eu peur. A la préfecture, on nous a rassuré que tout était fini et donc de sensibiliser nos consœurs pour qu’elles vaquent à leurs occupations. J’ai dit à l’autorité comme les négociations ne sont pas terminées, on ne nous a pas dit officiellement que l’affaire est terminée, on a plutôt dit que les militaires demandent pardon.
Si les tirs reprennent et que les gens se blessent toi qui est parti dire de sortir, de nouvelles victimes pourraient s’en prendre à toi. C’était cela ma crainte. J’ai mal car malgré nos appels à la reprise la ville est quasi déserte ; ceux qui sont venus se réfugier ici lors de la crise post-électorale, sont restés à Adiaké car ici il fait bon vivre.
Après les coups de fusil, certains ont fait des baluchons et sont prêts à retourner d’où ils sont venus. Nous éprouvons un sentiment de peur ».
Ces propos de dame Niamkey montrent que la ville d’Adiaké a vécu d’intenses moments de frayeur avec la mutinerie des Forces spéciales qui y sont basées.
J. Bédel avec la collaboration de T. Mario
repris sur le site d’André Silver Konan
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ALAIN LOBOGNON SANS DETOUR, ex-Porte-parole de la rébellion ivoirienne et ancien ministre de Ouattara aujourd’hui député qui condamne l’arrestation et l’emprisonnement de journalistes.
Depuis plusieurs mois, je dis NON à toutes les demandes d’interview venant des médias d’Etat et de la presse privée en Côte d’Ivoire pour éviter toute polémique inutile liée à mon statut d’ancien ministre et de Député ivoirien. Cette précaution ne m’empêche pas de me prononcer, quand je le souhaite, sur des sujets d’actualité.
Ce lundi 13 février 2017, je viens déplorer la garde à vue, depuis hier dimanche, de six journalistes accusés d’incitation à la révolte dans l’armée.
Il faut condamner. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin d’être interpellée sur les questions des libertés des médias. Car, arrêter un journaliste, salit l’image du pays.
J’accuse le CNP et ses membres. Ces régulateurs des médias auraient pu jouer pleinement leur rôle au lieu d’inciter la Justice à poursuivre des journalistes. Détenir un journaliste pour quelques secondes, c’est retirer à notre pays des points sur ses indices de libertés et de démocratie.
Je suis triste et dépité. Parce que les libérer aujourd’hui sera toujours mal interprété. Le mal est déjà fait.
Le monde entier sait, ce lundi 13 février 2017 que des libertés garanties par la Constitution ivoirienne ont été bafouées.
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