Gaza : le gaz dans le viseur

Gaza : le gaz dans le viseur
par Manlio Dinucci
La guerre pour le gaz se poursuit. Après avoir attaqué la Syrie et s’être partagé son gaz avant de l’avoir conquise, les Occidentaux ont attaqué l’Irak par l’entremise de l’Émirat islamique de manière à couper le pipe-line Iran-Syrie. Maintenant, ils détruisent le Hamas qui, bien qu’allié de Washington comme les autres branches des Frères musulmans, s’oppose au pillage du gaz palestinien.

Manlio Dinucci
Géographe et géopolitologue. Derniers ouvrages publiés : Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013 ; Geografia del ventunesimo secolo, Zanichelli 2010 ; Escalation. Anatomia della guerra infinita, Ed. DeriveApprodi 2005.

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Pour comprendre quelle est une des raisons de l’attaque israélienne contre Gaza il faut aller en profondeur, exactement à 600 mètres sous le niveau de la mer, à 30 km au large de ses côtes. Là, dans les eaux territoriales palestiniennes, se trouve un gros gisement de gaz naturel, Gaza Marine, estimé à 30 milliards de mètres cubes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. D’autres gisements de gaz et de pétrole, selon une carte établie par la U.S. Geological Survey (agence gouvernementale étasunienne), se trouvent en terre ferme à Gaza et en Cisjordanie.

En 1999, avec un accord signé par Yasser Arafat, l’Autorité Palestinienne confie l’exploitation de Gaza Marine à un consortium formé de British Group et Consolidated Contractors (compagnie privée palestinienne), avec respectivement 60 % et 30 % des actions, dans lequel le Fonds d’investissement de l’Autorité Palestinienne a un pourcentage de 10 %. Deux puits sont creusés, Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2. Mais ils n’entrent jamais en fonction, car bloqués par Israël , qui veut tout le gaz à des prix cassés.

Par l’intermédiaire de l’ex-Premier ministre Tony Blair, envoyé du « Quartet pour le Proche-Orient », est préparé un accord avec Israël qui enlève aux Palestiniens les trois quarts des futurs revenus du gaz, en versant la part qui leur revient sur un compte international contrôlé par Washington et Londres.

Mais, immédiatement après avoir gagné les élections de 2006, le Hamas refuse l’accord, en le qualifiant de vol, et demande sa renégociation. En 2007, l’actuel ministre israélien de la Défense, Moshe Ya’alon indique que « le gaz ne peut pas être extrait sans une opération militaire qui éradique le contrôle du Hamas à Gaza ». En 2008, Israël lance l’opération « Plomb durci » contre Gaza. En septembre 2012 l’Autorité Palestinienne annonce que, malgré l’opposition du Hamas, elle a repris les négociations sur le gaz avec Israël. Deux mois après, l’admission de la Palestine à l’ONU en tant qu’« État observateur non membre » renforce la position de l’Autorité palestinienne dans les négociations. Gaza Marine reste cependant bloqué, empêchant les Palestiniens d’exploiter la richesse naturelle dont ils disposent.

En ce point l’Autorité palestinienne prend une autre voie. Le 23 janvier 2014, lors de la rencontre du président palestinien Abbas avec le président russe Poutine, est discutée la possibilité de confier au russe Gazprom l’exploitation du gisement de gaz dans les eaux de Gaza. C’est l’agence Itar-Tass qui l’annonce, en soulignant que Russie et Palestine entendent renforcer leur coopération dans le secteur énergétique. Dans ce cadre, en plus de l’exploitation du gisement de gaz, on prévoit celle d’un gisement pétrolifère dans les environs de la ville palestinienne de Ramallah en Cisjordanie. Dans la même zone, la société russe Technopromexport est prête à participer à la construction d’un site thermoélectrique d’une puissance de 200 MW.

La formation du nouveau gouvernement palestinien d’unité nationale, le 2 juin 2014, renforce la possibilité que l’accord entre la Palestine et la Russie parvienne à bon port. Dix jours après, le 12 juin, survient l’enlèvement des trois jeunes Israéliens, qui sont retrouvés tués le 30 juin : le ponctuel casus belli qui amorce l’opération « Barrière protectrice » contre Gaza. Opération qui entre dans la stratégie de Tel Aviv, visant à s’approprier aussi des réserves énergétiques de l’entier Bassin du Levant, réserves palestiniennes, libanaises et syriennes comprises, et dans celle de Washington qui, en soutenant Israël, vise le contrôle de tout le Proche-Orient, en empêchant que la Russie ne réacquière une influence dans la région.

Un mélange explosif, dont les victimes sont une fois de plus les Palestiniens.

Manlio Dinucci,
communiqué par Priam Pioli Pio

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L’art de la guerre – Israël, permis de tuer

Par Manlio Dinucci

Édition de mardi 22 janvier 2019 de il manifesto

“Avec une action vraiment insolite, Israël a officialisé l’attaque contre des objectifs militaires iraniens en Syrie et intimé aux autorités syriennes de ne pas se venger contre Israël” : ainsi les médias italiens rapportent-ils l’attaque effectuée hier par Israël en Syrie avec des missiles de croisière et des bombes guidées. “C’est un message aux Russes, qui avec l’Iran permettent la survie au pouvoir d’Assad”, commente le Corriere della Sera.

L’art de la guerre - Israël, permis de tuer

Des frappes de missiles israéliens ont eu lieu sur des dépôts d’armes dans le secteur de l’aéroport de Damas et les environs de la capitale. © STR / AFP
Personne ne met en doute le “droit” d’Israël d’attaquer un État souverain pour imposer le gouvernement qu’il doit avoir, après que pendant huit années les USA, l’Otan et les monarchies du Golfe ont essayé avec Israël de le démolir, comme ils l’avaient fait en 2011 avec l’État libyen.

Personne ne se scandalise que les attaques aériennes israéliennes, samedi et lundi, aient provoqué des dizaines de morts, dont au moins quatre enfants, et de graves dommages à l’aéroport international de Damas. Par contre on donne un large écho à la nouvelle que par prudence, est restée fermée pendant une journée, au grand déplaisir des excursionnistes, la station de ski israélienne sur le Mont Hermon (entièrement occupé par Israël avec les hauteurs du Golan).

Personne ne se préoccupe du fait que l’intensification des attaques israéliennes en Syrie, au prétexte que celle-ci sert de base de lancement de missiles iraniens, entre dans la préparation d’une guerre à vaste échelle contre l’Iran, planifiée avec le Pentagone, dont les effets seraient catastrophiques.

La décision des États-Unis de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien -accord défini par Israël comme “la reddition de l’Occident à l’axe du mal dirigé par l’Iran”- a provoqué une situation d’extrême dangerosité pas seulement pour le Moyen-Orient. Israël, la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient -non adhérent au Traité de non-prolifération, souscrit par contre par l’Iran- tient pointées contre l’Iran 200 armes nucléaires (comme l’a spécifié l’ex-secrétaire d’État étasunien Colin Powell en mars 2015). Parmi les divers vecteurs d’armes nucléaires, Israël possède une première escadre de chasseurs F-35A, déclarée opérationnelle en décembre 2017.

Israël a non seulement été le premier pays à acheter le nouveau chasseur de cinquième génération de l’étasunien Lockheed Martin, mais, avec ses propres industries militaires, il joue un rôle important dans le développement de l’avion de chasse : les Israël Aerospace Industries ont commencé en décembre dernier la production de composants des ailes qui rendent les F-35 invisibles aux radars. Grâce à cette technologie, qui sera appliquée aussi aux F-35 italiens, Israël potentialise les capacités d’attaque de ses forces nucléaires, intégrées au système électronique Otan dans le cadre du “Programme de cooptation individuel avec Israël”.

Mais de tout cela on ne trouvera pas d’information sur nos médias, comme on n’en trouve pas non plus sur le fait que, en plus des victimes provoquées par l’attaque israélienne en Syrie, il y a celles encore plus nombreuses provoquées chez les Palestiniens par l’embargo israélien dans la Bande de Gaza. Où – à cause du blocus, décrété par le gouvernement israélien, de fonds internationaux destinés aux structures sanitaires de la Bande- six hôpitaux sur treize, dont les deux hôpitaux pédiatriques Nasser et Rantissi, ont dû fermer le 20 janvier par manque du carburant nécessaire pour produire de l’énergie électrique (dans la Bande la distribution par réseau est extrêmement sporadique).

On ne sait pas combien de victimes provoquera la fermeture délibérée des hôpitaux de Gaza. On ne trouvera de toutes façons pas d’information là-dessus sur nos médias, qui par contre ont largement diffusé ce qu’a déclaré le vice-premier ministre Matteo Salvini dans sa récente visite en Israël : “Tout mon engagement à soutenir le droit à la sécurité d’Israël, bastion de démocratie au Moyen-Orient”.

Source : il manifesto

Traduction : Marie-Ange Patrizio