Discours de Gbagbo à Douékoué
Laurent Gbagbo :
« La paix en Côte d’Ivoire viendra du pays Wé, parce que ce sont les Wé qui ont le plus souffert »
Discours intégral, Duékoué, vendredi 8 avril 2022
Je salue tous les Chefs qui sont présents, qui sont avec moi depuis hier, qui m’ont accueilli, m’ont installé et sont là aujourd’hui. Je vous salue, je vous dis Merci, Merci.
Je voudrais évoquer la mémoire du Chef Guehi Vlehi Vincent parce qu’il est décédé en ce moment et je voudrais qu’on ait une pensée pour lui. Je ne vous demande pas une minute de silence pour tous ceux qui sont morts parce que cela a été déjà demandé. Et puis quand on pleure, on ne demande pas ces choses là. Quand on pleure, on est assis, on est couché, on se roule dans la poussière. Yako, Yako, Yako au Peuple Wê, Yako à Duékoué, Yako au Guémon.
Je voudrais évoquer la mémoire du Ministre Gui Dibo parce qu’il m’a fait beaucoup de bien ce monsieur. Il m’a fait beaucoup de bien quand le Général Robert Guei était au pouvoir. Il nous a fait beaucoup de bien mais je ne dirai pas plus. Je suis ici chez lui, j’ai une pensée pour lui.
Je voudrais avoir aussi une pensée pour mon camarade Dehe Gnahou. Moi, c’est par RFI que je l’ai connu. Il parlait tout le temps sur RFI et un jour je l’ai vu, il était Député du FPI. J’étais très fier de lui et très content. Il avait le verbe haut et la pensée claire. Et puis Nahido, le grand fonctionnaire du Ministère de la Fonction publique. Pour vous, ça semble évident. Mais pour moi qui ne les ai pas vu depuis douze ans, c’est normal que si j’arrive chez eux, je parle d’eux. Mon camarade Gnan Raymond de Facobly, je voulais qu’on pense aussi à lui. Il était venu me voir à la CPI. Et puis mon ancien co-séminariste, l’abbé Doué Bertin. Ce monsieur, j’étais au séminaire de Gagnoa quand il est arrivé. Il revenait de la guerre d’Algérie et il voulait être Prêtre. Les prêtres l’ont découragé. Il a insisté, insisté, on l’a mis dans une classe des enfants mais finalement il a été Prêtre . Et quand je venais ici, et que je le trouvais en compagnie des gens pour sauver des blessés et ramasser des morts, j’étais fier de lui. Je voulais dire un yako à sa famille.
Je voulais saluer aussi la mémoire de Paul Dokoui. J’ai sa femme dans le viseur. Paul n’était pas seulement un ami, il était un camarade. Mais il était un ami personnel à moi. Quand il a appris qu’on me bombardait, il m’a appelé et il pleurait au téléphone. J’ai dit » Paul arrête tes pleurs, ça ne va rien changer aux bombardements. Peut-être que pendant que tu pleures, je vais mourir, arrête. » Reine, je salue la mémoire de ton mari.
Maintenant que j’ai dit un mot de compassion à ceux qui sont partis, mais aussi aux milliers, je voulais saluer la délégation du PDCI-RDA, qui est venue nous accueillir. Cette délégation conduite par Doho Simon, Président du Groupe Parlementaire PDCI-RDA. Denis Kah Zion, le Maire de Toulepleu, le grand journaliste du PDCI-RDA, Merci d’être là, merci d’être passé me saluer à Mama, merci beaucoup. Flan Tehe, le Maire Guiri Aimé, l’inspecteur Emmanuel Dolly, Emmanuel, Ayo Ayo Ayoka.
Chers frères, je connais cette place. On a souvent fait des meetings ici. Mais c’était des meetings politiques. On venait faire la politique, dire nos pensées, chercher des voix pour les élections. Mais aujourd’hui je suis venu pleurer, parce que ce qui c’est passé est indicible. Je n’arrive même pas à formuler ce que je veux dire. Pour un petit conflit, il y a un qui dit c’est moi qui ait gagné, l’autre dit aussi c’est lui et ça fait tous ces charniers que nous avons visité, ces nombreux morts. Je ne comprends pas encore et je souhaite un jour comprendre. Il y a un moment où la Côte d’Ivoire est devenue folle, où les ivoiriens sont devenus fous pour que tous ces morts soient morts. C’est impensable. Même 12 ans après, on trouve toujours que c’est impensable. Comme on le dit dans les prières, quand une chose survient, qu’elle dépasse l’ampleur de ce qu’elle devait avoir, vous vous dites peut-être que Dieu a voulu régler un problème. Sinon ce n’est pas normal. Il faut que les ivoiriens comprennent qu’on ne peut pas chercher à se massacrer perpétuellement pour des petites questions de disputes post-électorales . Les disputes post-électorales et même pré-électorales existent dans tous les pays. C’est ça la politique. Mais ce n’est pas pour ça ces milliers de morts ? C’est qu’il y a quelque chose qui a dérapé. Je suis venu vous dire d’apaiser vos cœurs. Vous avez assez pleuré.
Tout à l’heure à Carrefour quand j’ai vu les veuves, les enfants, je me suis mis à pleurer. C’est trop ! C’est trop ! c’est trop ! Et trop, c’est toujours trop ! Donc je suis venu vous dire une seule chose : « Apaisez vos cœurs ». Les gens parlent des victimes mais bon… Un jour à tête reposée, on dira la définition des victimes de cette crise. Et on verra qui est victime et qui ne l’est pas. Mais pour le moment, apaisez vos cœurs.
Vous savez, dans l’histoire du monde ce sont ceux qui ont souffert qui pardonnent. C’est leur pardon qui a un sens. En France, mon père était là-bas pour faire la guerre. Mon père a fait la deuxième guerre mondiale. L’armée française a été battue et de Gaulle a pris l’avion pour Londres pour gagner refuge et organiser la résistance. Beaucoup de français sont morts. Pour ceux qui ont vu mon père, il est mort avec une cicatrice, c’était les balles allemandes. Mais à la fin de cette guerre, quand de Gaulle a pris le pouvoir, pour sa première visite, il s’est rendu en Allemagne chez ceux qui avaient tués les français pour proposer la réconciliation, la paix. C’est cette union qu’il a proposé qui est aujourd’hui l’Union Européenne. C’est pour cette raison qu’il n’y a plus de guerre dans l’Europe de l’Ouest.
Vous les Wê, parce que vous avez souffert, vous qu’on a tués, je vous propose de donner à la Côte d’Ivoire la réconciliation. Cela aurait du sens. Parce que si quelqu’un d’autre vient et propose la réconciliation, mais lui on s’en fout de lui. Le gars n’a pas souffert, il ne sait pas ce que souffrance et la mort veulent dire, il n’a jamais perdu un parent et c’est lui qui parle de réconciliation. Mais vous les Wê, la paix future de la Côte d’ivoire, partira d’ici. Je vous le dis parce que c’est ici que la mort est venu frapper en grand nombre. Séchez vos larmes, mettez vos habits propres et proposez aux ivoiriens la paix. Si vous proposez la paix, les problèmes on les examinera un à un, on va les régler et on aura la paix. C’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Je voulais venir ici après ma venue d’Europe mais on avait des petits problèmes. Ma mère qui avait été enterrée, il fallait que je parte la voir. Le parti qui avait des problèmes, il fallait créer un autre parti. Et là, nous n’avons pas encore fini de nous installer.
La Paix en Côte d’ivoire viendra du pays Wê parce que ce sont les Wê qui ont le plus souffert.
Chers parents, mettez les cœurs à terre, doucement doucement doucement, nous sommes pressés. Ne faites pas comme celui là qui prend sa voiture et la conduit à 200km/heure. Je demande, il va où ? On dit à Gagnoa. Et devant, on l’aperçoit planté dans un arbre. Où il va ? Quand on est pressé, on roule doucement pour arriver. Mais quand on veut arriver vite, on fait un accident.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir reçu. Le message essentiel que je suis venu vous porter c’est un message de paix et de Réconciliation.
Vous les Wê, c’est vous l’avenir de la Paix en Cote d’ivoire. Je vous attends demain à Guiglo. Vous savez, parmi les gens les plus célèbres au monde, moi je suis chrétien ,il y a Jésus. Celui là, il n’a jamais pris une arme mais c’est à partir de lui qu’on calcule les années aujourd’hui. Et il n’avait pas d’armes. Ils sont venus l’arrêter, il n’a pas usé d’armes.
Chers parents, demain il faut que nos enfants retiennent ce que je suis entrain de dire aujourd’hui : C’est du Pays Wê que viendra la Paix futur en Côte d’Ivoire. Je vous salue, je vous remercie et je vous attends demain à Guiglo où nous parlerons un peu de politique.