dans le cadre de la guerre de succession…
LE DOSSIER D’AUJOURD’HUI : CÔTE D’IVOIRE. MENTEURS AU POUVOIR
Rien d’officiel mais les signaux s’accumulent pour que le président ivoirien se présente après la mort brutale, début juillet, du Premier ministre et candidat désigné à la succession, Amadou Gon Coulibaly. Des signaux comme cette énième dévotion feinte non pas par des badauds qui ont marché ces jours-ci à Daloa ou encore à Korhogo mais par des Rois et chefs traditionnels dont le statut interdit de se frotter autant à la politique et à ceux qui l’incarnent. Pour s’assurer une légitimité à renier ses paroles, le président ivoirien a en effet tout mis dans la balance. Ainsi, il y a eu d’abord des pétitions et des tribunes. Puis, sur TV5, le directeur exécutif du RHDP, le parti au pouvoir, Adama Bictogo, a ouvertement milité pour cette idée : « Le seul choix qui vaille, c’est que le président Ouattara reprenne le flambeau. »
Ensuite, une campagne de presse de grande ampleur associant les grands groupes de presse occidentaux a été mise en route. On y voit la main de son voodoo local de la communication, Fabrice Sawegnon, le sémillant jeunot aux dents longues dont l’empire pèse aujourd’hui plusieurs milliards.
Puis, sont ensuite intervenus différents groupes régionaux pour matraquer les consciences de déclarations et d’appels à la candidature à un troisième mandat. Il y eut même des marches alors que les rassemblements de plus de cinquante personnes sont interdits dans le pays en raison de la pandémie du coronavirus qui essaime ses virus parmi la population. Certes le week-end précédent, Alassane Ouattara a tué (ou presque) le peu de suspense qu’il y avait en glissant une confidence à Jeune Afrique dans laquelle il avoue « qu’à l’heure actuelle, compte tenu des délais, (il) ne voit)pas d’autre solution pour préserver la stabilité du pays ». Le fait d’ajouter « réfléchir encore » n’a pas introduit le moindre doute sur qui représentera le RHDP à l’élection prévue fin octobre. Et pour Adama Bictogo, « à trois mois de la présidentielle, il nous est difficile de sortir du chapeau un nouveau leader », assène le directeur exécutif du RHDP.
Et dimanche dernier, ce fut le bouquet avec les Rois et chefs traditionnels venus, en principe, présenter leurs condoléances pour le décès du Premier ministre. Alors qu’ils ne doivent pas se mêler de politique, ces monarques ivoiriens qui doivent servir à apaiser les conflits ont plutôt fait chorus avec tous ceux qui défilent depuis plusieurs jours pour convaincre (sic) le président. D’ailleurs pour montrer qu’ils sont bien décidés à marcher sur tous les principes, les Rois et chefs traditionnels ont promis de payer la caution de candidature d’Alassane Ouattara qui est de 50 millions.
En fait, cette manière très organisée de préparer l’opinion puis de « faire don de sa personne » a pour objectif de déminer les critiques extérieures et d’éviter les tensions internes du parti. Les candidats potentiels existaient, Hamed Bakayoko, l’actuel Premier ministre, ou Patrick Achi étant les noms le plus souvent avancés. Mais ni l’un ni l’autre ne semble disposer de la confiance totale du chef et surtout, ils ne font pas l’unanimité dans un parti qui risque toujours l’implosion. Déjà, le vice-président Daniel Kablan Duncan, pourtant un vieux compagnon d‘Alassane Ouattara, a démissionné début juillet, sans doute vexé que sa candidature n’ait même pas été envisagée et des humiliations quotidiennes qui lui étaient infligées.
Si l’opération donne l’impression de souder le parti derrière Alassane Ouattara, les critiques extérieures n’en sont plus que plus dures. D’ailleurs un diplomate a souligné que « l’argument du manque de choix peut marcher dans le RHDP mais pas vis-à-vis de l’opposition, au contraire. C’était son rôle et son devoir de préparer sa succession. C’est son échec ». Alassane Ouattara, 78 ans, avait d’ailleurs lui-même affirmé vouloir « transmettre le témoin à une autre génération » lors de son discours devant les deux chambres nationales du parlement et encore plus clairement lors de la désignation d’Amadou Gon Coulibaly. Il avait alors aussi largement feint fatigue et peu d’appétence pour rester aux commandes ; des aveux qui sonnent aujourd’hui étrangement faux. Car ce troisième mandat va concentrer les colères. La constitution limite en effet à deux le nombre de quinquennats. Selon les proches du pouvoir, le changement de constitution en 2016 rendrait toutefois légale la volonté de Ouattara de solliciter un autre mandat.
L’opposition évite pourtant de s’engouffrer pour l’instant dans ce débat juridique. Le secrétaire exécutif du PDCI, ancien parti au pouvoir, assure que tout cela n’est que du bavardage tant qu’Alassane Ouattara n’a pas encore fait acte de candidature. Parce que, rappelle-t-il, le président a promis de laisser la place à la nouvelle génération. Mais à l’évidence, l’opposition devra l’attaquer sur le viol constitutionnel avec cette candidature mais aussi sur l’image de l’homme manquant à sa parole pour s’accrocher au pouvoir en utilisant une manœuvre – la nouvelle constitution -, usée jusqu’à la corde par une longue liste d’autocrates africains.
Alassane Ouattara espère se rassurer en se disant que son principal opposant dans le scrutin n’est pas vraiment un symbole d’alternance et de jeunesse. Henri Konan Bédié, 86 ans, président de 1993 à 1999 est présent dans les starting-blocks après la convention éclatée de son parti dont il a obtenu les 100% de voix nécessaires. Les deux dirigeants s’apprêtent donc à rejouer l’élection de 2010 qui avait conduit à une crise politique postélectorale. Il ne manque plus que Laurent Gbagbo, qui n’est pas encore à Abidjan mais qu’une tendance de son parti vient de désigner à l’unanimité comme son candidat auxdites joutes. « Ce qui se passe est grave car ces pratiques politiques d’un autre âge font perdre beaucoup de temps pour les questions cruciales que sont l’emploi des jeunes et le bien-être collectif », regrette un chercheur qui plaint tous les mensonges des élites pour se maintenir au pouvoir.
SEVERINE BLE
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communiqué par Alexis Gnagno
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