Daniel Cohn-Bendit : cinquante ans d’imposture
Rubrique : imposture
Daniel Cohn-Bendit n’est pas le pire des imposteurs qui m’ont pourri la vie depuis 50 ans. Mais il est celui qui continue le plus à ramener sa fraise. Les autres soit sont morts, soit se sont faits discrets.
Voilà t’y pas qu’on nous l’annonçait ministre de l’écologie, mais qu’il a dû battre rapidement retraite. La rumeur voudrait que Macron le désigne comme tête de liste aux européennes. Oscours !
Alors en attendant, je me défoule et je ravive mes vieilles rancunes.
Demain on redevient gentil.
Régis de Castelnau
Toute de grandiloquence et de fausse surprise, la démission de Nicolas Hulot, ministre inconsistant, a été suivie d’un petit ballet de chaises musicales assez significatif de l’amateurisme politique d’Emmanuel Macron. Après un drôle de ballon d’essai avec Cohn-Bendit, ce fut Rugy – l’homme qui n’a qu’une parole et c’est pour ça qu’il la reprend – qui a donc quitté le perchoir et le poste de quatrième personnage de l’État pour un maroquin inutile où il finira de se ridiculiser.
Pour lui succéder, on nous inflige un opportuniste arrogant doté d’un sens de la famille particulièrement aiguisé. Non sans avoir fait faire un calamiteux tour de piste à la présidente de la Commission des lois ! N’en jetez plus, chacun de ces épisodes a suscité le commentaire qu’il méritait : « Était-il possible de faire pire ? », alors qu’en fait la vraie question était : « Était-il possible de faire mieux ? »
L’anarchiste du centre
La tentative de remplacer Nicolas Hulot par Daniel Cohn-Bendit démontre que non. Emmanuel Macron n’est même plus en capacité de recycler les imposteurs. Ce qu’est Daniel Cohn-Bendit depuis 50 ans. La petite opération, dont il est difficile de ne pas croire qu’elle avait été concoctée à l’Élysée, a consisté à faire lancer l’hypothèse d’une nomination de celui-ci à l’Ecologie par Christophe Castaner et Benjamin Griveaux. Notre jovial rouquin a fait savoir qu’il acceptait, avant de faire machine arrière après une prétendue longue discussion avec le président lui-même. À mon sens, probablement au spectacle de la levée de boucliers rageuse contre lui, accusé qu’il était d’avoir trahi ses idéaux de jeunesse pour aller à la soupe et de n’être en fait qu’un sinistre pédophile… Deux reproches à mon avis infondés.
Pour l’avoir pratiqué en mai-juin 68, je témoigne qu’il n’a rien trahi du tout. Dès ce moment-là, nous pûmes nous forger une opinion : Daniel Cohn-Bendit gauchiste révolutionnaire, c’était une blague. Même s’il sacrifiait parfois à la phraséologie anticapitaliste, ses propos portaient essentiellement sur ce que l’on appelle aujourd’hui « le sociétal ». Libertaire sûrement, mais déjà le libéral pointait sous le vernis que lui donnait son comportement tout de narcissisme bravache. Profondément anticommuniste, il ne partageait pas grand-chose avec les gauchistes sectaires et dogmatiques hégémoniques dans le mouvement étudiant à ce moment-là. Répartis entre trotskistes et maoïstes, et reprochant justement aux communistes (du PCF) de ne pas être assez communistes. Ceux-là, en dehors de l’inébranlable Alain Krivine, ont tous changé de bord. Qui pour les salons de la République, qui pour l’argent, qui pour les honneurs, gardant cependant souvent avec eux ce qui faisait leur singularité : dogmatisme, sectarisme et intolérance mis au service de leur nouvelle cause. André Glucksmann incarnant à la perfection le modèle de ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, à qui Guy Hocquenghem adressa sa lettre furieuse. Daniel Cohn-Bendit n’était pas de cette bande, il convient de le lui reconnaître.
L’épate-bourgeois
Anarchiste au départ nous dit-on, mais pas dans l’acception d’appartenance à un courant politique organisé issu des pensées de Bakounine et de Proudhon. Dans celle que l’on utilise lorsque l’on qualifie quelqu’un « d’anarchiste de droite ». On dira alors de Cohn-Bendit que c’est un « anarchiste du centre », et qu’il l’a toujours été. Sa panique devant l’euroscepticisme et son ralliement fébrile à Emmanuel Macron ne sont que l’expression des convictions profondes qu’il a toujours eues. Même si, incontestablement, ses positions néolibérales se sont durcies avec l’âge.
Qu’en est-il des accusations de pédophilie dont il est désormais systématiquement l’objet? Ces mises en cause infamantes reposent sur des vidéos et des écrits d’il y a plus de 30 ans. Le problème est, comme d’habitude, celui de l’anachronisme où l’on juge avec les yeux d’aujourd’hui des faits qui se sont déroulés dans des contextes complètement différents. Que l’on me comprenne bien, il ne s’agit pas d’excuser des propos et des attitudes qui, déjà à l’époque, étaient scandaleuses. Mais il faut rappeler qu’à ce moment-là, dans cette phase post-soixante-huitarde, au moment du « défense d’interdire », de la libération sexuelle, du mouvement anti-autoritaire (« l’enfant est une personne ») tout le monde disait absolument n’importe quoi. Ce qui frappe lorsque l’on regarde la vidéo de l’émission « Apostrophes », c’est, avec les propos stupidement provocants de Daniel Cohn-Bendit, l’attitude complaisante de ses interlocuteurs, pourtant peu connus pour être gauchistes effrénés ou pédophiles militants. Personne n’a l’air effaré devant ces propos effarants, et la presse n’en dira pas un mot. Il y eut aussi toutes les âneries du livre Le Grand bazar. Il s’en est par la suite platement excusé, reconnaissant sa volonté de pratiquer à tout propos « l’épate-bourgeois ».
e qui était, depuis le début, le fonds de commerce qui lui a tant servi. Et ce registre de petit-bourgeois hédoniste, mais toujours du côté du manche, lui a garanti son succès maintenant cinquantenaire. Accompagné par l’indulgence et l’affection de la bourgeoisie qui n’en a jamais été avare avec lui. Daniel Cohn-Bendit n’est pas pédophile, mais cette accusation ressemble maintenant au sparadrap du capitaine Haddock. C’est peut-être injuste mais forcé: certains de ses petits numéros lui retombent sur le nez. La rumeur dit qu’il pourrait être la tête de liste macronienne aux élections européennes. Compte tenu de l’accueil de l’opinion à sa candidature au ministère de l’Ecologie, cela ressemble à une fausse bonne idée.
Qui est une «ordure» ?
Pour ma part, il est bien sûr exclu que je vote pour lui pour des raisons politiques. Mais aussi parce que je promène de vieilles rancunes. Daniel Cohn-Bendit appartient à une famille juive qui s’est réfugiée en France dès 1933 et a pu vivre pendant l’occupation à Montauban dans la clandestinité, tout le monde ayant ainsi pu échapper à la déportation et à la mort. D’origine allemande, mais né en France, où il avait passé son enfance et fait l’essentiel de sa scolarité, il a, au moment de choisir sa nationalité, préféré l’allemande à celle du pays qui lui avait sauvé la vie. Et cela pour ne pas faire son service militaire. Il habillera ensuite cette ingratitude en se définissant comme « citoyen européen ». En remerciement de sa constance politique et de ses services, François Hollande et Bernard Cazeneuve lui accorderont à grand bruit en 2015 la nationalité française qu’il avait autrefois reniée.
Le 3 mai 1968, le journal L’Humanité, qui n’avait aucune tendresse particulière pour les gauchistes, publiait un article sous la signature de Georges Marchais qui n’était pas encore le secrétaire général du PCF. Sous le titre de « Faux révolutionnaires à démasquer », on trouvait une seule mention de Cohn-Bendit ainsi libellée : « Malgré leurs contradictions, ces groupuscules – quelques centaines d’étudiants – se sont unifiés dans ce qu’ils appellent ‘Le Mouvement du 22 mars Nanterre’ dirigé par l’anarchiste allemand Cohn-Bendit. » Par une sorte d’escroquerie mémorielle, Daniel Cohn-Bendit, probablement très conscient du mensonge, prétendit et prétend toujours que Georges Marchais l’avait traité de « juif allemand ». Cette ignominie étant évidemment destinée à disqualifier l’ensemble du PCF. Il ira jusqu’à traiter Marchais, alors décédé, d’ « ordure »lors d’une émission de Marie Drucker en 2012.
On ne fera pas comme lui, en cédant malgré la tentation à l’insulte facile. On dira simplement qu’il serait temps de mettre un point final à l’imposture, et qu’on l’a franchement assez vu.
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