D’Alan Kurdi à Denko Sissoko, les ravages mortels d’une politique migratoire inhumaine
9 Janvier, 2017, Humanite.fr
Denko Sissoko, un jeune Malien arrivé seul en France s’est suicidé vendredi en se jetant du 8e étage du foyer d’où il allait être chassé faute d’avoir été reconnu mineur par les services de l’Etat. Ce drame met en lumière la tragédie que vivent ces jeunes étrangers livrés au tamis de l’évaluation et de la pression institutionnelle, maltraités, suspectés, dénigrés, parce que la France ne veut pas les accueillir.
Tout le monde a dans les yeux le petit corps d’Alan sur une plage de Turquie le 2 septembre 2015. Vendredi 6 janvier 2017, c’est à Châlons-en-Champagne, sur le bitume du trottoir, au pied du foyer Bellevue, foyer d’accueil des Mineurs Isolés Etrangers, que le corps sans vie du jeune Denko âgé de 16 ans, a été ramassé. Selon ses amis, il venait de se jeter du 8ème étage pour échapper à la police dont il pensait qu’elle venait le chercher.
L’un était Syrien, l’autre Malien. Leurs points communs ? C’étaient des enfants qui avaient fui un pays dans lequel ils n’avaient pas d’avenir pour vivre en sécurité ici au terme d’un voyage difficile. Tous deux viennent grossir le nombre des victimes innocentes de la politique migratoire inhumaine orchestrée par les institutions de notre pays et de notre continent.
Il était arrivé en France en octobre 2016, après un voyage long et périlleux en partance du Mali en passant par la Libye et l’Italie ; il aimait rire, bavarder, écouter de la musique africaine. Il a attendu 1 an et demi en Italie de réunir l’argent nécessaire pour rejoindre la France. C’était son vœu. Hélas ! Il a encore attendu 2 mois et demi à Châlons dans les services de la protection de l’enfance qu’on l’évalue puis qu’on lui signifie que sa minorité n’était pas reconnue et qu’il ne serait pas pris en charge. Il l’avait appris la veille. Ne sachant pas où aller, il n’aurait pas voulu quitter le foyer. Dans ces cas-là, la police est sollicitée…
Ses camarades sont formels : Denko n’était pas malade, ni drogué, ni fou. Son geste n’est pas celui d’un dépressif. Ce n’était pas non plus un criminel, ni un malfrat, il n’avait rien à se reprocher. Il s’est jeté du 8ème parce que, comme un jeune de 16 ans, moralement très structuré et qui a, en outre, assimilé l’impératif et la mission de réussir en France, il n’aurait pas supporté l’idée humiliante qu’on vienne l’arrêter et le mettre en prison.
Ce drame met en lumière la tragédie que vivent ces jeunes étrangers livrés au tamis de l’évaluation et de la pression institutionnelle, maltraités, suspectés, dénigrés, parce que la France ne veut pas les accueillir. L’Etat se dédouane de ses responsabilités, les conseils départementaux trient et rejettent par souci d’économies budgétaires. Les jeunes se retrouvent à la rue, errent de ville en ville, sans avenir, et ils en meurent. Et même quand ils sont pris en charge, l’accompagnement est insuffisant, la suspicion continue et l’angoisse du lendemain n’est jamais levée tout à fait. L’Etat et le Conseil Départemental sont coupables de non-assistance à jeunesse en danger.
Ils espéraient d’autres horizons. Nous espérons pour eux d’autres perspectives, ils ont franchi des mers et leur maturité, leur courage, leur volonté de vivre ici, sont déjà un cadeau pour la France !
L’heure est à la peine pour tous ces jeunes venus d’ailleurs qui ont assisté au drame, et nous partageons leur deuil. Mercredi 11 janvier aura lieu une marche silencieuse en hommage à celui que tout le monde appelait Sissoko. Le rendez-vous est fixé à 15 heures, rue Carnot, devant le conseil départemental de la Marne. Nous invitons tous ceux qui ne se résignent pas à ce que la politique migratoire tue des enfants à nous rejoindre.