CPI: Juge Henderson, 5 ème partie

  1. L’approche du Procureur en matière de preuve

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  1. Le Procureur a présenté une affaire à la fois très simple et directe, mais en même temps d’une complexité déconcertante. Le récit du Procureur est facile à comprendre. Toutefois, comme le Procureur ne semble pas disposer de presque aucune preuve directe à l’appui de sa version des faits, elle a avancé un argument de preuve complexe et à multiples facettes qui repose presque entièrement sur des preuves circonstancielles. Le Procureur se fonde sur un large éventail d’allégations factuelles provenant de différents domaines, allant d’événements qui datent d’une dizaine d’années avant la crise post-électorale à des détails minutieux sur les réunions et les transactions financières et autres à petite échelle. Selon le Procureur, cet amalgame de centaines de faits individuels forme ensemble un système de preuves qui ne peut être évalué de manière équitable que dans son ensemble.61 Cependant, le simple fait de déclarer que tout est lié et qu’il n’est possible de comprendre la véritable signification des éléments constitutifs individuels qu’en considérant tous les aspects de l’affaire dans leur ensemble, est une chose. Articuler ce que sont ces innombrables connexions et démontrer qu’elles existent réellement et forment un tout cohérent, c’est tout autre chose.
  2. En l’espèce, le Procureur semble être parti du principe que sa théorie de l’affaire est correcte et que cette théorie offre la cohérence nécessaire pour relier les éléments de preuve disparates sur lesquels elle s’appuie. Cependant, c’est mettre la charrue vant les bœufs. Afin de prouver son bien-fondé, le Procureur doit d’abord démontrer les liens et la cohérence susmentionnés. Cela n’a pas été fait. Bien que le Procureur ait déployé des efforts considérables pour faire valoir un large éventail d’allégations factuelles, elle a négligé de fournir une explication claire et convaincante de la façon dont elles se rapportent toutes à l’affaire.
  3. Il incombe à la partie à laquelle incombe la charge de la preuve de veiller à ce que la Chambre dispose de toutes les informations dont elle a besoin pour replacer les éléments de preuve à charge dans leur contexte et leur donner la valeur probante appropriée. Le Procureur a également échoué à cet égard. Le Procureur a notamment affirmé l’existence d’un certain nombre de schémas et s’est appuyé sur ceux-ci comme preuve circonstancielle de certains éléments clés dans cette affaire, tels que le prétendu plan/politique commun et l’attaque contre une population civile. Alors que les motifs peuvent fournir des preuves très puissantes, ce n’est le cas que lorsqu’ils sont authentiques. Afin d’établir la véritable nature et l’étendue d’une tendance, il est indispensable que la partie qui l’allègue démontre que les exemples fournis comme preuve de la tendance sont des échantillons représentatifs de l’ensemble des événements pertinents et non simplement choisis parce qu’ils correspondent à une conception préconçue.

  1. Bien qu’il soit reconnu que le Procureur ne dispose pas de ressources illimitées, il est important de souligner qu’il ne devrait pas choisir à sa guise les pièces à conviction (ou parties de pièces à conviction) qui appuient son exposé et ignorer les autres. Malheureusement, le Procureur a, à l’occasion, été sélectif dans les éléments de preuve qu’elle a recueillis. Par exemple, en ce qui concerne les encaissements souvent évoqués de paiements à des dirigeants présumés de groupes de jeunes, le Procureur déclare ce qui suit :

l’Accusation a trouvé ces reçus parmi une collection massive de centaines de boîtes de documents qu’une équipe de huit enquêteurs a mis plus de deux semaines à examiner, et a choisi ces reçus comme étant pertinents en fonction de critères objectifs.

  1. Pourtant, il aurait pu être pertinent de comprendre comment les paiements présumés versés aux dirigeants des groupes de jeunes se comparent à ceux versés à d’autres personnes ou groupes. En étant sélectif, le Procureur a empêché la Chambre de comprendre la pratique plus large des paiements par l’administration présidentielle. Une telle compréhension plus large peut s’avérer cruciale pour donner à la preuve choisie sa juste signification et sa valeur probante.

  1. Il est entendu, bien entendu, que parfois les informations nécessaires ne seront plus disponibles ou ne pourront être obtenues par le Procureur. Bien que cela soit regrettable, ce n’est pas une chose dont on peut blâmer le Procureur. Toutefois, cela ne change rien au fait qu’elle conserve la charge de la preuve – ce qui est beaucoup plus difficile à respecter lorsque des preuves pertinentes font défaut. Cette remarque évidente est faite ici, car le Procureur semble parfois vouloir transférer la charge de la preuve à la Défense pour les éléments manquants. Par exemple, en ce qui concerne le discours de M. Blé Goudé au Barreau du Baron le 25 février 2011, le Procureur déclare ce qui suit :

L’absence d’une version complète et ininterrompue du discours de Bar le Baron n’enlève rien aux preuves disponibles, y compris les preuves vidéo, sur ce que M. Blé Goudé a dit et sur la réaction immédiate. Par ailleurs, M. Blé Goudé n’est pas en mesure de mettre en évidence des éléments de preuve concernant le contenu d’une partie du discours qui n’auraient pas été enregistrés dans les enregistrements vidéo disponibles. Sa simple spéculation sur la question de savoir si des  » parties très importantes  » ont été omises n’a aucune valeur probante64.

  1. Ce type d’argument est mal conçu et suggère un manque fondamental de compréhension des responsabilités du Procureur en ce qui concerne la charge de la preuve65.
  2. Une autre lacune grave dans l’approche du Procureur en matière de preuve a été le jeu du chat et de la souris avec le contenu (et la criminalité présumée) du prétendu plan/politique commun. Sous prétexte que le plan/politique commun ne doit pas viser exclusivement une activité criminelle et que le motif de l’attaque contre une population civile n’est pas pertinent, le Procureur a présenté de nombreux éléments de preuve qui semblent ne pouvoir prouver que les aspects non criminels du prétendu plan de M. Gbagbo de rester au pouvoir, mais n’a rien offert qui prouve spécifiquement le caractère pénal de cette politique. Au lieu de cela, le Procureur soutient que la criminalité du plan/politique commun doit être déduite de l’ensemble des éléments de preuve versés au dossier.

  1. La difficulté de l’approche du Procureur tient au fait qu’aucun des éléments factuels sur lesquels il s’appuie n’indique clairement l’existence d’un plan ou d’une politique visant à attaquer des civils. Le Procureur l’admet, mais fait valoir que lorsque tous les différents volets de son argumentation sont examinés ensemble, il apparaît clairement que le Plan commun et la politique étaient de nature criminelle.
  2. S’il est vrai que le contenu (pénal) du Plan commun peut, en principe, être déduit d’une combinaison de preuves circonstancielles, cette possibilité théorique ne dispense pas le Procureur de formuler un argument convaincant à cet égard. En fin de compte, c’est au Procureur qu’il incombe de démontrer, pour chaque allégation factuelle qu’il fait, quels éléments de preuve le prouvent prétendument. S’il s’agit d’une combinaison d’éléments de preuve qui prouve prétendument un fait, le Procureur doit clairement identifier toutes les pièces du puzzle et, surtout, expliquer comment elles s’assemblent. Il ne suffit pas d’énumérer un grand nombre d’allégations factuelles individuelles et de preuves correspondantes et de soutenir que tout doit être évalué de manière globale. Une évaluation globale des éléments de preuve ne devrait pas devenir une boîte noire de la preuve et les Chambres ne devraient pas avoir à deviner les détails des arguments du Procureur en matière de preuve.
  3. Cette approche soulève un certain nombre de graves préoccupations. Premièrement, étant donné que le Procureur n’énonce pas d’argument de preuve clair (si ce n’est que tout doit être évalué ensemble), il n’est pas possible de l’évaluer correctement. En particulier, sur la question cruciale de savoir pourquoi l’effet combiné de tous ses éléments de preuve est supérieur à la somme des éléments individuels (non incriminants), le Procureur reste largement muet. En principe, cela constituerait en soi un motif suffisant pour rejeter sa demande. Deuxièmement, en ne formulant pas d’argument clair en matière de preuve, le Procureur pourra toujours faire valoir que, quels que soient les problèmes que la Chambre identifie dans un aspect particulier de la preuve, cet aspect particulier n’est pas déterminant pour l’issue de l’affaire. Il y a tellement d’hypothèses non affirmées et de liens incertains qu’il est presque impossible de savoir quand un argument factuel particulier est tellement erroné qu’il doit être rejeté. Troisièmement, en n’identifiant pas clairement l’ensemble des faits précis qu’elle demande à la Chambre d’évaluer de manière globale, le Procureur a rendu presque impossible pour la Chambre de savoir quand elle a examiné et évalué l’ensemble des éléments de preuve du Procureur.

  1. Ce problème est exacerbé par le fait que la même preuve est invoquée à maintes reprises, mais dans des configurations différentes (mal définies), pour prouver tous les faits matériels. Cette  » utilisation multiple  » d’une même preuve donne lieu à de nombreuses répétitions. En effet, une chose qui attire immédiatement l’attention à la lecture du mémoire de mi-procès et de la réponse du Procureur est le grand nombre de répétitions et de renvois entre les sections. Toutefois, chaque fois que le même élément de preuve est invoqué, il est allégué qu’il s’agit d’une proposition (légèrement) différente. Cela signifie qu’un certain nombre d’arguments différents concernant le même élément de preuve sont dispersés dans les observations du Procureur. Ce phénomène a fait de l’analyse des éléments de preuve du Procureur et, surtout, de la formulation d’une décision pleinement motivée, une tâche fastidieuse et longue. Il a également été difficile de structurer l’analyse de manière à éviter les répétitions, mais en tenant pleinement compte de l’ensemble de l’argumentation du Procureur. Il s’est avéré pratiquement impossible de le faire d’une manière claire et facile à suivre.

  1. Il n’est pas inconcevable que le Procureur tente de faire valoir que la Chambre n’a pas pris en considération certains éléments de preuve pour parvenir à sa conclusion. Toutefois, le Procureur ne devrait pas être autorisé à se cacher derrière d’importants volumes de preuves soumises et un  » système de preuves  » indéterminé pour éviter l’examen de son cas.
  2. Malheureusement, en raison de l’approche  » tout prouve, tout prouve  » du Procureur, il s’est avéré impossible de procéder à une analyse linéaire de la preuve. Afin de fournir une structure intelligible, l’analyse de la preuve a été divisée en quatre parties. Étant donné que l’affaire du Procureur dépend dans une large mesure de l’existence d’un prétendu plan/politique commun, la partie 0 commence par examiner les éléments de preuve essentiels à cet égard. Suit une analyse, dans la partie 0 de la preuve, de la façon dont ce prétendu plan/politique commun a été prétendument mis en œuvre et de l’évolution de la situation au fil du temps. La partie 0 donne ensuite un aperçu chronologique de tous les incidents sur lesquels le Procureur s’appuie expressément pour prouver le ou les types de criminalité présumés qui sont au cœur de son affaire. Cela comprend à la fois les cinq incidents accusés et les 19 incidents non accusés. Enfin, dans la partie 0I, des conclusions sont tirées en ce qui concerne les différentes formes de responsabilité pénale présumée de l’accusé. Étant donné que le Procureur s’appuie en grande partie sur les mêmes éléments de preuve que pour l’existence d’un plan ou d’une politique communs, la présente section s’appuie sur la discussion et l’analyse contenues dans les parties 0 à 0I.
  3. PLAN ET POLITIQUE COMMUNS

  1. D’après les allégations contenues dans le mémoire préliminaire, le mémoire de mi-procès et la réplique, la Chambre note que le plan commun devrait avoir commencé dès octobre 2000, date à laquelle M. Gbagbo est devenu Président  » après les élections du 22 octobre 2000 « . Après cela, M. Gbagbo aurait « cherché à rester au pouvoir par tous les moyens ». Dans les années qui ont suivi, le prétendu Plan commun a été conçu et mis en œuvre par les membres du prétendu  » cercle restreint  » avant les élections de novembre 2010. Au 27 novembre 2010, la mise en œuvre du prétendu plan commun s’était  » développée  » pour inclure  » une politique étatique ou organisationnelle « . Le Procureur a allégué que les moyens d’atteindre cet objectif impliquaient la commission de crimes et que, après le second tour de l’élection présidentielle, les forces pro-Gbagbo ont mené une  » campagne ou une opération  » visant à tuer, violer et blesser des civils perçus comme des partisans des Ouattara en  » utilisant plusieurs moyens communs dont certains ont évolué pendant la campagne ou opération en question « . Le Procureur a affirmé que le prétendu Plan commun restait en vigueur même après l’arrestation de M. Gbagbo en tant que les forces pro-Gbagbo ont continué à se battre dans l’espoir de rétablir le pouvoir de M. Gbagbo. Le Procureur a également souligné que les  » forces proGbagbo  » continuaient de recourir à la violence contre la population civile comme preuve de l’existence du prétendu Plan commun.
  2. Dans le mémoire de mi-procès, le Procureur a expliqué que, bien que le plan et la politique communs soient  » des concepts juridiques distincts, en l’espèce, les mêmes éléments de preuve s’appliquent aux deux « . Pour cette raison, les éléments de preuve examinés dans la présente section sont pertinents et ont également été pris en compte aux fins de tirer des conclusions à l’égard de la présumée politique76.

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  1. Avant de passer à l’analyse du prétendu Plan commun, les allégations concernant les membres du  » cercle restreint  » seront examinées.
  2. Cercle Intérieur (Organisation – Composition) Dans le mémoire de mi-procès, les membres du  » cercle restreint  » présumé comprenaient Simone Gbagbo, M. Blé Goudé et des  » officiers de confiance de la direction du FDS, de loyaux officiers de niveau intermédiaire du FDS, d’anciens ministres et ministres durant la crise postélectorale « . Dans sa réponse, le Procureur explique que ce terme a été utilisé pour  » décrire les différents membres du Plan commun, notamment en raison de la relative proximité de leur relation avec M. Gbagbo « . Le Procureur a fait valoir qu’une telle appartenance au  » cercle restreint  » doit faire l’objet d’un accord entre deux ou plusieurs personnes, y compris l’accusé. Le Procureur affirme qu’il s’agit de savoir  » si M. Gbagbo et ses associés ont pris la décision de maintenir M. Gbagbo au pouvoir en utilisant toute la force de l’État – ainsi que des acteurs non étatiques – contre des civils qui étaient perçus comme opposés à lui « .

  1. Comme indiqué plus haut, le prétendu Plan commun du Procureur est fondé sur des preuves circonstancielles. L’accord qui sous-tend le prétendu Plan commun entre les membres du  » cercle restreint  » est donc aussi une question de déduction à tirer de leur participation et contribution présumées. Compte tenu des circonstances de l’espèce, cette évaluation variera d’un incident à l’autre en fonction des acteurs impliqués.
  2. la lumière de ces allégations, la conduite des membres du prétendu  » cercle restreint  » a été examinée afin de déterminer s’ils partageaient l’intention sous-jacente du prétendu plan commun et d’évaluer le niveau de coordination allégué entre eux. A cet égard, il est à noter que s’il n’est pas nécessaire qu’il y ait une convergence de vues entre les concepteurs de la politique et ceux qui la mettent en œuvre sur le terrain, il doit y avoir un niveau minimal de coordination au sein de ceux qui contrôlent l’Etat ou l’organisation concernée pour démontrer. cet égard, il convient de noter que le Procureur allègue que les actions des membres du  » cercle restreint  » ont été coordonnées et qu’elles constituent, avec le schéma allégué de crimes, la preuve de l’existence du Plan commun.   En particulier, le Procureur fait valoir qu’en dépit des  » désaccords, rivalités ou conflits de personnalité entre les différents membres du Plan commun « , ils poursuivaient tous le même but. Le Procureur illustre cette coordination dans sa réponse.
  3. Simone Gbagbo Le Procureur allègue qu’en tant que Première Dame et Secrétaire générale du Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD), dont le  » but avoué  » était d’assurer la réélection de M. Gbagbo, Simone Gbagbo était membre du  » cercle restreint « . l’appui de son appartenance présumée au  » cercle restreint « , le Procureur rappelle également les rencontres que Simone Gbagbo aurait eues avec divers responsables de la jeunesse de la Galaxie patriotique.
  4. a) Leadership de la CNRD
  5. Il existe plusieurs preuves documentaires de valeur probante variable qui suggèrent que Simone Gbagbo était bien le Secrétaire général de la CNRD. Il est à noter que ces documents ont très peu de valeur probante. Les documents sur lesquels se fonde la liste des membres de la CNRD ne sont pas datés. Attendu que le procès-verbal d’une réunion de la CNRD et des participants est daté du 8 mars 2006. Ces documents ont une très faible valeur probante. Néanmoins, en prenant l’affaire du Procureur à son apogée, il est admis que Simone Gbagbo était le Secrétaire général de la CNRD.
  6. En ce qui concerne l’objet des CNRD, il convient de noter qu’un document non estampillé non signé daté du 26 mai 2007 contient les notes d’une réunion extraordinaire de la CNRD qui a eu lieu le 24 mai 2007. Il ne contient pas de référence à Simone Gbagbo.
  7. Au vu du contenu de ces documents, on peut conclure que Simone Gbagbo a été l’un des principaux membres du CNRD en 2006 et 2007.

L’objectif du CNRD était d’assurer la réélection de M. Gbagbo.

  1. b) Réunions

  1. Le Procureur a allégué que Simone Gbagbo a convoqué régulièrement des réunions de la CNRD entre le 4 novembre 2010 et le 31 mars 2011 auxquelles ont participé les responsables de la jeunesse de la Galaxie Patriotique. Les éléments de preuve concernant ces réunions ont été évalués ci-dessous.

  1. Il y a des preuves qui suggèrent que Simone Gbagbo aurait régulièrement des réunions. Le général Mangou a témoigné que Simone Gbagbo se réunirait tous les soirs à 19h30 au Palais présidentiel. Sam l’Africain a témoigné que lorsque les réunions étaient convoquées par Madame Gbagbo, elles se tenaient  » au nom du CNRD  » ; elles avaient lieu  » à la résidence du président de la république « . Il se rappelle avoir assisté à  » deux ou trois  » de ces réunions. En outre, Sam l’Africain a témoigné qu’il avait reçu des invitations de Simone Gbagbo pour assister à des réunions avec elle, mais qu’elle en ait été la  » présidente ou non,[il] ne savait pas  » ; il a commencé à recevoir ces invitations en 2010. Le général Kassaraté a confirmé avoir rencontré Simone Gbagbo à la Résidence, mais lorsqu’on lui a montré l’entrée du journal de bord de la Résidence, il ne se souvenait pas des dates et a maintenu n’avoir jamais eu une rencontre individuelle avec elle. Il a décrit le but de sa visite comme étant  » d’exprimer[…] son inquiétude au sujet de ce qui était arrivé à ses électeurs  » à Abobo.
  2. l’appui des allégations concernant des réunions spécifiques, l’ordre du jour de Simone Gbagbo a également été examiné comme indiqué ci-après. Compte tenu du format et de la nature de ces notes et de leur ambiguïté, il n’est pas possible de savoir si les notes contiennent ce qu’elle pensait ou si elles se rapportent à des renseignements qu’elle a reçus d’une autre personne. Souvent, on ne sait pas non plus si ces notes ont été créées dans le but d’établir des objectifs pour l’avenir. De plus, bien que certaines parties de ces éléments de preuve donnent parfois à penser que certaines notes du journal peuvent avoir été des tâches à entreprendre, il n’est pas possible, d’après le contenu des notes elles-mêmes, d’évaluer comment celles-ci devaient être exécutées ou ce que cela aurait entraîné dans la pratique. Il est également à noter qu’il y a dans son ordre du jour une section intitulée  » Perspectives  » qui contient vraisemblablement les opinions des personnes qu’elle a rencontrées.
  3. Compte tenu de ces préoccupations, le contenu des notes a été pris en compte dans l’évaluation globale des allégations du Procureur concernant Simone Gbagbo. Il est à noter qu’à l’occasion d’une réunion datée du 4 novembre 2010, l’ordre du jour de Simone Gbagbo contient une liste de déclarations, dont l’une consiste à envoyer des informations crédibles et sérieuses aux « parlements ». En ce qui concerne la partie citée par le Procureur au sujet de la réunion du 5 novembre 2010, les notes ne permettent pas de savoir si ces mesures doivent être prises à l’avenir ou s’il s’agit d’informations dont Simone Gbagbo est informée. De même, en ce qui concerne la réunion du 5 novembre 2010, le fait que la mention « entrainement de Jeunes » figure à côté de « Forêt du Banco » n’indique pas si cela s’est produit, se produisait ou devrait se produire à l’avenir.   Dans ces notes de réunion, comme il est allégué, l’ordre du jour stipule également que les listes électorales des Savanes doivent être modifiées et que les anciennes listes doivent être remplacées par les nouvelles avant une autre élection. Dans ces mêmes notes, Simone Gbagbo a qualifié le RDR de terroriste dans son ordre du jour et ce dernier suggère qu’il a été rédigé en même temps que le commentaire selon lequel la terreur a été établie à l’intérieur du pays. Dans le compte rendu de la même réunion, il est noté  » réveiller nos groupes d’autodéfense : le GPP  » qui peut être compris comme une tâche à entreprendre. De même, la note du 11 novembre 2010 indique simplement  » auto-défense à organiser  » suivie de  » rencontre du groupe parlementaire  » ; ces déclarations ne figurent pas dans les  » propositions  » et sont séparées de cette partie de la note. Le Procureur a également rappelé les notes datées du 7 décembre 2010. Ils mentionnent réhabiliter les GPP et autres mouvements’,’mobiliser le peuple pour la résistance’, ainsi que ‘les rebelles – extirper ces gens d’Abidjan’. Les notes énumèrent également les  » a]ctions  » à prendre telles que  » batailles diplomatiques « ,  » recherche d’amis « ,  » défense populaire « ,  » initiatives de la presse « ,  » initiatives militaires « ,  » actions politique  » ; dans le cadre des initiatives pour la presse, elles mentionnent également  » couper ONUCI FM  » et  » intensifier nos actions « . Rien n’indique que la prétendue activation de groupes d’autodéfense ou la référence à l’organisation d’une résistance visait à commettre des actes de violence contre des civils.
  4. L’émission de RTI datée du 19 décembre 2010 a également été prise en considération, car elle contient des séquences pertinentes pour une réunion prétendument convoquée par Simone Gbagbo. Il est à noter que Sam l’Africain n’était pas à cette réunion mais a témoigné qu’il s’agissait  » d’une réunion importante, une grande réunion convoquée par la première dame au cours de laquelle elle a appelé à la mobilisation de la république. C’était un appel lancé à chacun pour qu’il se mobilise ».

  1. Il y a des preuves suggérant que Simone Gbagbo a rencontré certains dirigeants de la Galaxie patriotique à la fin décembre 2010, ce qui, selon le Procureur, était la deuxième réunion de la CNRD. C’est aussi la rencontre que le Procureur a faite avec Sam l’Africain, qui a confirmé qu’au cours de cette rencontre il avait fait référence  » au nom de Dieu, au nom d’Abraham « ,117 un commentaire qui correspond aux notes du journal du 27 décembre 2010. Il est également à noter que Moussa Zéguen Touré figure à l’ordre du jour de Simone Gbagbo sur la page intitulée 27 décembre 2010. Sam l’Africain a témoigné que d’autres dirigeants de la Galaxie Patriotique étaient présents à cette rencontre, dont Anoi Castro, Youssouf Fofana, Zéguen Touré, Kone Largaton. Le procès-verbal de la réunion figurant à l’ordre du jour indique les sujets de discussion. Sam l’Africain a témoigné que c’était plus grand que la première réunion de la CNRD et qu’il y avait environ 150 personnes et chaque personne a pris la parole pour poser des questions aux dirigeants qui étaient là ; la première dame, le ministre de l’intérieur, le ministre responsable de la sécurité, le ministre des transports, le directeur adjoint, M. Issa Malick. De nombreuses personnalités étaient présentes et les gens ont donné leur point de vue sur la situation qui prévaut dans le pays.
  2. Tout porte à croire que Simone Gbagbo a également rencontré certains dirigeants de la Galaxie Patriotique en janvier 2011. Le Procureur a allégué qu’Idriss Ouattara a rencontré Simone Gbagbo en janvier 2011.131 L’ordre du jour hebdomadaire de Simone Gbagbo, dont la date du 13 janvier 2011 indique  » Idriss Ouattara & les Jeunes Patriotes  » et  » Idriss OUATTARA & Sam l’Af « . Sam l’Africain s’est souvenu d’avoir assisté à cette réunion avec Simone Gbagbo après que le Procureur ait attiré son attention sur l’inscription du 13 janvier 2011 à l’ordre du jour de Simone Gbagbo. Cependant, lorsqu’on lui a demandé si d’autres dirigeants de la Galaxie Patriotique étaient présents à cette réunion, Sam l’Africain se souvient l’avoir rencontrée  » seule avec sa fille « . Sam l’Africain a témoigné qu’ils ont eu  » des discussions sur la mobilisation, comment mobiliser les gens pour qu’ils soient présents au rassemblement du[15 janvier] « . Hormis le fait qu’ils se sont peut-être rencontrés, aucun rôle dans le cadre de cette réunion n’est attribué à Idriss Ouattara.
  3. Le document CIV-OTP-0018-1081 du 26 novembre 2003 a également été pris en compte dans l’évaluation de sa rencontre avec Idriss Ouattara. Il contient une lettre adressée à Simone Gbagbo signée par Idriss Ouattara en sa qualité de Président de la FENAAPCI, Fédération nationale des agoras et parlements de Côte d’Ivoire. Bien que ce document porte la mention « vu », rien n’indique dans le présent document si Simone Gbagbo a répondu ou non à cette lettre. Néanmoins, les projets qui y sont décrits ne parlent pas de moyens violents à mettre en œuvre par l’organisation ou ses membres. On ne peut conclure que cette sollicitation d’argent de la part de Simone Gbagbo, même si elle l’a accordée, était destinée au prétendu plan commun.
  4. Enfin, en ce qui concerne les allégations relatives à la réunion du CNRD du 30 mars 2011 à laquelle auraient assisté des dirigeants de la Galaxie patriotique, dont M. Blé Goudé. Ce document141 contient simplement une liste de noms et la colonne où les participants peuvent avoir prétendument signé pour enregistrer leur présence est vide. Sans autre information pour guider l’analyse, ce document ne constitue pas une preuve suffisante qu’il y a eu une réunion de la CNRD le 30 mars 2011 à laquelle ces personnes inscrites dans le document étaient présentes.

  1. Compte tenu des éléments de preuve présentés à l’appui des réunions auxquelles Simone Gbagbo a assisté, y compris celles auxquelles a participé le CNRD, ainsi que des commentaires figurant dans son journal qui correspondraient à ces réunions, on peut conclure que Simone Gbagbo partageait l’intention de M. Gbagbo d’être réélu et de demeurer au poste. Toutefois, d’après ce que l’on peut tirer des notes des réunions auxquelles elle a assisté ou qu’elle a convoquées, il n’est pas possible de déterminer ce qui est écrit dans ses notes et dans quelle mesure celles-ci reflètent ses opinions personnelles ou les suggestions des autres participants aux réunions. En outre, rien n’indique que les idées exprimées dans les notes aient été approuvées par M. Gbagbo. Quoi qu’il en soit, rien dans la preuve n’indique que la violence contre les civils ait été envisagée.