Ces plastiques biodégradables qui ne le sont PAS : le prochain grand scandale industriel
Nous aurait-on une fois encore menti ? L’année dernière, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement révélait que le plastique présenté comme “biodégradable” par les industriels était en réalité tout autant un cancer pour la planète que son cousin pas très éloigné. À l’heure où tous les coups sont bons pour tromper le consommateur et perpétuer un système économique devenu fou, une révélation de ce genre ne nous surprend plus. Et pourtant, deux ans plus tard, ce plastique « biodégradable » a toujours autant la cote !
L’été dernier, l’Obs prenait l’immense risque de titrer son édition de juin par « Déplastifions-nous ! » le tout livré sous une belle pellicule de plastique. Pas de panique, à l’intérieur de magazine, l’Obs rassure ses lecteurs en affirmant utiliser du plastique mieux que les autres : celui-ci serait biodégradable. Super, nous voilà sauvés ! En fait, non, pas vraiment. C’est peut-être même pire encore. On vous explique tout.
Les industriels nous auraient-ils menti ?
La principale différence entre le plastique dit “conventionnel” et son alternative biodégradable réside dans la capacité des matières plastiques à se décomposer par un procédé chimique naturel : il se « bio » dégrade… Selon les experts d’EPI “les matières plastiques traditionnelles ne peuvent pas se décomposer. La décomposition totale des déchets dans la nature et dans les décharges prend des années, voire des décennies” alors que les plastiques biodégradables sont faits d’une “matière plastique dégradable dans laquelle la dégradation résulte d’une réaction naturelle des microorganismes tels que les bactéries, les mycètes et les algues”. Et pourtant…
On en perdrait presque son latin ! Dégradables ou pas dégradables ces fameux plastiques ? D’après Jacqueline McGlade, responsable scientifique à l’UNEP, le plastique biodégradable le serait, hypothétiquement, si… les conditions nécessaires à sa décomposition étaient réalisables à l’état naturel. Ce qui est, dans la majorité des cas, jamais le cas ! Dans son rapport à l’UNEP, elle explique que “pour pouvoir se décomposer, le plastique biodégradable doit être confronté à une température avoisinant les 50 degrés, une température que n’atteint aucun océan” avant d’ajouter “et il ne flotte pas non plus, donc il va couler et ne sera pas exposé aux rayons UV pour se décomposer”. Ce plastique biodégradable devrait donc techniquement être recyclé dans des conditions industrielles, ou sous un soleil de plomb en pleine désert… Autant dire que ce cas de figure ne se produit jamais. Voilà qui a de quoi refroidir nos ardeurs.
Mais ce n’est pas tout. La plupart des matières plastiques biodégradables conventionnelles contiennent, en outre, des métaux ou un quelconque additif pour leur permettre de se désintégrer facilement. Des ingrédients pas très naturels qui viennent, à leur tour, s’ajouter à la liste des polluants. « Certains polymères non biodégradables, comme le polyéthylène, sont parfois fabriqués avec un additif à base de métal, ce qui accélère leur fragmentation » explique le rapport. En d’autres termes, ce plastique se divise en nano-particules tout autant, voire davantage, nocives pour l’environnement.
C’est par exemple le cas de ces ballons dit biodégradables en « latex naturel » qui font des ravages dans l’environnement au point à plusieurs associations en ont fait leur cheval de bataille. Le plastique concerné (à ne pas confondre avec du plastique biosourcé 100% végétal) à quoi donner quelques larmes aux sirènes… Techniquement, ces plastiques ne devraient donc même pas porter le nom de « biodégradable ». On réalise donc froidement le gouffre vertigineux qui existe entre le concept théorique et marketing de biodégradabilité et sa concrétisation à travers le prisme de l’industrialisation.
Le plastique, ce mal du siècle
Si nous baignons effectivement dans l’ère du pétrole, son enfant malade ne peut-être que le plastique d’origine fossile. On n’a que trop dit et répété à quel point ce composé est devenu l’ennemi contemporain numéro un de l’environnement. Alors que des chercheurs ont découvert récemment jusqu’à 12.000 particules plastiques par litre dans les glaces de l’Océan Arctique, les habitudes de consommation, les productions frénétiques et l’absence de régulation au niveau des gouvernements sont autant de facteurs qui en disent long sur notre immobilisme collectif.
Le plastique est partout : il forme un nouveau continent, il nous entoure au quotidien, se retrouve dans le corps des animaux et, par conséquent, parfois même dans notre alimentation. Après les micro-particules de plastique, on parle aujourd’hui de nano-particules, bien plus petites, impossible à détecter. On nous donne l’impression qu’il disparaît, mais il est encore là, il ne nous quitte jamais des yeux. Pourtant, les lanceurs d’alerte sont nombreux sur ce sujet et les bénévoles engagés tout autant avec une sincère dévotion. Mais ce qui est également certain, c’est que cette situation ne changera pas tant que la chaîne de production des matériaux en question, estampillés biodégradables ou pas, ne sera pas interrompue à la source. Au contraire, entreprises et autorités visent toujours la croissance des productions ! Un tel revirement nécessiterait un changement de cap à 180° des habitudes de consommation/production et des incitations collectives envers les acteurs économiques.
En attendant que le plastique disparaisse définitivement de notre quotidien, il est légitime de se demander pourquoi, et comment, en sommes-nous arrivés à vendre au consommateur un plastique biodégradable… qui ne l’est pas. Car cette supercherie sur fond de greenwashing – ou écoblanchiment – n’est certainement pas la seule.
Le consommateur, tête de turc des entreprises et du marketing.
C’est en apprenant durement qu’on retient le mieux. Aujourd’hui, les enjeux environnementaux sont de plus en plus au cœur des problématiques de sociétés car il devient impossible de les nier. Et si vous pensiez que les grandes entreprises de l’agroalimentaire, du textile et d’autres secteurs économiques étaient passées à côté, vous vous trompez lourdement… Voilà plus de 10 ans que l’écologie, dont la notion est noble, est systématiquement prostituée pour vendre des produits qui n’ont vraiment rien d’écologiques.
Si on ne s’étendra pas ici sur le neuro-marketing, bien réel, la manipulation la plus simple est souvent la plus efficace. Aussi, entre Instagram, photomanipulations et autres subterfuges pour nous pousser à acheter quelque chose dont on a pas forcément besoin, il y a toute une palette de faux-logos et faux-engagements destinés à nous tromper. Et ça marche ! Exploiter la notion de “bio” et le “respect de la Nature” est aujourd’hui une véritable mine d’or pour des organismes de peu d’honneur. Une supercherie doublement malsaine qu’elle vient porter préjudice au monde originel du « bio », c’est à dire une production naturelle, sans intrants phytosanitaires d’origine fossile, comme le faisaient nos anciens depuis des millénaires. Cette confusion des genres aurait même tendance à éloigner les individus de bonne volonté, perpétuant l’immobilisme des institutions.
Enfin, pour en finir avec le plastique, il ne faudra pas y aller par quatre chemins. Soit nous acceptons la mort programmée de nos océans, soit nous avançons vers une consommation Zéro Plastique intégrale, excepté pour les matières techniques en espace contrôlé (hôpitaux,..). Chacun peut d’ores et déjà essayer de prendre conscience de ce qu’il consomme au quotidien, de son impact sur le monde qui l’entoure, et bien sûr, continuer de sensibiliser son entourage sur les dangerosités des publicités mensongères et leurs conséquences sur notre environnement, notre vie de façon générale et nos choix pour demain, mais surtout agir en faisant pression au niveau du processus démocratique. Car on risque difficilement de changer ce monde sans un engagement collectif et institutionnel fort.
M.D Sources : We Demain / The Guardian / Mr Mondialisation / EPI