Bouaké : Le procès de la honte
PROCÈS DU BOMBARDEMENT DE BOUAKÉ UNE HONTE FRANCO-FRANÇAISE
Les anciens ministres de Jacques Chirac qui se sont succédé dès le 12 avril devant la Cour d’assises spéciales de Paris pour ce qui est de l’affaire du bombardement de Bouaké qui avait coûté la mort à des soldats français, se sont rejeté la responsabilité de la fuite des pilotes biélorusses jugés par contumace depuis le 29 mars en France.
16 ans après le bombardement du cantonnement français de Bouaké, les parents des victimes ne savent toujours pas qui a donné l’ordre de tirer. Quant à la soixantaine de jeunes patriotes ivoiriens tués par la suite par les soldats français, ils ne font même pas partie du décorum.
C’est le procès des puissants.
Et quand des puissants sont dans le box, la justice en perd son latin. C’est à cela que les parents des 9 soldats français tués dans le bombardement du cantonnement de Bouaké sont réduits depuis 16 ans et encore plus depuis le 29 mars dernier. Alors que de sérieuses présomptions pèsent depuis des années sur les anciens ministres de Jacques Chirac ne serait-ce que pour avoir volontairement laissé s’enfuir les pilotes biélorusses qui avaient été arrêtés à la frontière togolaise, chacun a rejeté la responsabilité sur l’autre durant son passage devant la Cour des assises spéciales en raison de l’impunité décrétée par la Cour de justice de la République (CJR) qui avait déjà ôté tout espoir aux parents des victimes.
Impliqués mais non concernés
Dans son arrêt rendu public le 23 mai 2019, la CJR avait en effet établi que les trois ministres, à savoir Michelle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier respectivement ministres de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères ne pouvaient pas être auditionnés, étape importante de leur éventuelle mise en examen dans cette affaire. De sorte qu’ils apparaissaient ces deux derniers à ce procès comme de simples témoins qui n’avaient rien à craindre.
Chacun s’est donc contenté de rejeter la responsabilité de la fuite de ces témoins capitaux sur l’autre. A commencer par Jacques Chirac lui-même que Michel Barnier accuse de l’avoir déchargé de ce dossier parce qu’il relèverait de la compétence de l’armée. Mais le chef de l’état-major particulier de l’ex-président ne l’entend pas de cette oreille. « Les bras m’en tombent d’entendre les ministres dire qu’ils ne savent rien de ce dossier », s’est montré agacé le général Georgelin alors que finalement, tous se sont résolus à rejeter la responsabilité du bombardement sur l’entourage de Laurent Gbagbo comme s’il suffisait de le dire.
Mais si l’ancien président ivoirien a été d’emblée et à plusieurs reprises mis hors de cause, c’est parce que les accusateurs ont eu peur d’être contraints d’apporter des preuves formelles de leurs accusations. Alors, ils ont choisi de culpabiliser des personnalités autour de Gbagbo sans preuves justement, depuis l’ancien chef d’état-major Philippe Mangou qui a rallié le camp Ouattara depuis avril 2011, en passant par Simone Gbagbo ou Affi N’guessan…
Doigt d’honneur
Les parents des victimes, eux, en perdent leur latin. Sous la poussée de leur avocat, Me Jean Balan, ils ont fini par comprendre que si les autorités françaises ont rechigné à arrêter ces biélorusses à la frontière togolaise avec le Ghana, c’est bien parce que leurs témoignages auraient pu les exposer et éventer le complot.
Pour Me Balan, c’est cela qui est logique parce que Chirac voulait se débarrasser de Laurent Gbagbo qu’il ne contrôlait pas et avait prévu comme scénario de provoquer l’armée française. Sauf qu’il n’imaginait pas qu’à cette heure-là, des soldats français pouvaient se trouver au sein du cantonnement de Bouaké.
Ce procès qui fut d’ailleurs un doigt d’honneur des autorités françaises de l’époque à la justice de leur pays, ces dernières pouvant refuser de dire la vérité et mentir sans rien craindre, a aussi montré que l’on pouvait tuer une soixantaine de manifestants ivoiriens sans rien craindre de la justice.
Les victimes ivoiriennes ne faisaient en effet pas partie du décorum de ce procès qui n’apaisera non plus en rien la douleur des parents des victimes françaises. Ces derniers ont ainsi assisté impuissants au passage des ministres qui disent tous n’avoir pas eu connaissance de l’arrestation de ces biélorusses dont deux d’entre eux étaient jugés par contumace.
L’ancien ministre de l’intérieur togolais, François Boko, est pourtant formel. Interrogé par visioconférence lors de ce procès, il a affirmé avoir saisi tout le monde. A commencer par son condisciple de Saint-Cyr qui est à la Dgse. « Je lui dis de manière triviale : « j’ai sûrement les mercenaires qui ont assassiné vos hommes, ça vous intéresse ? » » L’ex-ministre leur fournit même photocopies, passeports et empreintes des personnes arrêtées. Mais quelque temps après, poursuit François Boko, « il me dit que sa hiérarchie n’en veut pas. Je me tourne alors vers l’attaché de sécurité intérieure. Hélas, lui aussi répond négativement et je me retrouve avec la patate chaude. » L’ex-ministre garde pourtant tout le groupe en détention pendant deux semaines avant de les expulser. Or, les ministres français n’auraient rien su de cet épisode pendant ces deux semaines.
C’est à ce jeu que se sont livrés Alliot-Marie, Dominique Villepin mais avant eux Michel Barnier qui a répondu avec les mêmes arguments que ses ex-collègues.
SEVERINE BLE
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FUSILLADE DU 9 NOVEMBRE 2004, DEVANT L’HÔTEL IVOIRE À ABIDJAN: QUAND MICHELLE ALLIOT MARIE MENTAIT AU MONDE ENTIER
» Ils ont été amenés à tirer. Ils ont effectué des tirs de sommation et, dans certains cas, ont été amenés à faire un usage total de leurs armes à feu. Il n’y avait pas moyen de faire autrement. » avait elle déclaré lors du Grand Jury RTL-Le Monde-LCI pour justifier les tirs des soldats français sur des manifestants Ivoiriens aux mains nues qui voulaient empêcher les chars français de renverser le président Laurent Gbagbo. Michèle Alliot-Marie qui s’embrouille aujourd’hui au procès du bombardement de Bouaké (qui avait entrainé ces tueries) avait par ailleurs rendu hommage à l’armée française, qui selon elle avait « fait preuve de sang froid et de retenue » alors qu’elle agissait, toujours selon elle (et c’était là le gros mensonge), « dans des conditions épouvantables, face à une foule armée de kalachnikovs et de pistolets ».
Elle devra un jour répondre de ses crimes contre l’humanité.
Excellence Zadi Vacka