Après le témoignage de Brédou à la Cpi
Pleurs malveillants du Rdr
Le Rassemblement des républicains (Rdr) semble en plein sanglots de désespoir de cause. Il avait bâti son attente sur le témoignage à la Cpi de Brédou M’Bia, l’ancien Directeur général de la police nationale, pour expédier à jamais Laurent Gbagbo dans l’enfer éternel d’une condamnation de justice.
Le maigre gain, ou même le fiasco qu’il tire de cette déposition, le rend inconsolable. Exactement comme un souscripteur d’Agro-business désespéré de ne pouvoir obtenir son retour sur investissement (Rsi). C’est le spectacle « funéraire » auquel s’est livré dans son édito dans Le Patriote de lundi 27 février 2017, un de ses porte-voix, Charles Sanga : « Pour avoir été au cœur du pouvoir de répression sous Laurent Gbagbo, la déposition de Brédou M’Bia promettait. On attendait de lui beaucoup de révélations sur les stratégies mises en place pour réprimer les populations qui s’opposaient à la forfaiture de l’ex-chef de l’Etat. Hélas, les fruits, en tout cas pour l’instant, n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Pis, la « prestation » de l’ex- patron de la police a fait pschitt, pour ne pas dire qu’elle déçoit énormément ».
Donc les preuves de la « barbarie » du régime Gbagbo que détiendraient le Rdr et même Alassane Ouattara pour décréter la guerre à la Côte d’Ivoire, se trouvent-elles uniquement dans la tête des anciens collaborateurs de l’ancien Président au sein de la chaîne de commandement des Forces de défense et de sécurité du pays ? Et l’auteur d’intensifier sa complainte, accusant toujours Brédou : « Pourtant, il était un témoin capital, qui a participé à des réunions de stratégie militaire avec le général Mangou, chef d’Etat-major des armées nationales de Côte d’Ivoire et le Général Kassaraté Tiapé, commandant supérieur de la gendarmerie, pour justement livrer bataille contre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire ».
Brédou a ruiné l’espoir du Rdr. Et le Rdr ne peut le concevoir, parce que « Acteur, surement malgré lui, ce de drame, parce qu’en charge de la sécurité publique, il a soutenu devant la Cour, que Laurent Gbagbo avait perdu l’élection et que les généraux lui ont demandé d’abandonner. Mais le policier s’est limité à cette information. Pour le reste, des trous de mémoires », déplore-t-il.
On voit qu’il se délecte de ce que Brédou a dit que les généraux ont demandé au Président Gbagbo de se retirer, pour conclure qu’il avait effectivement perdu l’élection. Comme si le policier était le président intègre d’une Commission électorale indépendante ou celui du juge suprême, le Conseil constitutionnel. C’est ce genre de déclarations qui flatte son camp que le Rdr voudrait que Brédou aligne tout au long de sa déposition à la Cpi. Mais il est resté sur sa faim. C’est à peine comme s’il considérait que Brédou M’Bia a fait de la provocation en aiguisant son appétit rien que pour le faire languir et le laisser à ses émotions voraces. D’où sa conclusion larmoyante : « De toute évidence, son témoignage est partiel et inconvenant ». Pourquoi ? Parce que selon lui, au regard des rapports de l’Onu, « tout le monde sait que les tueries étaient le fait des forces parallèles commandées depuis le Palais présidentiel… » Et il tient allègrement une telle thèse périlleuse, sans se préoccuper de la partialité flagrante et vraiment avérée de cette même Onu dans la crise ivoirienne. L’Onu dont le même procès de Gbagbo a montré comment ses experts fabriquent ou manipulent les rapports sur la Côte d’Ivoire au profit de Ouattara.
Les larmes autour du témoignage Brédou M’Bia sont torrentielles. Et les reproches suivants ne peuvent les tarir. Surtout que l’auteur perçoit dans l’attitude du témoin, une volonté de sauver Gbagbo : « La vérité, c’est que Brédou M’Bia est subitement devenu oublieux devant les juges de la Cpi, comme s’il avait la mémoire floue. A ce niveau de responsabilité, c’est inexcusable » Et voilà le verdict : condamnation sans appel. Comme si l’état de notre mémoire était uniquement fonction de nos responsabilités, sans tenir compte également de notre état physiologique de l’instant. Comme si un témoin oculaire, ou même un acteur, ne pouvait pas perdre la mémoire. Et là, peu importe le procès d’intention des activistes politiques de dimanche.
Mais par cette assurance, l’éditorialiste peut également tenter de faire croire qu’avant de se retrouver à la Cpi pour un témoignage, Brédou M’Bia lui aurait confié beaucoup de révélations sur la crise, et qu’il se serait engagé à le répéter aux juges de la Cour. Chose à laquelle il vient de manquer. Est-ce le cas ? On le saura un jour. Mais si le Rdr pleure avec une telle intensité et de si nombreuses récriminations, c’est surtout comme signifié plus haut, parce que l’auteur est persuadé que « Brédou M’Bia a manifestement joué les équilibristes, comme s’il voulait protéger Laurent Gbagbo et surtout comme s’il ne savait rien de ce qui se tramait dans le camp de l’ex-président ». Et de décréter : « Or, en réalité, il en sait beaucoup.»
Une certitude qui renverrait à une confidence entre les deux (l’éditorialiste et le témoin). Si le confrère sait ce que sait Brédou M’Bia, pourquoi ne publierait-il pas des extraits pour le confondre ? Mais il s’entête à affirmer que « Or, en réalité, il en sait beaucoup.» Mais que sait Brédou M’Bia, au juste qu’il sache, lui Le Patriote, pour être si inconsolable ? Il ne répond pas, mais finit par avouer, dans un sanglot malveillant, ce qui lui fait tout aussi mal, sinon plus : « Ensuite, il a été maintenu à son poste pendant quatre ans. C’est dire que le régime ne lui en voulait pas».
Ah ! Que ça fait mal ! Le Rdr regrette d’avoir maintenu Brédou à son poste, sans avoir pu tirer de lui la moindre calomnie dévastatrice et compensatoire contre Laurent Gbagbo. Il en pleure. Perte d’un retour sur investissement (Rsi) version Rdr ! Tellement le regard est embué par la vapeur d’une douleur morale, celle de quelqu’un qui a fait un placement ruineux, le Rdr déplace son argumentaire sur le terrain de l’émotion mortifère, comme si Gbagbo avait menacé Brédou de le chasser de son poste après : « S’il est logique avec lui-même, Brédou M’Bia devait avoir un minimum de compassion pour les victimes, qui ont donné leur vie pour qu’il soit reconduit à son poste, malgré le silence que l’on peut juger coupable ».
Voilà un spectacle émouvant. Digne de nos funérailles populaires. Parce qu’il y a eu des victimes dans cette crise, dont ses propres éléments de la police, Brédou M’Bia devrait fabriquer des faits à coller au Président Gbagbo pour faire plaisir au régime actuel. Il ne l’a pas fait : le Rdr en deuil. Tout comme il l’a été lorsque, après son départ triomphal pour la même Cpi pour son témoignage contre Gbagbo, le retour de Joël N’Guessan, son porte-parole, avait plongé le Parti au pouvoir dans la tristesse. Parce que son témoignage a déçu les militants. Pleurs malveillants. Mais pleurs réconfortants pour la vérité. Courage !
Germain Sehoué
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