Après l’acquittement de Bemba, grosse pression sur la Cpi sur le cas Gbagbo
«Le premier exemple, CIV-OTP-0025-0459, semble être un reçu signé par le président du Gpp pour recevoir la somme de 200 000 Fcfa du secrétariat du directeur adjoint du cabinet présidentiel de M. Gbagbo. Ni le document, ni la signature (qui provient en fait d’une autre personne qui n’est pas supposée avoir été membre d’un Gpp et qui a également signé pour d’autres destinataires) a été authentifié. De plus, aucune explication n’est donnée quant à la nature de la somme – l’équivalent de 300 Euros-. La transaction alléguée semble faire partie d’une série de transactions mensuelles, commençant en mai 2009 et se terminant en mars 2011. En supposant que ces pièces prouvent les transactions réelles, on ne sait pas clairement ce qu’elles sont censées démontrer, à part le fait qu’il y avait contacts entre M. Gbagbo et certains éléments du Gpp. Cependant, compte tenu de la taille revendiquée du Gpp (de 8 000 à 9 000 hommes à Abidjan seulement), les montants impliqués semblent presque insignifiants. Je ne comprends donc pas complètement la pertinence de ces documents ». Cet argument est celui d’un juge de la Cpi, le juge Henderson de la chambre de Première instance I, la Chambre qui juge Laurent Gbagbo et Blé Goudé. Un argument parmi d’autres pour étayer son opinion dissidente exprimée au cours de la décision du 1er juin dernier, relativement à des éléments additifs de preuves de la Procureure Fatou Bensouda. A y voir de près, le montant querellé est de 200 000 Fcfa. Une somme qu’aurait donné le directeur adjoint du cabinet de Laurent Gbagbo à un élément du Gpp. Une organisation considérée comme une milice par Bensouda, dont elle essaie vainement de relier les activités au Président Laurent Gbagbo. Évacuons rapidement le fait que cette somme n’est pas destinée à financer le Gpp. Il ne saurait en être autrement puisque de l’avis même de Fatou Bensouda, le Gpp comptait à Abidjan environ 8 à 9 000 hommes. Si on recourt à la division euclidienne, chaque élément du Gpp sur la base de la borne supérieure, c’est-à-dire 9000 hommes, empochera environ 23 Fcfa. Ne rions pas. C’est donc à écarter. La somme était elle destinée uniquement à l’élément qui l’a reçu ? C’est possible. Dans ce cas, ce n’est pas un financement du Gpp. Ce pourrait donc être un acte de générosité entre deux sujets qui, au-delà de leurs choix respectifs, pourraient garder un lien d’amitié ou de parenté.
Dès lors, l’accusation selon laquelle Laurent Gbagbo a financé le Gpp s’écroule. Retourné dans tous les sens, ce seul exemple montre la faiblesse des preuves du duo Ocampo-Bensouda contre Laurent Gbagbo. Mieux, Laurent Gbagbo est poursuivi pour de supposés crimes contre l’humanité. Selon la procureure, il aurait mis en place un «plan commun» pour se maintenir au pouvoir en s’en prenant aux partisans de son adversaire politique, Alassane Ouattara. Curieusement, ceux qui sont censés avoir reçu les ordres, à savoir les militaires ou mêmes les chefs de mystérieuses milices, ne sont pas dans le box des accusés. Ils sont appelés à la barre pour témoigner contre Gbagbo. On n’y comprend vraiment rien. Bombarder les généraux de Gbagbo de titres d’ambassadeurs, et chercher à l’inculper sous le chef d’accusation de co-auteur indirect de crimes dont les auteurs ne sont pas identifiés relève de la «sorcellerie judiciaire». C’est justement à cause de cette hérésie du bureau du procureur que Jean-Pierre Bemba, dont ce point précis ressemble à celui de Gbagbo, a été acquitté. Parce que Fatou Bensouda a pensé qu’il suffit de fournir une bassine de documents, condensé de ouï-dire et de coupures de presse, pour obtenir la condamnation de Bemba. Échec et mat!
Dès lors, le simple parallélisme de forme fonde à croire à une issue similaire dans le procès de Gbagbo. Moralement, puis juridiquement. Moralement, parce que l’opinion ne comprendrait pas un maintien de Gbagbo en prison. En tant que chef de l’Etat, il était investi du pouvoir régalien de défendre le pays lorsqu’il est attaqué par des forces coalisées. Contrairement à lui, Bemba, bien que n’étant pas président, n’a jamais nié avoir des troupes. Il a simplement contesté le récit fictif de Bensouda tendant à le faire condamner. Le droit lui donne aujourd’hui raison. Et si le droit est dit dans le dossier Gbagbo, la Cpi pourrait se décharger de son poids moral sur le cas Gbagbo. Ensuite, juridiquement, la Cpi est face à sa crédibilité. Maître Habiba Touré, l’une des avocates de Laurent Gbagbo, pense, à raison, que le cas de Jean-Pierre Bemba servira de jurisprudence : « C’est surtout une remise en question du mode opératoire de l’accusation et non du bureau du procureur puisque jusqu’à preuve du contraire, c’est le bureau du procureur qui a la charge de la preuve. Donc, ce qui est gravissime dans ce type de procédure, c’est que monsieur Bemba a fait quand même dix ans de détention. Dix ans pour rien. Dans le cas du président Laurent Gbagbo, on en est à peu près à la même chose, c’est-à-dire qu’il y a un certain nombre de témoins – plus de 80 témoins de l’accusation qui sont passés – sans que l’on puisse relier ces témoins et les faits qu’ils ont pu évoquer à la personne du président Laurent Gbagbo ou de Charles Blé Goudé et même aux faits qui leur sont imputés. Donc, en ce sens-là, effectivement, la décision rendue en droit dans le dossier Bemba est une jurisprudence qui pourrait servir la défense », a-t-elle indiqué sur Rfi.
La démission de Bensouda évoquée
Elle n’est pas seule à cribler de critique le mode opératoire de la Procureure Fatou Bensouda. L’Américaine, Ida Sawyer, directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique centrale, est du même avis. Interrogé par Rfi, elle a pointé la responsabilité de l’échec au bureau du procureur. «C’est très clair que le bureau du procureur de la Cpi devra faire mieux à l’avenir pour rendre justice et offrir un moyen de réparation aux victimes. Et on le voit donc déjà il y a sept ans, Human Rights Watch a mis sérieusement en cause la décision du bureau du procureur de ne porter qu’une seule affaire contre un individu dans son enquête sur les crimes commis en 2002 et 2003 en Rca. Et le 8 juin, on a vu l’impact dévastateur de cette décision. Donc c’est vraiment une décision qui aura probablement un impact énorme sur la crédibilité de la Cpi. Et c’est clair qu’ils ont beaucoup de travail à faire pour rétablir la confiance avec la cour internationale», accuse-t-elle. Et lorsque le confrère lui demande: «Pensez-vous que la procureure de la Cpi, Fatou Bensouda, doit partir ?», elle tente de sauver le soldat Fatou Bensouda. «Non, on n’a pas appelé à cela. Et cette enquête, le début de cette affaire, c’était avant son arrivée. On ne pense pas qu’elle-même doit partir», jette-t-elle la responsabilité sur le prédécesseur de Bensouda, le controversé premier procureur, Luis Moreno Ocampo. Sauf que même si Bensouda n’était pas à la tête du bureau, elle était tout de même l’adjointe de Ocampo, donc comptable des actes de ce dernier.
Les combines de Ocampo mises à nu
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le procureur argentin dont le défunt juge Peter Hans Kaul disait qu’il gérait «la Cpi comme sa ferme en Argentine» est trempé jusqu’au cou dans les combines dans l’exercice de ses fonctions. Le cas ivoirien est édifiant. On se souvient qu’il avait envoyé à Guillaume Soro, chef du parlement ivoirien, au début de sa première mandature, une lettre de félicitations pour «sa nomination »(le mot nomination est de Ocampo, là où on élit le président de l’Assemblée nationale) au perchoir de l’hémicycle.
Récemment, notre Confrère français Médiapart dans une enquête fouillée et documentée, a mis le doigt sur ses magouilles. «Un document confidentiel de la diplomatie française révèle que la Cour pénale internationale a demandé en avril 2011 de garder prisonnier le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Seulement à cette époque, il n’existait ni mandat d’arrêt ni saisine de la Cpi. (…) En coulisses, certains acteurs s’activent avec un objectif bien précis : écarter durablement Gbagbo de la scène politique ivoirienne. A Paris, la direction Afrique du ministère des Affaires étrangères est en ébullition. Son responsable, Stéphane Gompertz, écrit ce même 11 avril 2011 un mail à plusieurs diplomates et officiels français, au Quai d’Orsay ou à l’Élysée-Nicolas Sarkozy, alors président, est un proche d’Alassane Ouattara. Un «collaborateur» français du procureur de la Cour pénale internationale (Cpi), Luis Moreno Ocampo, «vient de m’appeler», note Gompertz. «Le procureur souhaite que Ouattara ne relâche pas Gb [pour Gbagbo – ndlr]» et «qu’un État de la région renvoie l’affaire à la Cpi au plus vite», poursuit-il, précisant: «Ocampo va essayer de joindre Ouattara ou un de ses proche». Le procureur de la Cpi sera lui aussi destinataire du même message, qui fait partie des documents confidentiels obtenus par Mediapart et analysés par l’European Investigative Collaborations (Eic) dans le cadre notre série d’enquêtes Les Secrets de la Cour.
Ces quelques phrases n’ont rien d’anodin ; elles sont explosives. En effet, la requête du procureur Ocampo, telle que relayée par la diplomatie française, pour garder Gbagbo prisonnier ne repose juridiquement sur rien : ni compétence juridique, ni mandat d’arrêt. D’abord, Ocampo n’a aucun élément solide établissant une éventuelle responsabilité de Gbagbo dans des crimes contre l’humanité qui pourraient relever de la compétence de la Cpi, son bureau n’ayant envoyé aucun enquêteur en Côte d’Ivoire. Le magistrat n’a par ailleurs aucune base légale pour agir, comme l’indique son souhait qu’un État d’Afrique de l’Ouest fasse un « renvoi de l’affaire à la Cpi », par définition non saisie à ce stade des événements », avait révélé ce site français. Comme on le voit, l’embastillement de Laurent Gbagbo à La Haye ne découle pas d’un acte repoussoir pour l’humanité. C’est plutôt le fruit d’un complot Sarkozy-Ocampo-Ouattara. Il est grand temps de mettre fin à ce vaudeville.
T B T, tempsinfos.com
communiqué par Serge Koffi