A l’Ouest, rien de nouveau… si justement !
Le neveu de Bédié au coeur du conflit foncier.
Avril 2011, Laurent Gbagbo est arrêté à Abidjan. Mais déjà à l’Ouest du pays, les Guéré, ethnie favorable à l’ancien président avaient quitté en grand nombre leurs terres pour se terrer, qui en ville, qui dans les pays voisins.
Les Burkinabés et les Baoulé du RHDP restent les seuls maitres des lieux, ayant la couverture des Dozo et autres supplétifs burkinabés des FRCI.
Profitant de l’absence des Guéré et de la police forestière, Salam, un ressortissant burkinabé installé depuis longtemps à Guiglo et ayant fait fortune dans l’agriculture, prend possession de la forêt classée de Goin-Débé. Il fait venir de nombreux travailleurs du Burkina Faso. Les plantations qu’il y fait sont à perte de vue, des kilomètres carrés de cacao et d’hévéa.
Prince, le neveu à Bédié lui emboîte le pas vers fin 2011. Prince serait le neveu du président du PDCI-RDA, dit-on à l’Ouest. Il n’a pas été inquiété tout le temps qu’ont duré les événements de la sanglante crise post-électorale.
En 2014, le retour des Guéré se fait de plus en plus ressentir sur leurs terres. Salam décide de prévenir d’éventuelles crises avec les autochtones. Il prend l’initiative de rencontrer les chefs Guéré à qui il promet une partie de sa “propriété” de la forêt classée. Les Guéré acceptent, ils n’espéraient pas meilleur fortune, la guerre les ayant affaiblis aussi bien financièrement que politiquement.
Cette initiative de Salam n’est pas du goût de Prince qui ne veut pas cohabiter dans la forêt classée avec les Guéré qu’il juge trop palabreux et querelleurs. Il menace d’utiliser ses relations pour faire arrêter Salam si celui-ci tient à offrir une partie de sa propriété foncière à ses anciens tuteurs Guéré. Mais pour Salam, c’est l’unique solution pour prévenir les conflits futurs.
Salam est ensuite arrêté puis emprisonné la même année pour destruction de la forêt classée. Prince et les siens ne sont pas inquiétés, bien au contraire ils agrandissent leurs plantations.
2017, les Guéré décident de retourner dans la forêt classée pour réclamer la parcelle offerte par Salam. Ils rencontrent le refus des hommes de Prince, armés de kalachnikov et de calibres 12.
Les chefs Guéré saisissent la préfecture qui convoque Guéré, Burkinabés et Baoulé. Le troisième groupe ethnique convoqué ne répond pas à l’appel. Les Guéré retournent alors rencontrer une nouvelle fois Prince. Cette fois celui-ci fait battre la délégation de Guéré allée dans la forêt classée. S’ouvre alors le conflit foncier de l’Ouest qui risque d’embraser toute la zone si l’on n’y prend garde.
Jean Pierre Fieglo
Quand on lit les manchettes du Nouveau Réveil, le journal attitré du PDCI, le parti de Bédié, on comprend que ce dernier ne fait rien pour apaiser les tentions dans ce conflit, lié au foncier, bien au contraire. Est-ce juste pour ennuyer Ouattara et rajouter un peu de pagaille? En l’occurrence, ce sont des vies humaines qui sont en jeu, et surtout une nouvelle fois de plus, l’ethnie wè (=guéré) qui est meurtrie, et dépossédée de son territoire. Quant aux politiciens issus de ses rangs, les Anne Oulotto, Denis Kah Zion, ils préfèrent le confort de leur siège ou strapontin dans les sphères du pouvoir, plutôt que de voler au secours de leurs parents spoliés et menacés. On notera également le silence de l’ancien patron du port autonome d’Abidjan, Marcel Gossio qui a rejoint Pascal Affi N’guessan, et qui lui aussi est originaire de l’Ouest.
Shlomit
QUARTIER SANS LOI
Dans ma ville de Vavoua, chef-lieu de département dans la région du Haut-Sassandra, il y avait, dans mon enfance, un quartier baptisé « Sans loi ». Ici, c’était comme la jungle.
La Côte d’Ivoire, mon pays, est en train de prendre cette voie de « Quartier Sans loi ».
Le 19 octobre, Issa Coulibaly, chef de canton à Korhogo, a fait incendier quatre établissements scolaires. La raison, Soro Zié, leur fondateur, est accusé de profanation de forêt sacrée dans son village de Kombolokoro.
Le chef de canton qui revendique cette action de représailles pour se rendre lui-même justice, n’est nullement inquiété. Mieux, il a demandé et obtenu la protection de la force publique ce 23 octobre pour contrer les manifestations de colère des élèves qui sont en vacances forcées après avoir perdu leurs dossiers.
Guiglo, capitale de la région du Cavally, a commencé à souffler. Le calme qui prévaut est précaire.
De meurtriers affrontements ont en effet opposé les Wê, population d’accueil, aux Baoulé. La raison, la forêt classée de Goin-Débé.
Ce site qui devait être aseptisé de toute occupation humaine, a été entièrement et presque totalement colonisé. Illégalement. Des campements ont vu le jour de même que de vastes exploitations agricoles.
Les clandestins de tout acabit, armés jusqu’aux dents, se battent pour cet espace en principe protégé, au vu et au su des autorités. Celles-ci tirent les ficelles ou ferment carrément les yeux; car elles y ont le beurre et l’argent du beurre. Et nul n’est inquiété.
l’État a démissionné; comme à Korhogo, il a abandonné son rôle régalien et laisse prospérer l’anarchie et l’arbitraire qui gouvernent la jungle. En lieu et place de la loi.
Or, comme le disait le dominicain Jean-Baptiste-Henri Dominique Lacordaire (1802-1861), « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
Bally Ferro