Le texte du Juge Cuno Tarfusser (5)
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71. En outre, l’attitude du Procureur à l’égard de la » norme » censément appliquée aux éléments de preuve est exposée dans toute sa vacuité et sa nature fondamentalement hypocrite lorsqu’on considère le fait que le même Procureur semble recommander que la même norme soit abandonnée pour les éléments de preuve qui iraient à l’encontre de sa propre » théorie des affaires » ; c’est-à-dire les éléments de preuve qui, dans la terminologie actuelle de la Cour (que j’ai déjà eu l’occasion de dénoncer comme étant ambigus et discutables), seraient qualifiés de » disculpatoires « . En effet, le Procureur semble presque prétendre que, si aucune évaluation de la crédibilité, de la fiabilité ou de la valeur probante ne devrait être faite en ce qui concerne les éléments de preuve qui – à son avis – étayent les charges, la Chambre devrait plutôt évaluer la valeur probante des éléments de preuve qui semblent aller à l’encontre de la théorie du Procureur, et plus particulièrement faire preuve de prudence en les prenant » à sa valeur nominale » (on pourrait dire » à son maximum « ) ; ou, du moins, c’est ce que l’on peut déduire de certaines des déclarations contenues dans ses réponses écrites et orales aux requêtes de la défense en acquittement. Là, le Procureur (ayant manqué l’occasion de tenter de réconcilier les témoignages des initiés avec sa théorie de la cause dans le contexte du mémoire de première instance – et donc le but ultime de l’exercice) a averti la Chambre que » bien que le témoignage des généraux puisse être accepté comme crédible sur plusieurs questions, il doit être traité avec prudence quand il concerne leur propre responsabilité pénale individuelle. C’est particulièrement le cas lorsqu’on leur demande de témoigner sur la base d’éléments de preuve qui indiquent leur propre complicité ou, à tout le moins, leur acquiescement tacite à la commission des crimes239 ; de l’avis du Procureur, « l
La Chambre devra prendre en considération la loyauté que les généraux ont pu avoir lorsqu’ils ont témoigné ; ceci aussi parce que – en ce qui concerne les initiés ayant été nommés au grade de général, « [a]s commandant en chef, M. Gbagbo a joué un rôle significatif dans la détermination du parcours de leur carrière » .
72. On peut se demander comment il est possible que le Procureur n’ait pris conscience des contradictions entre sa théorie de la cause et le » témoignage des généraux » qu’à la suite des observations de la défense. En outre, la préoccupation du Procureur quant au risque que des initiés critiques aient pu être incités à mentir ou à omettre par crainte de conséquences en termes d’incrimination personnelle, est en effet surprenante, notamment à la lumière des recommandations du Procureur selon lesquelles chacune d’elles devrait bénéficier d’une assistance juridique aux fins de la règle 74, une mesure ayant représenté une dépense totale de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour la Cour.
73. Plus fondamentalement, le fait que le Procureur en soit venu (quoique tardivement) à reconnaître qu’il existe effectivement dans le dossier des éléments de preuve qui, pris » à son plus haut « , porteraient gravement atteinte à l’affaire, est louable ; cependant, une telle proposition semble défectueuse sur le plan de la méthodologie et constitue un élément révélateur supplémentaire de la faiblesse exceptionnelle générale du dossier du Procureur. J’ai certainement suivi scrupuleusement la suggestion du Procureur dans mon approche des éléments de preuve au dossier : J’ai examiné les éléments de preuve dans leur intégralité, en les considérant » à leur plus haut niveau » et de manière » holistique » ; cependant, je l’ai fait pour l’ensemble des éléments de preuve présentés, que ces éléments de preuve relèvent ou non de l’incrimination ou de la disculpation ; par conséquent, je ne les ai pas exclus et les ai examinés dans leur ensemble, sans les déformer et les transformer afin qu’ils soient adaptés à l’opinion du Procureur ou sans empêcher leur contenu même de se révéler.
74. J’estime, après presque trois ans d’écoute des témoins et d’examen des conclusions et des éléments de preuve présentés au procès, qu’aucune preuve n’a été présentée par le Procureur qui permettrait à une Chambre d’établir un lien entre Laurent Gbagbo ou Charles Blé Goudé et les faits reprochés.
F. Considérations sur les cinq incidents incriminés
75. Je crois que ces considérations, conjuguées aux conclusions contenues dans les motifs, justifient amplement la décision de la Chambre d’acquitter l’accusé. Comme indiqué plus haut, il convient de faire preuve de prudence lorsqu’on prend des décisions qui vont au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour motiver le jugement, en particulier dans un contexte où l’on dit que des enquêtes sur le même contexte sont en cours. Toutefois, j’estime nécessaire d’ajouter – surtout à la lumière de l’incapacité de la Chambre à parvenir à une conclusion unanime – que non seulement les éléments de preuve versés au dossier ne me convainquent pas que l’un quelconque des incidents reprochés s’est effectivement produit conformément au récit du Procureur, mais qu’ils conviennent plutôt pour indiquer une ou plusieurs autres lectures qui sont également, sinon davantage, plausibles. Il convient d’ajouter ceci, tout en gardant à l’esprit que la majorité « a supposé que les faits allégués concernant la victimisation sont établis », indépendamment du fait que les éléments de preuve pour chaque victime présumée puissent être considérés comme suffisants pour atteindre le seuil pertinent.
76. Même en laissant de côté l’absence de preuve d’un lien entre les faits reprochés et l’accusé, les faits reprochés ne peuvent guère être qualifiés de crimes contre l’humanité au sens de l’article 7 du Statut et de son chapeau. Les caractéristiques mêmes de chacun de ces épisodes rendent très difficile d’identifier l’un ou l’autre d’entre eux comme faisant partie d’une attaque contre une population civile pouvant être considérée comme » généralisée » ou » systématique « . Les différences qui les séparent en termes de contexte, d’individus et de factions impliqués, de type d’armes utilisées, d’appartenance respective des auteurs présumés et des victimes sont frappantes ; les chiffres en jeu, bien que non décisifs en soi, sont de nature à recommander la prudence. En effet, les motifs indiquent qu’en ce qui concerne les vingt incidents non inculpés, » il s’agit tous d’événements distincts qui se sont produits à des moments et en des lieux différents et qui ont impliqué différents auteurs présumés et victimes » ; le même commentaire s’applique aux cinq incidents inculpés. Si, comme indiqué dans les motifs, » on peut conclure que la violence a eu lieu dans le contexte de manifestations politiques » pendant la crise post électorale, » compte tenu du nombre, de la nature des crimes ainsi que de l’identification de leurs auteurs directs, on ne peut conclure qu’il y a suffisamment de preuves pour conclure à l’existence d’un ensemble de crimes dont la politique présumée peut être déduite « .
77. En ce qui concerne les incidents individuels, les éléments de preuve font apparaître de sérieux doutes quant à la plausibilité globale du récit du Procureur pour chacun d’entre eux.
a. 16-19 décembre 2011 – RTI Mars
78. Quant aux incidents survenus dans le cadre de la Marche sur le RTI prévue par le RHDP le 16 décembre 2010, le Procureur déclare que » M. Gbagbo lui-même a instruit les généraux le 7 décembre que la marche était interdite » et conclut que » ses instructions ont effectivement été suivies car les preuves démontrent que le FDS a réprimé violemment la marche « . La sainteté et l’arbitraire de la conclusion sont là pour tout le monde : c’est une chose de donner des instructions pour interdire une marche – ce qui relève clairement des prérogatives de la plus haute autorité politique et des forces responsables du maintien de l’ordre public ; une toute autre chose de donner des instructions pour » réprimer violemment » une marche.
Il existe en effet des preuves montrant que le haut commandement du FDS a été informé qu’une marche avait été planifiée par l’opposition que la décision était d’interdire la marche et que Laurent Gbagbo était au courant de cette décision et ne s’y est pas opposé ; même, que des réunions entre Laurent Gbagbo et son haut commandement politique et militaire ont pu avoir lieu au domicile du président dans les jours qui suivirent la marche et dans l’après-match. On peut certainement s’interroger – comme l’a fait le témoin P-0009 – sur la mesure dans laquelle un document tel que le » journal de bord » peut être considéré comme une preuve fiable et adéquate de l’existence de telles réunions, constitué des restes grumeleux d’un carnet manuscrit retrouvé par le Procureur sur un site qui avait été bombardé, un an après les faits, sur instruction des autorités ivoiriennes, ce qui marque – dans son absence de forme et de structure – une nette opposition dans un état aussi organisé et qui s’est poursuivi pendant la crise. Tout d’abord, comme le précisent également les motifs, le fait qu’une personne inscrite dans le journal de bord comme ayant l’intention de rencontrer le Président le rencontrerait effectivement est loin d’être une fatalité. Deuxièmement, et plus fondamentalement, la considération demeure que la réunion est en soi un comportement parfaitement légitime ; en outre, dans le contexte de la crise actuelle, la tenue de nombreuses réunions à tout moment de la journée avec les responsables politiques et militaires de la sécurité de l’État devrait plutôt être considérée, en l’absence de tout élément contraire, comme le signe d’un Président qui se soucie, veut être informé et prend ses responsabilités, plutôt que comme un conspir contre son peuple. Ce qui manque en effet totalement, c’est la preuve de l’objet et du contenu des discussions tenues au cours de ces réunions : au contraire, lorsque les procès-verbaux des réunions sont disponibles, seules des questions telles que » les fonctions gouvernementales courantes et la répartition des portefeuilles » semblent avoir fait l’objet des discussions. En ce qui concerne les réunions qui auraient eu lieu avant la marche de la RTI, rien n’indique ou du moins ne suggère que les instructions données incluraient la répression de la marche « par tous les moyens » et que ces moyens pourraient inclure le fait de blesser inutilement des manifestants civils au-delà des limites fixées par la règle d’autodéfense.
79. Il est aussi certainement établi que des victimes sont survenues pendant la marche, tant du côté des marcheurs que des FDS, et que des mesures de sécurité ont été prises en vue de protéger la RTI ; que la » sécurisation » de la marche, compte tenu de sa nature insurrectionnelle, pourrait impliquer la dispersion des marcheurs par le recours aux moyens classiques de l’ordre public . Toutefois, il est également prouvé que ceux qui ont fait face au FDS dans le contexte de la marche n’étaient pas seulement des manifestants pacifiques. La Chambre était saisie, entre autres, d’une vidéo montrant un appel à participer à la marche » avec tous vos équipements militaires et de combat » ; un témoignage à l’effet que des individus détenant des kalachnikovs ont été vus se dirigeant vers l’un des lieux de rassemblement, et que les FDS (qui étaient en minorité) ont reçu l’ordre de s’abstenir de les poursuivre ou de les affronter directement, afin d’éviter des blessures ou pertes inutiles ; d’autres témoignages indiquent que des manifestants étaient partis pour la marche en portant des citrons ou du beurre de karité .
80. Il est difficile, en examinant les preuves de ce contenu, de ne pas se joindre au témoin P-0330 pour conclure que la marche était une manifestation armée déguisée, et donc un piège pour le FDS ; une hypothèse plus que plausible semble conclure, le témoin P-0107, que la raison de la fusillade du FDS était qu' »ils ont paniqué ».
81. À la lumière de ces éléments de preuve, ce n’est certainement pas en se fondant sur des déclarations comme celle du témoin P-0009 qui a confirmé qu’une grenade lacrymogène – que les unités du FDS avaient en leur possession – peut être mortelle si elle vous frappe (tout peut, si utilisée de façon inappropriée) qu’on peut légitimement en déduire que la disponibilité et l’utilisation de telles grenades visait à attaquer une population civile pacifique de façon illicite. La preuve, si tant est qu’il y en ait, démontre plutôt que, chaque fois que le FDS a utilisé des gaz lacrymogènes face à une foule, il l’a fait » pour disperser la foule » et tout en » s’engageant dans des opérations d’application de la loi « . En l’espèce, comme ailleurs, l’acte de » cueillette » de son propre témoignage par le Procureur dans le but de composer et d’étayer son récit est évident.
82. J’ai également trouvé particulièrement instructif que, lorsqu’un de ses témoins a indiqué clairement que les seules instructions données à la FDS dans le cadre de la marche étaient qu’elle était interdite, devait être sécurisée et que les marcheurs devaient être dispersés si nécessaire, le Procureur a jugé nécessaire de revenir à la déclaration précédente du témoin, où le mot français » mater » avait été utilisé pour décrire les actions à entreprendre par la FDS à l’égard des marcheurs ; le témoin n’a eu aucune difficulté à clarifier que » mater » signifie » disperse « . On peut se demander dans quelle mesure le sens exact du mot français » mater » (qui apparaît également dans la décision de confirmation) a été saisi dans le contexte de l’évaluation préliminaire de la preuve : il pourrait être traduit en gros en anglais par » apprivoisé « , dans le sens d’une prise en charge. On est bien loin de la signification beaucoup plus draconienne que les mots basés sur la même racine ont dans d’autres langues, par exemple en espagnol ; aussi tragique que cela puisse paraître, la question de savoir si et dans quelle mesure des malentendus flagrants de cette nature ont pu contribuer à la mise en cause de M. Gbagbo et M. Blé Goudé reste en premier lieu une question ouverte.
b. 25-28 février 2011 – Yopougon I
83. Les Motifs expliquent en détail les contradictions et les omissions qui entachent le récit du Procureur quant à la genèse et à l’évolution des affrontements qui ont éclaté à Yopougon du 25 au 28 février 2011. Cet épisode, dont seul M. Blé Goudé est accusé, est en effet emblématique à la fois des nombreuses caractéristiques de la crise post-électorale dans son ensemble et des défauts de l’approche du Procureur à son égard. Le Procureur a choisi de construire son récit sur et autour du discours tenu par M. Blé Goudé au Barreau du Baron, et de présenter les événements violents de la journée dans le quartier tels qu’ils en découlent, et en particulier de la » rhétorique inflammatoire » qu’elle aurait contenue. Une narration équilibrée et objective aurait nécessité de prendre en compte et de reconnaître un certain nombre d’éléments de nature à remettre en question la vision des faits du Procureur, notamment les éléments de preuve selon lesquels l’éclatement de violents affrontements dans le quartier a précédé, et non suivi, le discours de M. Blé Goudé, sans lien avec celui-ci. Comme indiqué dans les Motifs, » il y a des preuves suggérant que la vague de violence aurait pu être déclenchée le 25 février par les escarmouches provoquées par l’incendie d’autobus par des jeunes pro-Ouattara suivi de l’incendie de gbakas par les jeunes pro-Gbagbo en représailles. Selon la preuve, les bus étaient associés au camp pro-Gbagbo, tandis que les gbakas étaient des véhicules associés aux partisans des Ouattara. En outre, les éléments de preuve confirmant que les quartiers opposés de Doukoure et Yao Sehi ont connu des affrontements violents avant la crise postélectorale. Comme l’illustrent les motifs, « [l]es éléments de preuve ne permettent pas de conclure que la police a ciblé spécifiquement la partie de la population qui était perçue comme étant pro-Ouattara « .
c. 3 mars 2011 – Abobo I
84. En ce qui concerne l’incident du 3 mars relatif à la marche des femmes, les Motifs expliquent en détail les éléments de preuve qui empêchent la Chambre de conclure que le convoi a délibérément attaqué les manifestants. Par ailleurs, ce qui frappe le plus, c’est le choix du Procureur d’ignorer les preuves selon lesquelles les femmes participant à la marche avaient été utilisées comme boucliers humains par des tireurs d’élite cachés parmi eux et visant en premier lieu le convoi des FDS un point d’autant plus important qu’il était cohérent avec les autres preuves selon lesquelles la nature, la fréquence et le type des attaques contre elles faisaient craindre au FDS d’être envoyé ou de devoir traverser Abobo : » quand vous revenez, dites merci au Seigneur » . En outre, le Procureur n’a jamais tenté d’expliquer pourquoi cette marche particulière ( et celle-ci seulement) aurait été choisie comme cible délibérée ; les preuves montrent que des manifestations de partisans politiques du RHDP ont été organisées tout au long de la crise post électorale, avec l’intention du FDS de s’assurer qu’elles seraient autorisées et de prévenir qu’elles puissent entraîner des troubles à l’ordre public . Dans ce contexte, comme l’illustrent les Motifs, il ne semble pas que le convoi » visait délibérément les manifestantes parce qu’elles étaient des partisanes de M. Ouattara « . En conséquence, il devient superflu « de déterminer si l’affirmation de M. Gbagbo selon laquelle les preuves de cet incident ne sont pas fiables et que, en particulier, les images vidéo ont été falsifiées » ou « si la marche a été organisée par ou à la demande des partisans de M. Ouattara dans le Golf Hotel ».
d. 17 mars 2011 – Abobo II
85. En ce qui concerne l’incident du 17 mars, comme indiqué dans les Motifs, la Chambre a vu » beaucoup de preuves de dévastation humaine et matérielle « 277. Cependant, cette preuve était tout à fait insuffisante pour mettre en évidence un récit cohérent, encore moins en ce qui concerne la détermination de la paternité individuelle des événements à l’origine de cette dévastation et les responsabilités légales. Qu’il suffise de mentionner que deux témoins privilégiés, les témoins P-0009 et P-0047, ont tous deux déclaré, sur la base de considérations techniques de nature militaire, la nature et les caractéristiques techniques de l’arme prétendument utilisée pour le bombardement (plus précisément, leur portée et leur impact prévu), d’une part, et l’emplacement géographique respectif du camp Commando et du site visé, de l’autre, qu’il serait impossible de se conformer au texte selon lequel le pilonnage aurait eu lieu à Camp Commando in Abobo. Tout ce que le Procureur a fait pour contester ces témoignages a été
(i) de se référer au rapport d’expert du témoin P-0411, dont il a déjà été question de l’inconclusion intrinsèque ;
(ii) de mettre en garde contre le fait que P-0009 et P-0047 ne pouvaient être considérés comme crédibles dans cette affaire particulière car ils » ont intérêt à minimiser leur implication (et celle de leurs subordonnés) du fait de leur éventuelle responsabilité pénale pour avoir agi en ne prévenant ou punissant pas ces actes » ; et
(iii) de minimiser l’expertise du témoin P-0009 en déclarant qu’il » n’a effectué aucune mesure sur les lieux et qu’il n’a pas été qualifié comme expert en mortiers ou en génie militaire « 281.
e. 12 avril 2011 – Yopougon II
86. En ce qui concerne les incidents du 12 avril, des considérations détaillées soulignant pourquoi les éléments de preuve sont loin de permettre une inférence significative quant à l’attribution des crimes présumés dans le contexte de cet incident se trouvent dans les motifs. Il convient d’ajouter que la chronologie des événements à l’origine de cet incident l’expose à des doutes similaires à ceux suscités par les accusations portées contre M. Gbagbo en vertu de l’article 28 du Statut : le 12 avril 2011, M. Gbagbo était tombé aux mains des forces opposées, après une période de siège au domicile du Président, et M. Blé Goudé, comme indiqué dans les motifs, » était déjà en fuite depuis plusieurs jours282 « . Nulle part il n’est possible de prouver qu’en dépit de ces circonstances, on peut dire que M. Gbagbo ou M. Blé Goudé sont restés en quelque sorte aux commandes de ceux qui, se présentant eux-mêmes comme « pro-Gbagbo », ont pu se livrer à des actes violents et hideux contre la population. Plutôt qu’un acte prétendument en faveur de la prétendue politique de » rester au pouvoir à tout prix « , ou visant à » rétablir le pouvoir de M. Gbagbo « 283 (scénario peu réaliste à l’époque), ces actes sont plus raisonnablement attribués au climat général de chaos et d’anarchie ; d’expérience commune, ce climat est de nature à créer une attente d’impunité particulièrement propice à alimenter la montée de violences non maîtrisées. Il n’a donc pas été nécessaire de se concentrer sur la faiblesse de l’identification des auteurs présumés comme « pro-Gbagbo », dans un quartier où – selon les preuves – des groupes de diverses allégeances étaient présents.
Traduction Jessica Traoré