faire plus ample connaissance avec Houphouët Boigny

Lisez cet extrait du discours qu’il a fait en 1983, le pays était en proie à des remous sociaux et Houphouet a convoqué un conseil national pour s’adresser aux ivoiriens.
C’est un long texte, mais de grande portée. À garder pour vos archives.
Apollos Dan Thé

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SEM FELIX HOUPHOUET-BOIGNY en 1983.

 »Je suis obligé pour la vérité dans ce pays de vous dire ce que j’ai tu jusqu’ici par scrupule. On accuse ma femme de transactions mobilières et immobilières, ma pauvre sœur Faitai aussi. Et nous-mêmes, nous nous sommes enrichis aux dépens de l’Etat, dit-on. Mais voyez-vous, pour la vérité, je suis obligé de dire des choses que vous ne saviez pas.
Et ça me fait de la peine d’en parler moi-même.
Quand les sept anciens sont allés me chercher pour créer le syndicat agricole africain, je suis venu au pays, non pas les mains vides, mais chargées de richesses.
On parlait de signes de richesses, c’était les voitures.
Nous étions quatre en Côte-d’Ivoire, à posséder des véhicules : deux Européens, un Libanais et moi.
J’ai été le premier en Côte-d’Ivoire à introduire une Cadillac; les gouverneurs n’en avaient pas.
Et Péchoux s’était opposé au dédouanement de cette voiture en disant : « Il a déjà beaucoup de prestige, si on le laisse avec cette voiture, il va encore accroître ce prestige, CET ANTI-FRANÇAIS NUMÉRO UN. »
J’ai dû saisir le président Vincent Auriol, qui a dit : « Mais de quoi il se mêle, celui-là ? C’est un citoyen, il a le droit de posséder ce qu’il veut. » Et il a donné l’ordre de me faire dédouaner la voiture. Mais Péchoux a trouvé le moyen de me faire payer le double. Et j’ai payé.

Mon jeune frère avec beaucoup d’autres planteurs (on payait jusqu’à 200 francs le kilo) avait entrepris la construction d’un grand bâtiment. C’était un des plus grands bâtiments entre Abidjan et le Nord. J’ai démoli son immeuble à l’occasion de l’arrivée de MODIBO KEITA.
Je ne l’ai pas habité alors qu’il était bel et bien terminé pour des raisons qui me sont personnelles. J’ai habité la petite maison où repose aujourd’hui son corps.

JE VOUS AI DIT : MES FRÈRES,, NE VIVEZ PAS AU-DESSUS DE VOS MOYENS.. VOUS DEVEZ POUVOIR VIVRE AU-DESSOUS DE VOS MOYENS. IL Y A DES FAMILLES QUI CONNAISSAIENT L’EPARGNE, LA MIENNE ETAIT DE CELLES-LA.
Les gens ont amassé des fortunes avec dix grammes, vingt grammes, cinquante grammes; beaucoup n’ont pas atteint un kilogramme. Mais, d’année en année, ils ont laissé une fortune. Et nous vivions dans l’or.

Les gens s’étonnent que j’aime l’or. C’est parce que je suis né dedans. Il n’y avait d’autre monnaie que la poudre, la pépite ou le lingot d’or.

J’avais un oncle, il vivait de l’autre côté de la rivière. Aujourd’hui, il reste les Zagret et autres. Ce sont eux qui ravitaillaient leurs frères aînés restés à Yamoussoukro avec l’or des Yowèrè. Quand nous vendions notre café et notre cacao, je partais en camion avec du gazogène à Bamako dans la région de Bougouni pour acheter de l’or. Quand on m’a demandé d’assumer ces responsabilités, mon frère était mort, j’étais seul. Il m’avait laissé des biens. Ses deux enfants sont Dia Houphouët que vous connaissez certainement et la veuve Dahouet.
Ce sont les deux enfants que mon frère m’a laissés. J’ai utilisé cet argent (j’en parle aujourd’hui parce que les témoins vont disparaître), c’est moi qui ai interdit à ANOMA d’en parler.
Il veut révéler tout cela.

Qui a financé le syndicat agricole africain ?
Qui a financé les premiers pas de notre parti ?
Vous savez, ce sont des choses que l’on ne dit pas.
IL Y A DES GENS QUI PERÇOIVENT LES COTISATIONS ET QUI NE LES VERSENT PAS.

Quand j’ai demandé à créer des sections dans les autres pays, mes frères m’ont demandé : « Vous allez encore gaspiller de l’argent ? » J’ai répondu : « C’est de l’égoïsme. » Si nous restons seuls face au colonialisme nous serons écrasés. Il faut aider les autres à se joindre à nous pour qu’ensemble nous portions le poids de l’oppression, nous l’avons fait. Et bien sûr, vous m’avez envoyé, élu, à Paris. Et Dieu seul sait combien a coûté cette campagne électorale. Seul DENISE m’avait aidé, il m’avait versé je crois 250 000 francs. Mais tout a été fait par moi.

Je suis acclamé à Paris et les jeunes gens, la plupart d’entre eux sont aujourd’hui en service. En 1947, ce n’est pas en 1960. Je n’étais pas Président de la République, et j’ai acheté ce qu’on appelait le château de Vipel. Et c’est là-bas que je recevais tous ces jeunes gens. Ils venaient à ma table, j’étais leur père, leur frère aîné.

J’ai vendu cette maison pour une question de sécurité. J’étais appelé au gouvernement français et les Arabes (les Algériens),
à la suite de la lutte que menaient leurs frères, s’étaient mis dans la lutte. C’étaient des assassinats, des bombes.
Le gouvernement m’a dit : vous logez seul en dehors de la ville, on ne pourra pas assurer votre sécurité. Il faut rejoindre la ville. Cela m’a fait mal de vendre. Parce que dans ma famille on ne vend pas de terrain, on ne vend pas de maison. J’ai été contraint de donner l’ordre à Gabriel Lisette de vendre. Vous trouverez dans ma maison certains meubles anciens de 1947 que j’ai conservés.
J’ai été dans six gouvernements français successifs. Et je n’ai pas été logé. Et je ne sais pas aujourd’hui si on loge les ministres en France.
J’ai acheté la maison de Jean Gabin (François Ier), je n’étais pas président de la République de Côte-d’Ivoire. J’ai acheté un appartement dans le 11e pour mon fils Guillaume, je n’étais pas Président de la République !

En 1957, je tombe fatigué, le docteur Leporte de l’Elysée vient m’examiner, et me dit : « Vous n’avez rien. Mais allez dans les montagnes. Même l’aspirine pourrait vous faire du mal. » Et je suis parti en Suisse au hasard. C’est à cette occasion que j’ai rencontré mon premier ami suisse qui m’a introduit dans le milieu des affaires suisses (Thinet). Il est mort il y a deux ans avec sa femme. C’est un pèlerinage pour moi chaque fois que je vais là-bas d’aller m’incliner sur leur tombe. Ma femme n’a pas eu d’enfants. La Constitution nous autorise quand un des époux n’a pas d’enfants de proposer la reconnaissance d’un enfant que l’époux doit accepter.

LA MÈRE D’HELENE EST LA VÉRITABLE HERITIERE DU PAYS BAOULE. C’EST LA SEULE HERITIERE AVEC SON FRERE BAPTISTE ET SA SOEUR MONIQUE : ils sont trois.
MOI, JE NE SUIS QU’UN VASSAL, PAR RAPPORT A CES TROIS-LA. Et sa mère est venue dans ma cour me confier l’enfant avant de mourir. A la naissance, elle portait le nom d’ABLA POKOU, LA FONDATRICE DE LA DYNASTIE BAOULE. Pour des commodités, nous l’avons adoptée. Elle est aujourd’hui HÉLÈNE HOUPHOUET-BOIGNY.
Elle a eu pour parrain M. THINET que j’ai rencontré alors qu’il représentait LA FIRME HARRISSON, le grand diamantaire américain, le seul et le plus grand. C’est M. Thinet qui le représentait à Genève. Il a été le parrain de ma fille.

Un jour, il vient chez moi et dit : « Voilà un exemplaire de mon testament. » Je lui demande : « Dois-je l’ouvrir ? » Il répond : « Oui, le double est déposé en lieu sûr. Je décide de faire de votre fille Hélène mon héritière unique. » Il est mort. Et c’est Hélène qui a hérité de tous les biens de cet homme.

C’est lui qui m’avait présenté un grand banquier qui m’a initié aux placements de mes affaires. Aujourd’hui ce grand banquier a pris sa retraite mais il continue, dans la banque où il était directeur, à suivre mes propres affaires. Je vous le dis honnêtement parce que des gens ont dit : « Ils ont des biens à l’étranger. » Moi j’ai des biens à l’étranger. Mais ce ne sont pas des biens de la Côte-d’Ivoire. Quel est l’homme sérieux dans le monde qui ne place pas une partie de ses biens en Suisse ? C’est la banque du monde entier. Et je serais, moi, fou de sacrifier l’avenir de mes enfants avec des fous comme ceux-ci sans penser à leur avenir ? Ceux qui voyagent connaissent Nairobi, la capitale du Kenya. Ils savent que les veuves de Jomo Kenyatta sont parmi les plus riches du pays. On ne voit personne critiquer cela.

Quand j’ai demandé à mon notaire de procéder de mon vivant au partage de mes biens, il m’a dit que c’est la première fois qu’il assiste à une telle chose. Avec notre loi, ma femme a droit à la moitié de mes biens et mes enfants à l’autre moitié. Ma femme n’est pas gourmande, elle a accepté sa part – importante. Et nous devons signer un contrat qui permettrait, si l’un d’entre nous survit, de posséder la part qui lui revient, entièrement. Mes enfants n’auront pas à réclamer leur part de la communauté, dans le cas où ma femme viendrait à mourir avant moi. Sa part reviendrait à sa famille. Elle ne s’est pas limitée à l’adoption d’Hélène. Elle a adopté deux autres enfants, dont un Angolais. Je ne comprends pas pourquoi ces critiques-là. J’ai tenu qu’après ma mort ma famille ne se batte pas pour le peu que je lui aurais laissé. Chacun a sa part.

J’ai deux sœurs et deux cousines.
Mes sœurs n’ont pas d’enfants.
Ma cousine DJENEBA n’en a pas, non plus.
SEULE LA PLUS JEUNE, AMOIN, LA FILLE DE MA TANTE YAMOUSSO,GRACE AUX ALLIANCES AVEC DU SANG ETRANGER, A PU AVOIR DES ENFANTS GRACE A THIAM QUI EST ICI.
DE PAR LA COUTUME, CE SONT EUX MES HÉRITIERS DIRECTS.

FAITAI A ADOPTE CINQ FILLES QUI SONT DEVENUES SES ENFANTS . Elles doivent hériter d’elle, même si elle doit laisser une partie à sa cousine. Ma sœur ADJOUA et ma cousine DJENEBA en ont fait autant.
Vous savez comment on adopte ces enfants ?
Dans le pays Sénoufo, les enfants qui ont perdu leur mère à la naissance sont condamnés : nous en avons sauvé comme cela. Dans le pays Agni, le dixième enfant n’est pas accepté, nous en avons sauvé; dans le pays Baoulé, l’enfant qui naît avec un sexe contraire à ses deux aînés de même sexe était sacrifié, et ça existe encore. Et nous avons sauvé ces enfants-là. Il n’y a pas longtemps, un matin, nous étions à table, et nous lisions Fraternité-Matin : à la police, un commissaire avait recueilli une petite fille de deux ou trois ans depuis plus de deux mois à Abobo-Gare. Nous avons téléphoné immédiatement, nous l’avons fait venir, nous l’avons remercié, et nous lui avons demandé s’il pouvait nous donner cet enfant.
Après des recherches, nous avons retrouvé la mère qui nous a expliqué pourquoi l’enfant avait été abandonnée : chaque naissance après cette fillette se terminait par un décès.
Ses parents avaient conclu qu’elle était une sorcière.

On m’a demandé un jour : « Si vos enfants et votre femme, chacun, prenant sa part, et si on ne vous laisse rien, comment allez-vous vivre ? » Je répondis : « Je vivrai comme les oiseaux du ciel. Ils ne cultivent pas, mais ils mangent. Dieu y pourvoira. »

On dit que nous ne faisons rien ici : j’ai une partie de mes biens à Abidjan. Ce sont des milliards. Ils ne viennent pas du budget. C’est le fruit de mon travail. Une des banques gère mes bénéfices sur la culture d’ananas. J’ai quatre milliards de chiffre d’affaires dans la culture d’ananas. Je paie celui qui vend les cartons pour les ananas quelque cinquante millions de francs par mois. Le bateau et l’avion : 150 millions de francs par mois. J’ai eu deux chutes brutales il y a deux ans alors que j’avais atteint jusqu’à 3 000 tonnes d’ananas par mois, produisant ainsi le tiers de la production nationale. Et j’ai demandé à une banque de gérer cela.

J’ai cessé de faire du café. Autrefois, on recevait très peu, peut-être cent millions de francs, mais ces cent millions valent aujourd’hui des milliards. Et j’ai viré tout cet argent dans mes comptes en banque, en Suisse, et cela a produit des intérêts importants. L’une des banques d’Abidjan possède de moi le quart de ses dépôts. Si je n’avais pas confiance en mon pays, garderai-je tout cet argent ici ? J’ai confiance en la Côte-d’Ivoire. Il y a même une banque qui gère mes bénéfices sur l’avocat dont, je crois, je suis le premier producteur en Côte-d’Ivoire. Il y a une autre banque qui gère modestement les bénéfices de mon élevage de poulets. Mais ces milliards, parce que tout cela se chiffre en milliards, se trouvent dans le pays. C’est de l’argent placé dans les banques et prêté à mes compatriotes.

LE BUDGET DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE EST DE DEUX MILLIARDS DE FRANCS (FRAIS PERSONNELS ET FONDS POLITIQUES).
JE NE SUIS PAS ÉGOÏSTE. POUR MOI L’ARGENT NE COMPTE QUE PAR LE BON USAGE QU’ON EN FAIT.
C’EST LE BON USAGE QUI DONNE DE LA VALEUR A L’ARGENT.

J’ai demandé à trois représentants, dont l’un se trouve dans cette salle, de gérer un peu de ce fonds politique.
Le quatrième, qui distribue le plus, et qui n’étant pas du pays ne fait pas de distinction, est mon secrétaire général du gouvernement.
Il y a des gens qui vont jusqu’à demander des avances sur un an. Ce que j’accepte.
Par exemple, il y en a qui demandent que je leur donne 1 200 000 francs lorsqu’ils ont droit à 100 000 francs par mois.
Alors que si je venais à disparaître, mon successeur ne serait pas tenu d’honorer cet engagement. Je l’ai pourtant fait.

Mon ami, mon jeune frère YACE, m’a cédé l’un des bâtiments de sa famille. Je l’ai aménagé pour y recueillir les mendiants.
Je ne vais pas les voir. Je ne veux pas qu’ils sachent que c’est moi qui m’occupe d’eux. Je les nourris, je les habille.
Lorsqu’ils veulent rentrer chez eux, je paie.
Près de la mosquée de Yamoussokro, j’ai construit une autre construction, où je recueille d’autres mendiants.
Ils sont logés, ils sont nourris. Je leur donne de l’argent; j’envoie des gens le faire en mon nom.

TOUT CE QUE J’AI CONSTRUIT A YAMOUSSOUKRO, PRECISONS-LE, NE M’APPARTIENNENT PAS.
LES HÔTELS APPARTIENNENT AU PARTI, DONC A L’ETAT; LA MAISON DU PARTI, LA FONDATION HOUPHOUET-BOIGNY, ETC., SONT DES ÉDIFICES APPARTENANT A L’ETAT.

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Texte pris sur le mur de Konan N’Da

commentaires:
– Comment cette femme avait-elle fait pour atterrir dans la vie du couple présidentiel « HOUPHOUET-BOIGNY » ? … Ce serait aussi intéressant de le savoir.

réponse de Apollos Dan Thé
a femme là? son histoire est pourtant connue. Son mari avec qui elle est venue de France était enseignant coopérant. Il est mort après. Mais entre temps, elle s’est familiarisée (tu vois ce que je veux dire) avec le ministre de l’éducation, donc le patron de son mari. Auprès de ce dernier, elle a connu le gouverneur de la bceao qui était un frère de même région que le ministre en question, elle s’est familiarisée aussi avec le gouverneur. Auprès de lui, elle a eu accès à don fefal et s’est aussi familiarisée avec le vieux et voilà…elle a pris le contrôle de pas mal de choses auprès du vieux. La suite, c’est ça qu’on voit.