Les sagaies méprisantes des victimes choisies
De quoi répondent donc ces manipulations ? Un déni d’histoire ?
Si la mayonnaise du storytelling de la crise Ivoirienne, dans sa version marketing, voulue par le système des intérêts capitalistes ne prend pas depuis 17 ans, c’est bien parce que cette version est bâtie sur du faux, sorte de brimades intellectuelles enveloppées dans un tissu rouge cousu de fil blanc.
La seule réalité est qu’un gouvernement a été attaqué le 19 septembre 2002 et a tenté de repousser les assaillants avec de probables effets collatéraux. Forts de leur collusion avec des puissances étrangères et des appuis politiques internes, ces assaillants imposent leurs règles, y compris des élections sans désarmement. Huit ans durant, ils mettent en coupe réglée la moitié du pays occupée, organisent des assassinats dont un peloton de gendarmes désarmés à Bouaké, des jeunes entassés dans un container à Korhogo, les danseuses d’Adjanou – des femmes, oui des femmes toutes de blanc vêtues – et diffusent sur les réseaux sociaux leurs horribles faits de guerre à Abobo, etc. La crise post-electorale n’était que la conclusion du plus long coup d’État de l’histoire moderne.
Vainqueurs par les armes d’un conflit qui a débuté par les armes, étayé de nombreux drames dont Guitrozon, Petit-Duékoué, et s’est achevé dans le sang avec le génocide de Duékoué, les atrocités d’Anoukoua-Kouté, et bien plus tard les crimes à ciel ouvert du camp de Nahibly (encore Duékoué mais cette fois-ci en pleine période de paix), ils imposent la justice des vainqueurs et le rattrapage ethnique.
Faute d’en avoir fait un martyr, le miraculé Laurent Gbagbo est déporté à La Haye, suivi 2 ans plus tard par le jeune Charles Blé Goudé. La justice internationale ne pouvant prendre les couleurs tropicales aussi aisément, elle ne peut que l’acquitter, en dépit du comique défilé de 82 témoins. Déjà, même la confirmation des charges avait été laborieuse.
Doit-on alors continuer de se mentir, de laisser mentir, de voir des bourreaux dresser les Ivoiriens les uns contre les autres ? N’est ce pas le silence des vraies victimes et des observateurs qui sert d’oxygène au feu des victimes choisies, sinon autoproclamées ?
Pourquoi des manifestations de victimes à Korhogo et Bouaké alors que ces villes n’ont pas connu la crise post-electorale ?
Pourquoi Abobo serait la capitale des victimes et non Duékoué ?
L’incident majeur d’Abobo est la mort alléguée de 6 femmes qui auraient été tuées par des forces gouvernementales. Or, les avocats ont démontré que la vidéo de ces femmes tuées en mars a été tournée en janvier. Oui, la vidéo a été tournée avant la date du décès allégué de ces femmes. Le Procureur de la CPI a assisté en personne à cette démonstration. Pourquoi n’a-t-il jamais réagi ? Quel juge peut-il condamner un accusé avec un tel élément de trucage? Avouons qu’avec cette découverte grâce aux métadata, le système impérialiste qui survit par son intelligence, ne peut que lâcher prise. Il n’a pas intérêt à s’autodétruire comme un bouffon pour des nègreries dont d’autres solutions existent ailleurs.
Parce que la représentation des victimes souhaite une condamnation afin que les victimes soient indemnisées, doit-on condamner des innocents ? N’existe-t-il pas d’autres mécanismes d’indemnisation des victimes qui se comptent dans tous les camps ?
Cette course à la condamnation cache-t-elle l’intention de masquer la vérité sur les vrais coupables, entendu que la CPI s’est engagée à poursuivre chacun des deux camps ? « Si ce n’est pas le camp de Laurent Gbagbo, donc c’est nous » semblent dire ceux qui actionnent ces indécences.
Au lieu d’organiser la confusion par des manifestations indignes de la gravité de la situation, pourquoi ne pas venir en aide en levant l’humiliation infligée à Bensouda et à son bureau ? Quand on ne peut pas confondre un homme qui a quitté sa résidence sans pouvoir cacher le moindre document et que l’on a disposé de tout, y compris le cahier des visites, c’est que la messe est dite.
À nos frères et sœurs, abonnés à la haine et à la manipulation, nous voulons dire, avec notre habituelle courtoise républicaine que le silence des Ivoiriens, loin d’être une faiblesse et loin de laisser penser que ces manipulations portent une once de crédit, est plutôt le choix de l’avenir pour donner une chance au vivre ensemble qu’ils ont malicieusement entonné pour piteusement agir selon son contraire.
Nous voulons leur dire que c’est par décence républicaine que nous nous abstenons de claironner nos souffrances subies à Duékoué, Bouaké, Korhogo, Adzopé auxquelles s’ajoutent nos exilés, prisonniers et familles brisées. Nous garantissons ainsi l’unité de la nation et notre avenir politique car Laurent Gbagbo ne serait certainement pas arrivé au pouvoir ou n’aurait pas été la source de l’hystérie collective qu’il est à présent, s’il avait mis à l’avant de son combat politique, le problème du Guebié. Mieux, il n’en a jamais parlé.
Nous voulons leur dire que la haine n’est pas la solution, elle est le problème.
Nous voulons leur dire que, si dans une voiture, le pare-brise est grand et le rétroviseur petit, c’est bien parce qu’aller de l’avant est plus important que ressasser le passé. C’est ce qui justifie notre silence sur leurs crimes.
Nous voulons leur rappeler que l’attaque du camp de Nahibly – longtemps après la fin des hostilités – en pleine journée, devant les autorités locales, a fait des dizaines de morts et de disparus. La seule sanction connue à ce jour c’est d’avoir muté les suspects.
La démocratie se défend par le principe de la majorité; or ce n’est pas parce que les otages gardent le silence que les preneurs d’otages sont la majorité. Un terroriste armé peut tenir en laisse des centaines de personnes sans prouver ni légitimité, ni majorité.
Nous voulons leur dire que notre cœur est aussi hydraté par du sang et que leurs méchantes méthodes sont des sagaies dans nos poitrines. Quand on se réclame des épopées du Manding, on affronte ses adversaires à la loyale sans s’abriter derrière des mains impérialistes. Laurent Gbagbo est tout sauf un criminel. Il a pu, pour les intérêts de son peuple, heurter des codes non écrits de gouvernance mondiale et que, l’on voudrait le lui faire payer. Cet enjeu est au-dessus de ridicules manifestations télécommandées.
C’est pour toutes ces raisons que nous ne devons pas céder. Notre combat n’est pas au niveau d’une puérile ambition de retour au pouvoir à Abidjan.
Nous ne sommes pas sûrs de survivre tous, physiquement à nos épreuves et convictions mais la jeunesse africaine, mieux formée, par la force des choses, suivra nos sillons. Grâce à Internet, ces vastes autoroutes de la connaissance que fréquentent peu les adeptes de la « dozomania », l’histoire résistera à sa falsification.