CPI, échec cuisant pour le bureau du Procureur
POUR FANNY PIGEAUD ET LE MONDE DIPLOMATIQUE, NOUS ASSISTONS À UNE DÉBÂCLE DE L’ACCUSATION CONTRE LAURENT GBAGBO
À la page 20 du numéro du Monde Diplomatique de décembre 2017, la journaliste d’investigation écrit :
« Le 30 Novembre 2017, l’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo a entamé sa septième année de prison dans le quartier pénitentiaire de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye (Pays-Bas). Avant cette incarcération, il avait vécu près de huit mois enfermé, sans possibilité de voir la lumière du jour, dans le nord de son pays. Malgré la durée anormalement longue de cette détention provisoire, deux des trois magistrats de la CPI chargés de le juger refusent qu’il comparaisse libre…
Pourtant, tout indique que son procès, ouvert le 28 janvier 2016, se terminera par un cuisant échec pour le bureau de la procureure, la Gambienne Fatou Bensouda, qui a instruit à charge ce dossier, présenté comme le plus important de la CPI depuis sa création, en 2002 (1). La procédure a été émaillée de plusieurs incidents et les débats ont été souvent suspendus. Le juge- président de la chambre de première instance qui mène les audiences se retranche derrière un manque de moyens, mais le mal est plus profond. M. Gbagbo est poursuivi pour avoir conçu un « plan commun » destiné à « conserver le pouvoir par tous les moyens, y compris par l’emploi de la force contre des civils », lors du conflit postélectoral de 2010-2011 qui l’a opposé à M. Alassane Dramane Ouattara, actuel président de la Côte d’Ivoire. L’accusation assure qu’il est responsable de la mort d’au moins 167 personnes lors de quatre événements : la répression d’une manifestation le 16 décembre 2010, celle d’une marche de femmes pro-Ouattara le 3 mars 2011, le bombardement d’un marché le 17 mars 2011, des violences commises le 12 avril 2011 au lendemain de l’arrestation de M. Gbagbo par les troupes de M. Ouattara, appuyées par l’armée française…
Toutefois, aucun des quelque quatre-vingts témoins de l’accusation, dont l’audition doit s’achever en ce début de mois de décembre 2017, n’a apporté d’éléments probants sur l’existence d’un « plan commun » et sur la culpabilité de l’ancien chef d’État ivoirien, 72 ans, et de son coaccusé, M. Charles Blé Goudé, 45 ans, fondateur du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep) et ancien ministre de la jeunesse. Leurs propos ont été soit confus, soit contradictoires, et de nombreux témoignages ont tourné à l’avantage des accusés. Des généraux de l’armée ivoirienne de l’époque ont notamment expliqué que la manifestation du 16 décembre 2010 n’avait en fait rien de pacifique. Selon eux, des hommes armés agissant pour le compte de M. Ouattara s’y étaient infiltrés pour attaquer les Forces de défense et de sécurité (FDS)… »
Pour la journaliste, la France joue « un rôle troublant » dans ce procès. En effet, soutient elle, « ce procès n’a pas non plus permis de faire la lumière sur les trois autres événements retenus par Mme Bensouda, comme la répression de la marche pro-Ouattara du 03 mars 2011, qui aurait fait sept morts dans la commune d’Abobo mais qu’aucune source indépendante n’a pu confirmer. Les hauts responsables de l’armée et de la police qui ont témoigné ont certifié que leurs hommes n’étaient pas en opération ce jour-là dans cette zone, alors contrôlée par des combattants pro-Ouattara. L’audition d’experts n’a pas davantage instruit le tribunal : les restes des dépouilles qu’ils ont eu à examiner se sont révélés sans lien avec les victimes présumées. L’absence de preuves apporte de l’eau au moulin de ceux qui imputent les événements du 03 mars 2011 à une manipulation des adversaires de M. Gbagbo, destinée à faire réagir la « communauté internationale ».
Or, ajoute t elle « c’est cet événement qui aurait fourni le prétexte à l’adoption, le 30 mars 2011, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la résolution 1975. Ce texte, rédigé par la France, autorisait le recours à la force pour empêcher « l’utilisation d’armes lourdes contre les populations civiles ». Interprété largement, il a servi de base à l’intervention militaire française qui chassa M. Gbagbo de la présidence. Les officiers ivoiriens entendus par les juges ont donné des détails sur le rôle trouble de l’armée française en 2011…
Pour Fanny Pigeaud, ce rôle trouble joué en Côte d’Ivoire s’étend également au delà de la crise post-électorale. Elle écrit que, les officiers des anciennes FDS « ont aussi témoigné sur des faits plus anciens, comme le mystérieux bombardement de la base militaire française de Bouaké en 2004 par deux Soukhoï de l’aviation ivoirienne. Dix personnes avaient été tuées, dont neuf soldats français. Des informations révélées par WikiLeaks et des enquêtes de presse interrogent sur la curieuse mansuétude de la France à l’égard des pilotes biélorusses responsables de cette attaque… »
Pour notre part, il convient d’ajouter que la France ne veut pas lâcher les otages ivoiriens qu’elle détient à la CPI. En effet déjà dans le mois d’octobre dernier Mediapart avait des révélations pour dénoncer les nombreux vices de procédures et le rôle joué par l’ancien Procureur l’Argentin Ocampo et Nicolas Sarkozy pour transférer Laurent Gbagbo hors procédure. Aujourd’hui c’est au tour du très lu Monde Diplomatique qui parle encore de l’échec de la CPI à prouver matériellement la culpabilité des mis en cause dans les délits pour lesquels ils sont jugés…Ce qui veut dire que tous les gouvernements de l’Union Européenne et du monde occidental plus l’ONU savent désormais que le bureau du procureur n’a pu établir la culpabilité de Laurent Gbagbo et de Blé Goude. Alors pourquoi le juge italien maintient toujours le procès ? Pourquoi la France qui, en réalité juge Gbagbo, n’abandonne pas pour lui rendre sa liberté ?
Si elle ne le fait pas c’est qu’elle sait qu’elle n’a pas de problème en gardant Laurent Gbagbo et Blé Goude à La Haye aussi longtemps qu’elle le voudra… Pour finir, et c’est mon avis c’est nous qui devons libérer Laurent Gbagbo. Ce n’est ni un article de journal encore moins la CPI. Alors changeons de méthode pour agir efficacement.