CPI: grosse erreur de casting !

Le bureau de la procureure de la CPI veut auditionner son témoin P.46 qui, contre toute attente, exige des mesures de protection maximales, c’est-à-dire qu’il veut témoigner soit à huis clos total, soit à huis clos partiel. Un calcul que Fatou Bensouda et ses substituts n’avaient pas prévu.

En effet, P.46 a, par l’entremise de son avocat, Me Lawqui, demandé à la Cour Pénale Internationale hier, 14 février 2017, de l’autoriser à témoigner à huis clos (partiel ou total) tout en gardant son anonymat. Un principe qui avait été abandonné par la Chambre de première instance, obligeant les témoins de la procureure à déposer à visage découvert.
Or, P.46 ne souhaite même pas que son identité soit révélée au grand public.

« Le conseil juridique évoquant la règle 74 pour le témoin P 0046. Le rapport fait état du risque potentiel d’auto-incrimination du témoin sur des sujets qui ont été identifiés par moi-même et en discussion avec le témoin. Et c’est sur cette base qu’il est formulé des garanties de non-incrimination en vertu de la règle 74 du règlement de procédure. Le rapport recommande à la chambre d’accorder ces garanties avant le début de son audition, conformément à la règle 74 et que ces garanties s’appliquent à la totalité des déclarations du témoin tout au long de sa comparution sans exception afin de ne pas ralentir les débats à chaque fois qu’une nouvelle question est posée.
On aimerait aussi savoir si les garanties vont être données avant qu’il ne puisse répondre. Voici les garanties demandées en vertu de la règle 74-3C1 du règlement  des procédures et des preuves  et de la règle 74-7. Je mentionne à cet effet le huis clos total ou partiel au choix de la chambre. Je comprends que cette demande ne soit pas facile à être accordée compte tenu de la publicité des débats. J’attire l’attention de la chambre sur le fait que si c’est le huis clos partiel qui est accordé, il faudra que chaque fois qu’un sujet dont la réponse permettra d’identifier le témoin, nous passions en séance de huis clos »

a indiqué Me Lawqui dans un rapport qu’il a déposé sur le bureau du procureur. P.46 soutient par ailleurs que la justice ivoirienne pourrait le mettre aux arrêts vu que sa déposition n’arrangerait pas le régime Ouattara. Les substituts du procureur voient désormais P.46 comme « un autre témoin hostile » qui, au lieu d’accabler Laurent Gbagbo et Blé Goudé, veut incriminer les nouvelles autorités ivoiriennes.

Une erreur de casting dans la sélection des témoins que Fatou Bensouda paye cash dans sa logique d’établir un « plan commun » de Laurent Gbagbo pour s’éterniser au pouvoir. C’est pour cette raison, dira Me Lawqui, que P.46 demande un témoignage à huis clos, faute de quoi, le régime Ouattara pourrait s’en prendre à lui et à sa famille. L’avocat de P.46 craint enfin que les journaux ivoiriens ne dévoilent l’identité de son client comme ce fut le cas pour la plupart des témoins qui sont passés devant la Cour.

« Je me borne ici à observer que ces marques n’apparaissent pas et qu’un lecteur non avisé pourrait faire que ces documents ne sont pas confidentiels. Le témoin m’a rapporté un événement relatif à un autre témoin qui a comparu devant cette chambre et qui a été identifié par son nom et donc selon lui, la totalité des déclarations devant la chambre aurait été publiée  dans la plupart des grands journaux ivoiriens, peu après. C’est une source d’inquiétude et c’est ce qui me fait insister sur la nécessité de prendre des mesures sérieuses pour assurer la protection de l’identité du témoin et la confidentialité  de ses déclarations antérieures au bureau du procureur, mais aussi de toutes les déclarations qu’il pourra faire  devant la chambre lors de sa comparution » écrit Me Lawqui.

Sauf cataclysme de dernière minute, c’est ce mercredi 15 février que le témoin P.46 va déposer devant la CPI. Et il revient le juge-président Cuno Tarfusser de donner droit ou non à la requête de du conseil juridique du témoin hostile à l’accusation.

Anel’G