Jésus, reviens !

Noël 2021

A ceux de mes correspondants
qui portent la soutane et,
je le sais, même s’ils ne me le disent pas,
n’aiment guère ce pape…


Noël est la grande fête de l’hypocrisie. Avec le pape François, c’est aussi devenu celle de la démagogie.

Ceux qui, parmi les orgiaques de Noël, ne font pas semblant, assument la fâcherie: chacun chez soi et les vaches seront bien gardées; ceux qui n’assument pas avalent, entre deux huîtres, deux morceaux de dinde aux marrons et deux bouchées de bûches, un grand nombre de chapeaux. Cette manducation permet que le dîner ne se transforme en guerre atomique. Sous le règne du cybermarché, la Fête de la Nativité est un lointain souvenir.

Si j’avais le talent du romancier, je ferais venir une fée dans un dîner de Noël qui, avec sa baguette magique, permettrait à chacun non pas d’être là où il se trouve, mais là où il voudrait vraiment être selon ses désirs. Ce serait probablement drôle et cinglant. La vérité est un alcool fort dont l’ivresse est une jubilation sans nom. Mais je n’ai pas le talent du romancier…  

À l’occasion de la Nativité, le pape François fait des siennes. Lui qui pose au pied d’un crucifix dont le Jésus jésuite porte le gilet de sauvetage orange des migrants (une performance esthétique de Vatican II), il vient d’inviter, au beau milieu de ses palais et de ses trésors, de ses ors et de sa pourpre, de sa magnificence et de son faste, à se faire le militant de l’islamo-gauchisme en privilégiant le migrant. Ce nouveau catéchisme souscrit au changement de peuple auquel invite le wokisme. On ne sait si François y contribue en idiot utile ou en jésuite avisé. J’ai la faiblesse de croire qu’il sait ce qu’il fait…  

Or, comme tous les politiciens, le pape François fait comme s’il n’était pas au pouvoir mais se trouvait en campagne pour être élu. Or, il est élu. Le sait-il? Faut-il le lui rappeler: il a le pouvoir!

Dès lors, selon le principe de François d’Assise sous lequel il prétend installer son pontificat, il pourrait vouloir, décider, décréter, ordonner, commander ce que, peut-être, le Povorello aurait demandé: mettre tous les presbytères, toutes les sacristies, voire une partie des églises, tous les bâtiments qui appartiennent à l’église, les évêchés, les parties communes des monastères, les milliers de mètres carrés qui appartiennent au Vatican dans les capitales du monde entier, au service de la cause. Il pourrait aussi vendre chez Sotheby’s les œuvres d’art de son musée, des chefs-d’œuvre avec lesquels il pourrait faire construire nombre d’hôtels pour les migrants. Giotto, Fra Angelico, Le Pérugin, Raphaël, Vinci, Titien, Bellini, Véronèse, Poussin, Caravage, Michel-Ange, Rodin, Van Gogh, Gauguin, Matisse, Dali, Klee, Kandinsky, Bacon, Picasso, Fontana, Léger font partie des chefs-d’œuvre du musée du Vatican: imagine-t-on ce que tout ceci, une fois vendu, permettrait comme trésorerie pour engager un vaste projet européen de constructions hospitalières?

Si Jésus revenait, pas sûr qu’il préférerait garder des peintures de Chagall dans des salles chauffées, éclairées, gardées, mises sous alarme, plutôt que de faire le bien des pauvres en les vendant tout en demandant aux autres de pratiquer une générosité qu’il ne pratiquerait pas lui-même! L’hypocrisie, la faux-culterie, le mensonge, la ruse, la feinte vaticanesques généreraient probablement chez Jésus une resucée de l’épisode des marchands du temple: avec son fouet, il chasserait du Vatican tous ces faussaires éthiques! Lire, relire et méditer l’évangile de Jean II.14-16.

Le pape François ressemble à ce philosophe germanopratin qui avoue dans la presse people qu’il se défait de l’une de ses maisons (ici à Tanger, là à Marrakech, mais aussi à Paris ou ailleurs …), parce que, malgré son jet privé, il ne peut se trouver partout à la fois: il pourrait commencer concrètement par changer le monde qu’il souhaite métissé et cosmopolite selon le principe maastrichtien en joignant son geste à sa parole! Sa générosité avec l’argent des autres gagnerait en lustre s’il commençait par montrer l’exemple. Il lui suffirait de mettre à disposition des migrants l’un des appartements qu’il n’occupe pas. Ou l’une des multiples chambres des maisons qu’il occupe.

De même avec tous ceux qui, cathos de gauche ou islamo-gauchistes, les uns pouvant même parfois être aussi les autres, ou bien encore gauche caviar de Saint-Germain-des-Prés, élites bien pensantes des médias, du cinéma, de la culture, de l’art, du théâtre, du show-biz, du journalisme, pourraient commencer par partager leurs beaux appartements dans les quartiers chics ou ouvrir les portes de leurs résidences secondaires en Corse, dans le Luberon, ou ailleurs sous le soleil provençal, sans attendre qu’un chef de l’État ne ponctionne le contribuable modeste, y compris avec les impôts indirects, pour réaliser cette fraternité généralisée et étendue au monde entier… avec l’argent d’autrui!  

On n’est pas obligés d’enseigner ce qu’on enseigne, nul n’oblige à se faire le chantre de l’ouverture des frontières, de l’accueil généralisé des migrants, en revanche, si l’on enseigne cette religion, il faut être crédible et ne pas faire le contraire de ce qu’on demande aux autres de faire.

Facile de poser sous un crucifix dont le Christ porte le gilet orange, plus difficile d’aller au-devant des migrants en leur disant: «Venez, entrez: voici les maisons que nous vous avons construites en vendant les bibelots du musée du Vatican. En mémoire de Jésus, vous êtes ici chez vous.» Pour cela, il ne faudrait pas être jésuite, il faudrait être saint François; ce qui n’est pas du premier pape venu… À défaut, lui emprunter son nom s’avère un vol et une forfaiture, un brigandage et, pour parler le langage papiste: un péché.

Bon Noël.

Michel Onfray