l’Indépendance à la sauce Ouattara
Ouattara a parlé, bien parlé, même si lors de cette soixantième Fête de l’Indépendance, il n’a jamais mentionné ladite Indépendance. Mais rassurons-nous : tout va bien, 4 millions d’Ivoiriens sont sortis de la misère, l’économie se porte bien, les dettes n’ont aucune incidence sur la bonne croissance du pays. Croissance qui place la Côte d’Ivoire parmi les leaders mondiaux. Et comme la France elle-même est passée de la 6 eme place à la dixième en un an, on imagine que la CIV s’est glissée dans le peloton de tête, faisant reculer la France de 4 places!
Oh qu’il était convainquant le bonhomme! Son texte était optimiste, son visage l’était moins…mais il ne quittait pas l’écran de vue, ou plutôt l’appareil qui déroulait son texte, afin de mieux coller à lui et ne pas être tenté de dire vrai, c’est à dire avouer combien le pays est dans une impasse…
« Les récents événements tragiques, avec le décès du Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly, laisse un vide au niveau de l’équipe que j’avais mise en place pour poursuivre et consolider le programme de développement économique et social ». Ainsi, du haut de ses deux yeux qui ne regardent pas forcément dans la même direction, il n’a pu apercevoir aucun homme, aucune femme digne d’être adoubés, depuis le décès de son fidèle second Amadou Gbon Coulibaly. Ni dans son parti, ni dans ceux des autres partis affiliés RHDP, ou ce qui en reste.
Curieuse République où un Président se comporte sans complexe comme un Dictateur, préférant trouver lui-même une solution qui n’a pas besoin de sortir des urnes; il prend son peuple pour un troupeau d’enfants ou d’handicapés qu’il faut protéger, tant ils sont incapables de discerner par eux-même le bien du mal…
« Face à ce cas de force majeure et par devoir citoyen, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens me demandant d’être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ». Cas de force majeure ! Ouattara ayant fait appel à la jeunesse en la personne de son fidèle Gbon, la jeunesse commence donc après 60 ans… mais avec son nouveau mandat, elle se poursuit jusque dans le gâtisme. Et s’il avait voulu honorer son ami, pourquoi ne pas chercher dans le vivrier du PDCI, puisque son cher ami en sortait avant de tourner casaque ?
Comment ne pas voir dans ce rétropédalage, un personnage qui n’assure en rien. Il a commencé son « règne » en envoyant sa « prestation de serment » manuscrite au Président Yao N’dré, pendant que le président Gbagbo était investit. Finalement il prêtait serment le 6 mai 2011, débarrassé de son prédécesseur grâce à « l’ingérence humanitaire » de l’ambassadeur de France Jean-Marc Simon et de la force Licorne.
Et pourtant, l’article 68 de la Constitution de Côte d’Ivoire du 8 novembre 2016 stipule précisément les termes de la prestation de serment du Président :« Devant le peuple souverain de Côte d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, d’incarner l’unité nationale, d’assurer la continuité de l’Etat et de défendre son intégrité territoriale, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l’intérêt supérieur de la Nation. Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment ».
Avec son discours du 7 août, le Président prend des risques, car justement, il n’est pas en train de défendre la Constitution, il est bien loin d’incarner l’unité nationale en refusant cette année encore de libérer tous les prisonniers politiques et militaires, il est bien loin d’assurer la continuité de l’Etat, puisque ces élections seront une farce, avec déjà des milliers de faux Ivoiriens recensés et des Ivoiriens au Pays et en Diaspora, rayés des listes électorales. Quant aux Droits et Libertés, voilà belle lurette qu’ils sont violés par une junte militaire au service d’une caste de politiciens sans foi ni loi. Quant à l’intérêt supérieur de la nation, ce qu’il en pense, nous l’avons bien compris quand il y a eu l’embargo sur les médicaments. La nation devra se contenter des miettes tombées de la table après le grand festin des invités au banquet du RDR…
En ce 7 août, le président Ouattara montre sa vraie nature. Son abnégation rappelle certaines heures sombres de la récente histoire de France lorsque le maréchal Pétain affirmait faire don de sa personne pour mieux faire le lit de l’occupation nazie. Ouattara ne se sacrifie pas car il ne sait pas ce que ce concept désigne. Le sacrifice, c’est toujours celui des autres. A commencer par la jeunesse, l’avenir et la relève de la Côte d’Ivoire. Et cette jeunesse-là a été égorgée, immolée sur l’autel des anciens qui ont tous bénéficié de bourses d’études à l’étranger, et pour qui la gestion de l’immédiat se suffit à elle-même. Pas besoin de former les cadres de demain. La pluie de milliards annoncée fait place à une immense averse de dettes laissée à ceux qui s’ils avaient pu aller à l’école et étudier auraient enrichi leur pays, et maintenant végètent, sans avenir.
« Jamais deux sans trois », l’adage est français. Mais encore faut-il qu’il sonne juste. Et si dame Bensouda, procureure de la CPI a bâti tout son raisonnement pour inculper le Président Gbagbo et Charles Blé Goudé sur « la base d’un plan commun de Laurent Gbagbo, destiné à se maintenir au pouvoir « par tous les moyens » », voici que ce discours de Ouattara à la Nation lui permettrait immédiatement, et à titre préventif d’affréter un avion pour cueillir Ouattara avant que celui-ci ne déclenche un massacre en Côte d’Ivoire. « Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment » a promis Ouattara, se mettant ainsi à la disposition de la Cour Pénale Internationale.
La Procureure pourrait terminer son mandat en beauté en accueillant ce chef d’état à la prison de Scheveningen et en lui appliquant justement toute sa théorie du plan commun, à lui, son épouse, son ex dauphin Soro Guillaume, pour respecter la symétrie, et à tous les pensionnaires du Golf Hôtel qui ont émigré au mess des officiers et petites mains du RDR.
Cette fois-ci elle aurait plus de chance, davantage d’arguments et de preuves pour condamner rapidement son client. Alors qu’à Nuremberg le procès de 20 dignitaires nazis n’avait duré que quelques mois, -du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946-, il reste à Fatou Bensouda juste le temps de boucler le dossier de la Côte d’Ivoire et de quitter honorablement son poste fin juin 2021 avec enfin une fin de procès en apothéose et qui redorerait le blason de la CPI.
Shlomit Abel, 9 août 2020