La France presque déconfinée
Édouard Philippe a annoncé jeudi la levée de la majorité des restrictions.
«La liberté redevient la règle et l’interdiction constitue l’exception». C’est avec ces mots que le premier ministre Edouard Philippe a présenté jeudi la deuxième étape du déconfinement, en se félicitant que les résultats sanitaires soient «bons». L’étau se desserre nettement pour cette phase 2, qui débute officiellement mardi 2 juin, et même avant pour certaines mesures. La première d’entre elles, l’une des plus attendues par ce beau temps, concerne la réouverture des parcs et jardins. Dans la capitale, la fermeture des espaces verts avait fait l’objet d’un bras de fer entre Anne Hidalgo et le gouvernement. «Ils seront désormais accessibles dès ce week-end partout en France», a assuré le premier ministre. Par ailleurs sur l’ensemble du territoire, les plages, lacs et musées seront à nouveau ouverts. Les enfants pourront même partir en colonie de vacances dès le 22 juin. Toutes les restrictions qui demeurent doivent être réévaluées à cette même date.
● Le port du masque recommandé
Le port du masque est recommandé dans les espaces publics par le gouvernement. Il pourra aussi être imposé dans les espaces publics, localement, à la demande du maire. Par ailleurs, dans les transports publics franciliens, l’attestation de l’employeur pour se rendre à son travail aux heures de pointe le matin et le soir «reste en vigueur», réaffirme le premier ministre. «Nous allons voir avec les autorités gestionnaires des transports publics s’il faut la maintenir. Un contact a été pris avec la présidente de l’Île-de-France, Valérie Pécresse, pour voir si on pouvait la lever progressivement».
● La règle des 100 kilomètres supprimée dès mardi
La voie est enfin dégagée. Après des semaines d’attente et d’âpres négociations au sein même du gouvernement, Edouard Philippe a fait sauter le verrou des 100 kilomètres au-delà desquels il était interdit, hors dérogation, de se déplacer depuis son lieu de résidence. «Cette mesure a été bien respectée mais elle n’a plus de justification», précise ce jeudi le premier ministre, qui décadenasse donc les déplacements en France à partir de mardi prochain. «La suppression de cette règle ne doit pas justifier un relâchement de l’attention», avertit le chef du gouvernement qui ajoute: «Si l’on peut différer un déplacement lointain, c’est raisonnable». Cet appel à la prudence sonne comme un gage donné à ceux qui auraient tenté jusqu’à la dernière minute d’imposer un rayon de 300 kilomètres. L’infléchissement de la circulation du virus a eu raison des craintes de la communauté scientifique. Le secrétaire d’État au Tourisme, aiguillonné par tout une filière au bord de l’asphyxie, avait vendu lundi la mèche en affirmant que le gouvernement travaillait à «un élargissement significatif» de la limitation des déplacements. La décision de Matignon a été actée dès mercredi soir, au moment de verrouiller les arbitrages. Le conseil de défense, tenu jeudi matin sous l’autorité du président de la République, l’a entériné. Pour les forces de l’ordre, c’est le soulagement. Policiers et gendarmes n’ont jamais eu les outils numériques, ni de consignes précises pour faire respecter cette mesure transitoire. «C’est la fin d’un casse-tête», souffle, soulagé, un officier de terrain. Accaparés par la reprise des vols, des cambriolages et des agressions, les effectifs vont pouvoir se reconcentrer sur leur cœur de métier: la traque de la délinquance.
● Restaurants et bars rouvrent sous condition
À partir du 2 juin, les cafés, bars et restaurants pourront rouvrir dans les départements verts. Dans les zones orange (l’Île-de-France, la Guyane et Mayotte) et au moins pour les trois prochaines semaines, le gouvernement continue d’imposer la fermeture des établissements, à l’exception des terrasses. Avec l’autorisation des maires, certains se préparent déjà à sortir davantage de tables que d’habitude, afin de compenser en partie l’interdiction d’ouvrir leurs salles. Comme convenu avec les professionnels, l’espace minimum sera d’au moins un mètre entre chaque groupe de clients, qui sera limité à dix personnes maximum. Edouard Philippe a également précisé que le port du masque serait obligatoire pour le personnel, en salle et en cuisine. Les clients devront également en porter un, dès qu’ils se déplaceront. «La consommation debout ne sera pas autorisée à l’intérieur», prévient le ministre. La fin du café au comptoir? Les boîtes de nuit et les salles de jeux, elles, restent fermées.
● Le télétravail toujours privilégié
L’économie est certainement le grand sujet d’inquiétude du gouvernement. Si «le télétravail doit toujours être privilégié», a insisté le premier ministre pendant sa conférence de presse, il a surtout appelé à «une reprise vigoureuse» de l’activité. De fait, elle seule peut parer à l’«urgence économique et sociale qui est déjà là», a martelé Edouard Philippe. Le plan de confinement ayant obligé l’exécutif à mettre l’économie à l’arrêt va en effet – en dépit des mesures inédites de soutien mises en œuvre par l’État se traduire maintenant par des faillites d’entreprises et des destructions d’emplois. Les chiffres publiés ce jeudi par Pôle emploi n’en sont qu’une première illustration: près de 850 000 nouveaux inscrits en catégorie A ont été recensés par l’agence en avril (voir aussi page 20). «C’est historique», a relevé le premier ministre, estimant que «s’ouvre aujourd’hui un nouveau front et que le pays va devoir se battre contre une récession inédite». L’Institut national de la statistique publique a annoncé en début de semaine que le produit intérieur brut (PIB) risquait fort de plonger de 20 % au deuxième trimestre. Par ailleurs, le premier ministre a confirmé qu’afin d’éviter les abus, il y aurait «des contrôles accrus» des entreprises qui continuent à faire appel au chômage partiel – dispositif qui va d’ailleurs commencer à devenir moins généreux à partir du mois de juin.
● Écoles, collèges et lycées rouvrent progressivement
Les établissements scolaires vont poursuivre très prudemment leur réouverture qui avait débuté le 11 mai. «Alors qu’aujourd’hui, seules 82,5% des écoles sont ouvertes, elles seront 100 % le 2 juin», assure Jean-Michel Blanquer. Pour le moment, seuls 14 % des écoliers ont pu être accueillis en zone rouge et 22 % en zone verte. «Le protocole sanitaire scolaire, très strict, reste inchangé», poursuit-il. Le nombre d’élèves accueillis et leurs jours de classe devrait rester limité. Seuls quinze élèves par classe, dans le meilleur des cas, peuvent revenir à l’école en même temps.
Aujourd’hui ouverts en zone verte pour les classes de sixième et de cinquième, les collèges vont également ouvrir leurs portes aux classes de quatrième et de troisième, toujours en zone verte. Une partie des jeunes collégiens franciliens de zone orange inscrits en sixième et cinquième, et jusque-là confinés chez eux, pourront enfin reprendre, toujours dans le respect du protocole, le chemin des salles de classe. Les lycées vont ouvrir également mais de façon très partielle, en zone verte, puisque les chefs d’établissements ne sont tenus d’ouvrir qu’un seul niveau. En zone orange, seuls les lycées professionnels vont accueillir des élèves mais avec des effectifs limités aux CAP et aux terminales. Les lycéens généraux et technologiques ne remettront les pieds dans leur établissement que pour «un entretien pédagogique». «On sera bien plus dans le symbole que dans l’effectif», note Philippe Vincent, responsable du Snpden-Unsa, principal syndicat de chefs d’établissements du secondaire.
● L’oral du bac de français annulé
Jean-Michel Blanquer a longtemps fait croire aux 525.000 lycéens de première qu’ils passeraient leur oral du bac de français alors que toutes les autres épreuves avaient été annulées et seront évaluées à l’aune du contrôle continu. «Ils me remercieront d’avoir étudié Phèdre pendant le confinement», disait-il. Après d’ultimes consultations avec les syndicats d’enseignants et des représentants lycéens, farouchement opposés à la tenue de cette épreuve, il a décidé de l’annuler. «Après des semaines d’attente insupportables, c’est le soulagement pour les élèves et leurs professeurs», a triomphé le Snes-Fsu, premier syndicat d’enseignants. Le ministre a justifié sa décision par «l’inégale préparation des lycéens». Mercredi soir encore, il plaidait pourtant encore pour un maintien, observant qu’une «majorité silencieuse» de lycéens n’était pas forcément opposée à la tenue de cette épreuve. Ceux qui pouvaient espérer, comme souvent, avoir de meilleures notes à l’oral qu’à l’écrit de français…
● Les sports collectifs et de contact toujours interdits
La reprise de la pratique sportive va donc pouvoir s’accélérer lors de l’acte 2 du déconfinement. La réouverture des parcs et jardins, notamment dans les grandes villes, était très attendue par les passionnés de course à pied qui peuvent désormais s’en donner à cœur joie sans aucune restriction.
Après avoir autorisé la pratique individuelle en extérieur le 11 mai dernier, les autorités ont maintenu ce jeudi l’interdiction des sports collectifs et de contacts (boxe, judo…) et confirmé la fermeture des stades (et des hippodromes) au moins jusqu’au 21 juin, quelle que soit leur localisation. Elles ont en revanche autorisé la réouverture des piscines, des gymnases et des salles de sport dans les départements «verts», des règles strictes devant être mises en place pour limiter le nombre de nageurs, athlètes… «C’était une décision très attendue», a reconnu Edouard Philippe, indiquant que ces mêmes équipements resteraient fermés au moins jusqu’au 21 juin dans les départements «orange», comme l’Ile-de-France.
Concernant les sportifs de haut niveau et les professionnels, ils pourront reprendre l’entraînement dans un cadre contrôlé. Ce qui va renforcer Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, dans sa volonté de relancer le championnat de France de football. La Premier League anglaise vient ainsi d’annoncer sa reprise le 17 juin, après la Bundesliga allemande et la Liga espagnole.