LREM, le coronavirus et la tentation de l’amnistie
Par une manœuvre juridique partisane, LREM entend procéder à l’auto-amnistie non seulement des ministres mais aussi des hauts fonctionnaires visés par les multiples plaintes déposées à leur encontre, en pleine crise sanitaire, dénonce Me Philippe Fontana, avocat au barreau de Paris.
Le caractère exceptionnel de cette période de confinement oblige le gouvernement à proroger l’état d’urgence sanitaire, dont le terme arrive le 23 mai prochain. Son projet de loi a été adopté en conseil des ministres ce samedi. Il sera d’abord discuté au Sénat : passage devant la commission des lois aujourd’hui lundi 4 mai et examen en séance publique. (ndlr : Par 89 voix contre, 174 abstentions et 81 voix pour, le Sénat n’a PAS adopté le plan de Déconfinement de la Macronie. Par contre, on peut s’étonner du nombre élevé d’abstentionnistes à droite, gens immatures qui n’osent ni assumer les directives suicidaires du gouvernement, ni se rendre solidaires d’une opposition qui pourrait être un véritable contrepoids face au cynisme politique actuel !)
Seule son adoption par le Parlement pourra permettre au gouvernement de restreindre à nouveau les libertés publiques : celles d’aller et venir, de se rassembler et, nouveauté dans le texte gouvernemental, placer en quarantaine, tout en les fichant, les personnes infectées.
Chacun sait aujourd’hui que l’obligation de confiner résulte d’une politique déficiente en matière de santé publique : bureaucratisation de l’hôpital et exclusion du secteur privé de santé, égalitarisme du traitement des départements pourtant frappés différemment par le virus ; incapacité de fournir à la population masques et tests dans des délais rapides.
Cette critique est factuelle, surtout lorsque la gestion de la crise sanitaire est comparée à celle d’Etats démocratiques comme la Corée du Sud, l’Autriche ou la Pologne.
Les volte-face de certains ministres, notamment sur l’utilité des masques, ont ajouté un côté bouffon, contrastant avec cette tragédie.
Il reviendra à nos concitoyens d’en tirer les leçons en reconduisant ou pas Emmanuel Macron et sa majorité.
Pourtant, une menace plus grave pèse sur l’exécutif. Nombre de familles de victimes du virus, de collectifs de soignants ont déposé plainte sur le fondement d’infractions telles que la mise en danger d’autrui, les blessures involontaires ou encore l’homicide involontaire.
C’est dans ce contexte que les futurs textes législatifs et réglementaires vont être adoptés. Or, certaines mesures décidées par le gouvernement, dont l’ouverture des écoles, vont être mises en œuvre par les maires, qui pourraient donc engager leur responsabilité, y compris pénale, en cas de défaillances.
La majorité sénatoriale, essentiellement composée du groupe Les Républicains, a donc prévu, devant le silence du texte sur ce sujet, soit de l’amender soit de le soumettre au Conseil constitutionnel, afin de renforcer juridiquement la protection des élus locaux. Cet apport parlementaire est juridiquement et politiquement bien fondé.
En l’état actuel du droit, l’engagement de la responsabilité pénale de l’élu suppose le constat soit d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, soit d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité ne pouvant être ignoré. La faute caractérisée repose, selon la Cour de cassation, sur le degré de connaissance du risque par l’élu. Or, celui-ci est aléatoire concernant le Covid-19.
Par ailleurs, afin d’apprécier la gravité de la faute, le juge pénal examine si l’élu a accompli « les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie », selon les dispositions combinées des articles L 2133-34 du code général des collectivités territoriales et 121-3 du code pénal.
Là encore, en matière de lutte contre le Covid-19, l’appréciation des diligences normales risquerait d’être difficile, suscitant un risque juridique pour les maires. La question des moyens mentionnée par ce texte pourrait aussi être soumise à interprétation, surtout si le maire en manquait.
Enfin, par son ordonnance Commune de Sceaux du 17 avril 2020, le Conseil d’Etat a interdit aux maires d’adopter toute mesure dérogeant au cadre national, y compris une mesure aussi évidente que l’obligation du port du masque, ce qui accroît encore ce risque pénal évoqué.
Afin de procéder, par une subtile manœuvre juridique, à l’auto-amnistie non seulement des ministres mais aussi des hauts fonctionnaires visés par les multiples plaintes déposées à leur encontre, LREM s’est saisie de cette tentative de clarification des Républicains au Sénat.
C’est tout le sens de la tribune parue dans le JDD du 3 mai dernier et signée de 157 parlementaires LREM, dont son délégué général, évidemment en accord avec l’exécutif. Le titre de cette tribune est particulièrement lénifiant : « La reprise de l’école est notre exigence, la protection juridique des maires également. »
Or, le passage suivant mérite une particulière attention pour comprendre la manœuvre : « Nous proposerons une adaptation de la législation pour effectivement protéger les maires pénalement mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de confinement. »
Cette tribune a été relayée par un tweet d’Aurore Bergé, ballon d’essai, puisque reprenant uniquement les termes précités.
Si le projet des sénateurs LR visait uniquement à réaffirmer le droit en vigueur et protéger les élus locaux qui vont être en première ligne dans la lutte contre le virus, celui des parlementaires LREM aurait un immense effet juridique partisan.
Le raisonnement de LREM n’est pas innocent ; en accolant le terme de « dépositaire de service public » à celui de maire, il n’a pas seulement pour but la protection des élus locaux, mais d’abord celle d’un collaborateur direct ou indirect de l’exécutif, définition juridique de la « personne dépositaire d’une mission de service public ».
Le but de LREM : accorder une future forme d’irresponsabilité pénale, aux contours encore flous, à ces personnes dépositaires de l’autorité publique et non pas seulement aux élus locaux.
Il comporte aussi un volet caché : celui de son application rétroactive, amnistie déguisée des éventuels délits commis dans la gestion de la pandémie.
En effet, il résulte de l’application des dispositions du code pénal, notamment du troisième alinéa de son article 112-1, que l’application plus douce de la loi pénale profite aux auteurs des délits commis antérieurement.
Ainsi, en protégeant demain les personnes dépositaires d’une mission de service public, les irresponsables de demain pourraient se confondre avec les amnistiés d’hier, dans une impunité pénale totale.
Seuls la majorité socialiste et le président Mitterrand, cernés par les juges pour les multiples délits de corruption qui leur étaient imputés, avaient osé procéder à une auto-amnistie en 1990. Décidément, l’ancien monde n’a pas disparu !
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À l’issue de la déclaration d’Édouard Philippe suivie d’un débat, les sénateurs ont rejeté le plan de déconfinement du gouvernement
Par 89 voix contre, 174 abstentions et 81 voix pour, le Sénat n’a pas adopté le plan de déconfinement du gouvernement. Le vote a eu lieu en scrutin public.
Lors de sa déclaration, le Premier ministre a notamment mis en avant une aide de 200 euros pour les jeunes précaires. Il a également annoncé une évaluation au mois de juin sur la tenue du 2e tour des élections municipales. Édouard Philippe a ouvert la porte à une reprise des offices religieux le 29 mai.
Son discours a été suivi d’un débat au cours duquel les inquiétudes autour de la responsabilité pénale des élus locaux ont largement été évoquées, alors que de nombreux maires redoutent l’échéance du 11 mai.
Si la gauche a rejeté le texte, le groupe LR, majoritaire, a choisi l’abstention.
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