De la guerre en Syrie
De la guerre en Syrie
« La force de caractère nous amène à parler d’une variété de celle-ci, l’obstination.
Il est souvent très difficile de dire dans les cas concrets où commence l’une et où finit l’autre ; par contre, la différence abstraite entre les deux ne paraît pas difficile à établir, (…)
L’obstination est un défaut du tempérament. Cette inflexibilité de la volonté, cette intolérance envers toute contradiction, ne relèvent que d’un égoïsme particulier qui tient avant tout à obéir et à faire obéir les autres aux seules injonctions de sa propre activité spirituelle. »
De la guerre, Carl von Clausewitz
Il va sans dire que ces deux traits du tempérament humais peuvent aisément, dans le cas de la guerre en Syrie, s’identifier dans les deux camps qui aujourd’hui s’affrontent pour la grande bataille d’Idlib dans le Nord-Ouest syrien. La force de caractère est ce qui a depuis quelques années déjà caractérisé l’Armée Arabe Syrienne (AAS). Un sens prononcé du devoir a été, et est toujours d’autant plus dans cette grande bataille, ce qui a motivé les soldats de cette armée, ainsi que de tous ceux parmi ses alliés qui l’ont épaulée dans son âpre lutte contre le terrorisme. Avec leurs dirigeants, avec leur Président Bachar al Assad, ils se sont engagés volontairement et avec une force certaine dans un combat tout d’abord politique. Politique parce qu’il s’agissait avant toute autre chose pour le peuple syrien de reconquérir sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Et la souveraineté, c’est la condition nécessaire et primordiale pour qu’un peuple puisse asseoir ses justes délibérations sur la pleine maîtrise de son espace.
« La guerre est une poursuite de l’activité politique par d’autres moyens. »
De la guerre, Carl von Clausewitz
C’est en ce sens que l’on peut parler de guerre juste, et non d’après un humanitarisme qui peine à cacher aux yeux de tous, y compris en Occident, son envie d’hégémonie et d’arasement des frontières et de la diversité des peuples. Le chaos en Syrie est quelque chose qui intéressait l’oligarchie globaliste puisqu’ils ont toujours l’ambition de redessiner les contours du Moyen Orient en fonction de leurs seuls intérêts, c’est-à-dire aussi de celui d’un capitalisme hyper-financiarisé. Il ne restait plus alors qu’à embarquer dans cette galère de la mise à sac de tout un pays et d’un peuple multi-ethnique et multi-confessionnel (une civilisation à lui seul) des hordes de fanatiques bien financées et bien armées par les officines occidentales et leurs supplétifs locaux ; supplétifs, tels l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Israël ou la Turquie auprès de qui il avait aussi fallu, bien sûr, faire miroiter de très juteux profits ou offrir la possibilité que de grands projets mythiques et mégalomanes puissent enfin voir le jour (tels que le Grand Israël ou la résurgence d’un pseudo-empire Ottoman). Le politique est ce au travers quoi un peuple expérimente et ose s’aventurer sur le terrain de la création. Il est aussi ce par quoi ce même peuple bâtit de façon collective un Bien commun et un avenir authentiques. Cette triste épreuve qui s’éternise depuis 2011, ces combats parsemés de sang et de douleurs, d’espérances bien sûr, mais surtout de courage, de détermination, de foi et de résolutions à tenter les expériences nécessaires à reconquérir la liberté, sont comme autant de savoirs que le peuple syrien a été contraint d’accumuler par la « force des choses », mais qui aujourd’hui commencent à peine à se transmuter en une nouvelle vision du pouvoir. La conscience de ce peuple pour sa réelle force, parce qu’il a su rester uni et guidé par son patriotisme, lui fera également prendre conscience de la nécessité de son pouvoir qu’il aura à partager avec ses propres dirigeants qu’il saura choisir selon son gré et la manière qui lui siéra, et non la volonté de ceux qui, honteusement, ont cru pouvoir lui ôter ce droit, ou que dis-je : ce devoir national !
« La théorie doit être une observation, non une doctrine.
C’est une investigation analytique de l’objet qui aboutit à sa connaissance et, appliquée à l’expérience, en l’occurrence l’histoire, entraîne la familiarité avec cet objet. Plus elle atteint ce but, plus elle passe de la forme objective d’un savoir à la forme subjective d’un pouvoir.
De la guerre, Carl von Clausewitz
Aujourd’hui, ce pouvoir transfiguré se trouve face à ce qui reste de l’autre camp, les obstinés. L’obstination de détruire, de dépecer, de semer le chaos où régnait un ordre et une certaine harmonie, millénaire, entre des communautés de langues, de religions et de cultures différentes, et ce sans vouloir camoufler les difficultés qui pourtant existaient avant cette guerre, notamment vis-à-vis du peuple kurde, par rapport auquel ont su manœuvrer les américains. Cette obstination se rencontre encore dans le gouvernorat d’Idlib chez les arrivistes d’Al-Quaïda et consorts, mais aussi en Turquie où Erdogan n’arrive pas à accepter que son rêve fou de réintégrer la Syrie à son « empire néo-Ottoman » via les Frères musulmans dont il est membre acharné, lui échappe malgré sa présence militaire illégale en Syrie. Mais elle existe aussi chez les américains qui se cramponnent coûte que coûte à quelques territoires syriens (Nord-Est de l’Euphrate et Al-Tanf) afin de tenter, sinon d’empêcher, du moins de freiner la construction inévitable des voies de communications Iran-Syrie via l’Irak qui seront destinées à se raccorder aux projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie (BRI). Et face à l’obstination, n’est-il pas légitime de faire preuve de force de caractère ? Ces deux-ci sont donc, parce qu’elles sont de « différence abstraite », appelées à s’affronter un jour, C’est ce qui se passe aujourd’hui en Syrie. Après la défense, vient la guerre, parce qu’il s’agit d’un combat contre une part irrationnelle de la force de caractère. Et cette guerre-là en devient d’autant plus légitime que la vie est un combat contre ceux qui portent en eux cette obstination, cet aveuglement qui leur fait nier la réalité.
« Le concept de guerre n’apparaît pas proprement avec l’attaque, car celle-ci n’a pas tant pour objectif absolu le combat que la prise de possession de quelque chose. Ce concept apparaît d’abord avec la défense, car celle-ci a pour objectif direct le combat, parer et combattre n’étant évidemment qu’une seule et même chose. »
De la guerre, Carl von Clausewitz
Vivre par la réalité, c’est se permettre de percevoir une situation dans toute sa complexité et ses opportunités, et d’en faire un point d’appui, une cause à défendre. Dans la difficulté, se relèvent les hommes de devoir, ceux pour qui le mot sacrifice a encore un sens sacré, non lié à une sorte de mythologie dévoyée de ceux pour lesquels leur dieu est tout aussi obstiné et haineux qu’eux. Héraclite disait : « Ceux qui meurent au combat, les dieux les honorent, les hommes aussi ». Et il parlait ainsi de ceux qui meurent en tout honneur à la guerre, et non de ceux qui font de même durant des attaques, peut-on dire des rapines, par lesquelles ils ne recherchent que des choses extérieures à eux-mêmes, un pouvoir extorqué, qui les rend toujours plus fous et irrationnels. Et le devoir transparaît d’autant plus lorsqu’il ne reste rien d’autre à faire pour les hommes d’honneur.
« Naturellement, à la guerre, on cherche toujours à mettre de son côté les chances de succès en misant sur certains avantages physiques ou moraux. Mais ce n’est pas toujours possible et on doit souvent entreprendre quelque chose contre la probabilité, et c’est à vrai dire le cas lorsqu’on ne peut rien faire de mieux. Céder ici au désespoir serait nous priver de notre réflexion rationnelle, au moment précis où elle nous est le plus nécessaire, alors que tout semble s’être ligué contre nous. Par conséquent, même si la probabilité de succès nous est défavorable, il ne faut pour autant regarder l’entreprise comme impossible ou déraisonnable ; elle sera toujours raisonnable à partir du moment où nous ne pouvons rien faire de mieux et où nous faisons du mieux que nous pouvons avec les moyens limités qui sont les nôtres. La difficulté en pareil cas est de ne pas perdre son calme et sa fermeté, deux qualités que la guerre met toujours à l’épreuve en premier en de telles circonstances et sans lesquelles les plus brillantes qualités de l’esprit ne servent à rien. »
De la guerre, Carl von Clausewitz
Courage et longue vie au peuple syrien !