Mon présent texte se veut une réponse au texte de M. Tiémoko Antoine Assalé intitulé « La Tactique du crabe » tel que publié le 25 Octobre 2017.[i]

Dans son texte, il fait état de ce que :

« Les décisions rendues s’appuient sur des principes de légalité (sans texte, pas de décision, hein, Yao N’Dré…), tout le reste n’est que commentaire, selon nos ressentiments. »
« Les juges de la CPI, c’est pas Paul Yao N’Dré qui dit une chose et, le lendemain, dit son contraire. »

Pour ne pas que cet étalage d’inculture ne devienne la référence, ces affirmations nécessitent une réponse qui se veut concise.

« Les décisions rendues s’appuient sur des principes de légalité
(sans texte, pas de décision, hein, Yao N’Dré…), »

« Les décisions rendues s’appuient sur des principes de légalité (sans texte, pas de décision…)
Disons-le tout net, c’est exposer son ignorance que d’écrire que Paul Yao N’Dré a rendue, en l’espèce, une décision sans texte.
Lorsque vous vous référez au derniers « considérant que » et à « l’article 1 » de la décision rendue par le conseil constitutionnel[ii], il est dit ceci :

« Considérant que le Conseil de Paix et de Sécurité, en sa 270ème réunion tenue le 5 avril 2011, a reconduit ses précédentes décisions sur la Côte d’Ivoire, à savoir celles issues de ses 259ème et 265ème réunions tenues respectivement les 28 janvier et 10 mars 2011, et reconnu Monsieur Alassane OUATTARA comme le Président de la République de Côte d’Ivoire ;

DECIDE :

Article 1 : Le Conseil constitutionnel fait siennes les décisions du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, sur le règlement de la crise en Côte d’Ivoire ;

Article 2 : Proclame Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire ; »

C’est donc sur la base des décisions du Conseil de Paix et de Sécurité sur le règlement de la crise en Côte d’Ivoire qui ont reconnu Monsieur Alassane OUATTARA comme le Président de la République de Côte d’Ivoire que le conseil Constitutionnel a rendu son arrêt.

L’on pourrait demander, est ce que les décisions du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine sont des règles de droit ?

Pour répondre à cette question, il faut se demander qu’est-ce que la règle de droit ou plus exactement qu’est ce qui fait qu’on dit d’une règle qu’elle est juridique, qu’elle est une règle de droit ? C’est la sanction par la force publique qui lui est attachée qui confère le caractère juridique à une règle.

En l’espèce, le Conseil de Sécurité et de Paix de l’Union Africaine dont la Côte d’Ivoire est membre fondateur, à l’issue de différentes réunions, a pris des décisions. Et selon les termes de ces décisions, celles-ci sont contraignantes pour toutes les parties ivoiriennes avec lesquelles elles auront été négociées.[iii] Cela va s’en dire qu’elles peuvent être sanctionnées au cas où elles ne s’y conforment pas.

Suite à ces décisions, il a été demandé aux forces de l’ECOMOG de venir et de faire la guerre pour évincer le Président du pouvoir et, eux en figurine, la force Licorne et les forces onusiennes ont fait le boulot. Ainsi, suite à la mise en œuvre de ces sanctions le président a été évincé du pouvoir établissant ainsi l’effectivité des sanctions.

Par conséquence, ces décisions du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, au lieu d’être de simples avis ou recommandations, ont acquises la qualité de règles juridiques. C’est comme ça que les choses procèdent.

De plus, injustement certainement, le président Gbagbo est évincé du pouvoir, mais les forces d’invasion étrangères continuent les massacres, les tueries et un désordre total s’est installé. Le but du droit étant moins d’instaurer la justice mais plutôt d’éviter le désordre, le Conseil Constitutionnel a utilement, sur la base de ces décisions susvisées, déclaré Alassane Ouattara vainqueur des élections. Le faisant, Paul Yao N’DRE n’a nullement enfreint au principe de la légalité, cette légalité que l’on pourrait l’appeler la légalité de crise.

« …hein, Yao N’Dré…, »

« … hein, Yao N’Dré… ». Il se permet de parler en langage très familier à M. Paul Yao N’Dré comme si avec lui, il a joué aux billes ou à cache-cache. Ce qu’il oublie est que Paul Yao N’Dré, Professeur de Droit à l’Université, est le maître de ses maîtres. D’ailleurs, si ce sont eux qui lui ont appris ce dont il a fait étalage dans son texte, ils sont très loin d’avoir compris comment procède le Droit.

« Les juges de la CPI, c’est pas Paul Yao N’Dré qui dit une chose,
et le lendemain, dit son contraire »

« …qui (Paul Yao N’DRE) dit une chose et, le lendemain, dit son contraire »

Paul Yao N’Dré Professeur agrégé de Droit Public, au moment où il rendait ces décisions, était Président du Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel, la haute juridiction qui connait du contentieux électoral.[iv]

Pour ceux qui ont une connaissance élémentaire du la pratique juridictionnelle, il est de coutume qu’une juridiction rende une décision et qu’une autre la confirme ou l’infirme. C’est ce qu’il a cours devant les juridictions de fonds. Le Tribunal peut rendre une décision et la partie qui n’est pas satisfaite de la décision du tribunal peut interjeter appel. La Cour d’Appel statuant à nouveau sur l’affaire peut confirmer ou infirmer la décision du tribunal. Ce sont les même juges, ils ont tous étudié le droit et fait l’école de magistrature. Mais pourquoi le juge de la Cour d’Appel peut-il infirmer la décidons du tribunal ? La raison est que le tribunal ait soit fait une mauvaise appréciation des faits, soit fait une interprétation erronée des textes.

Mieux, si l’une des parties n’est pas satisfaite par l’Arrêt de la Cour d’Apelle, elle peut se pourvoir en Cassation. La Cour de Cassation statuant alors uniquement sur le droit peut confirmer l’arrêt de la Cour d’Appel ou même casser ledit arrêt et rendre une nouvelle décision. Le juge de la Cours d’Appel et celui de la Cours de Cassation n’ont-ils pas étudié les mêmes matières à la faculté de droit ? Si. Mais pourquoi rendre une décision différente ? Tout dépend de l’appréciation des éléments en possession du juge et l’interprétation qu’il fait des textes, disons des normes.

Mais encore mieux, et c’est ce qui est au plus près de notre sujet, la Cour de Cassation qui est la haute juridiction peut rendre une décision. Mais suite à un recours en rétractation, la même Cour de Cassation peut se rétracter et rendre une décision contraire, à certains égards, à la première.

En l’occurrence, le conseil constitutionnel, en son audience du 03 Décembre 2010, avec les éléments (procès-verbaux des bureaux de vote, irrégularités constatées dans plusieurs bureaux de vote) en sa possession a rendu une décision reconnaissant Koudou Laurent Gbagbo président de la république.[v] Les adversaires se sont inscrits dans une position de défiance de la décision de cette haute juridiction et ont préféré, au lieu de recompter les voix, engager une guerre. Le président Laurent Gbagbo n’a pas su donner la force nécessaire à la loi et la loi de la force s’est imposé et a triomphé.

Saisi à nouveau avec de nouveaux éléments en sa possession – gravité d’une crise poste électorale suite aux proclamations contraires du président de la CEI et certifié par le représentant du secrétaire général de l’ONU, animée par les forces étrangères d’invasion – le Conseil Constitutionnel, en la voix de son Président le Prof. Paul Yao N’DRE, a rendu une seconde décision en rétractation de la première le 04 Mai 2011.

Il apparait donc que le Prof Yao Paul N’Dré n’a aucunement dérogé à la pratique juridictionnelle. Mieux, satisfaisant à celle-ci, il nous donne un cours de Relation Internationales :

  • Dans les relations internationales, le Droit en tant que quête de justice et d’équité ne prime pas. Ce qui prime c’est la loi de la force, la loi de la violence qu’elle soit militaire, politique ou économique.
  • Quand, à la Loi n’est pas conférée suffisamment de force, la force s’érige en loi.

« La CPI n’est pas Paul Yao N’DRE »

Nous venons de voir que, les décisions des juges sont fonctions des éléments d’appréciation qu’ils ont en leur possession et de l’interprétation qu’ils font des textes.

Jusqu’à ce jour, compte tenu de certains éléments d’appréciation que les juges de la CPI disent avoir en leur possession, plus de 10 fois, ils ont refusé la liberté tout au moins provisoire au Président Laurent Gbagbo. Toutefois, demain, avec de nouveaux éléments d’appréciations, ils peuvent lui accorder la Liberté provisoire en donnant d’autres motifs. Serait-ce se contredire ? Les décisions sont fonction de l’appréciation du moment que se font les juges des différents éléments en leur possession.

De plus, si les rapports de forces changent dans les relations internationales, les juges de la CPI peuvent juger que Laurent Gbagbo est innocent et le relâcher pour insuffisance de preuve. Mieux, les juges de la CPI peuvent décider de poursuivre Alassane Ouattara et tous ses chefs de guerres. Et en l’espèce, elle ne se serait pas contredite.

Quelles sont les leçons à tirer ?

Il faut toujours donner la force nécessaire à la loi, rendre effectives les sanctions prévues par les textes. Si un Etat faible veut être vivant et viable, il ne faut aucunement, sur la base que quelconque arrangements politiques, tolérer des comportements hors la loi.

– Si quelqu’un crée un rébellion, tue, vole, viole, pille, détruit les biens public, et se met dans une position de hors la loi en général et, qu’au lieu de lui appliquer la rigueur des lois, vous privilégiez un règlement pacifique, comme sous l’arbre à palabre à l’africaine et que vous dites : je crois en l’homme, c’est un grand monsieur, c’est un gentleman qui a une haute appréciation des choses, il va comprendre qu’il n’est pas n’a pas la majorité et qu’il va se ressaisir, on le laisse à sa conscience, on le laisse à D.ieu, vous dénuez ainsi les règes de leur sanction, de leurs forces. Ces règles deviennent de simples règles de morale ou des règles de religion.

Or la morale diffère d’un individu à un autre, d’un peuple à un autre et d’un lieu à un autre. Par exemple pendant que certains trouve morale qu’un homme puisse coucher avec un homme, d’autres non. De plus D.ieu, le vrai D.ieu, pardonne les péchés si l’on se repent. Donc la règle de morale et la règle de religion ne donne aucun frein à l’action, le plus souvent néfaste, d’un personnage amoral et irréligieux.

Si donc la règle de droit devient règle morale ou règle religieuse, ceux qui ont une autre morale et qui n’ont aucune crainte de Dieu useront de la force et s’imposeront. Ainsi le Droit, inspiré de la justice et l’équité, auquel l’on n’aura pas donné assez de force s’inclinera devant la force amorale et sauvage qui se sera érigé en Droit.

Si on comprend bien, tout se résume en la force. Se donner la force d’action et savoir en user est le secret de la viabilité et de la stabilité d’un pays.

Même si le chauffeur de taxi, la femme qui vend les beignets dans la rue, ou tous ces gens qui le matin vont grouiller exerçant ainsi leur droit à la poursuite du bonheur, peuvent ne pas savoir ce genre de chose, c’est faire preuve de mésintelligence et exposer son ignorance pour quelqu’un qui se dit professionnel de l’information, de ne pas savoir ces choses ou tout au moins chercher à savoir comment les choses procèdent avant d’écrire.

NB : J’espère qu’en rien je n’ai insulté Monsieur Tiémoko Antoine Assalé. Même je l’avais fait, je ne m’en repens pas pour deux raison :

  • La première est que lui-même, avant de dire ne pas l’insulter, a joliment insulté trois personnalités africaines. Pour lui Dadis Camara est un bouffon, Robert Mougabé est une maladie intransmissible et pire il traite le Président d’un imbécile intransigeant si ce n’est d’un pauvre type.
  • La deuxième est que lui-même a circonscrit le cadre dans lequel on ne devrait pas l’insulter, c’est-à-dire en écrivant un commentaire.

VENYAMIN

[i] http://resistancisrael.com/ta-tactique-du-crabe

[ii] Cf DECISION N° CI-2011-EP-036/04-05/CC/SG du 04 mai 2011 portant proclamation de Monsieur Alassane OUATTARA en qualité de Président de la République de Côte d’Ivoire http://droitivoirien.info/files/d.49.13.-decision-du-4-mai-2011_election-presidentielle_proclamation.pdf

[iii] Cf, avant dernier considérant que.

[iv] Quel est le rôle du conseil Constitutionnel ? http://www.conseil-constitutionnel.ci/index.php?y=attributions

[v] Cf DECISION N° CI-2010-EP-34/03-12/CC/SG portant proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 http://droitivoirien.info/files/d.49.12.-decision-du-28-novembre-2010_proclamation-des-resultats-definitifs.pdf