Tiassalé: nous avons allumé une bougie.

Personne n’a pris ma candidature aux législatives à Tiassalé-Morokro au sérieux. J’avais en face de moi des candidats qui sont sur le terrain du militantisme politique depuis 30 ans pour certains, 26 ans pour d’autres et 10 ans pour d’autres encore, y compris le délégué du Pdci, le député sortant, le Dr Boni Joseph, qui se présentait sous la bannière du Rhdp. Je suis arrivé sur le terrain politique à Tiassalé, en tant qu’indépendant, en novembre 2016, quand j’ai réalisé que non contents de n’accorder aucun respect à nos parents qui les élisent depuis 56 ans, des politiciens de Tiassalé, comme partout en Côte d’Ivoire, se livraient à une course à l’importation des électeurs. Des milliers d’électeurs ont été ainsi convoyés de Yamoussoukro, de Toumodi, de Divo, vers Tiassalé. Et les populations dans les villages de Tiassalé ont été déplacées pour être enrôlées dans la commune de Tiassalé où elles n’ont jamais résidé. Vidant ainsi ces villages de leurs électeurs. Tout cela, dans la perspective des élections législatives et municipales.
Je suis arrivé et j’ai exprimé aux parents mon désir de me présenter aux législatives afin de leur proposer une nouvelle façon de faire la politique et donner l’occasion aux jeunes de Tiassalé de nourrir de nouveaux rêves.
En deux mois, j’ai sillonné les villages de Tiassalé, j’ai rencontré les associations de jeunes, les communautés ethniques, etc. Et je leur ai proposé ma vision des choses, mon rêve pour la naissance d’une côte d’ivoire plus juste, plus démocratique et qui célèbre le mérite. J’ai été sincère avec les parents, j’ai mis en face d’eux la réalité des faits, les enjeux à venir, la place que devrait occuper la jeunesse dans la nouvelle Côte d’Ivoire que nous voulons pour nous même et pour nos enfants. Bref, j’ai fait campagne, avec les moyens qui sont les miens.

Ce dimanche, nous sommes allés aux urnes. La veille, mon équipe de campagne m’a prévenu de l’arrivée de plusieurs cars de transports bourrés de personnes provenant de Taabo, de Sikensi, de Toumodi et surtout de Yamoussoukro...et m’ont demandé la conduite à tenir. Je leur ai dit de ne pas faire d’histoires et que ces personnes, même convoyées de ces villes et n’ayant aucun lien avec Tiassalé, devraient pouvoir voter si elles sont inscrites sur la liste electorale de Tiassalé. Il y a deux semaines, au cours d’une réunion à la préfecture avec le ministre Miremont, superviseur CEI région Agneby-Tiassa, j’avais posé le problème du vote de ces électeurs migrateurs et évoqué l’idée de les empêcher de voter. Mais le ministre m’à déconseillé la prise de quelques mesûres que ce soit contre ce phénomène et j’en ai pris acte.

Ce dimanche, j’ai vu de mes propres yeux, comment le jeu démocratique est fossé dans ce pays. Les cars de transports ont envahi la ville, déversant des centaines de gens venus de partout. Et ces derniers ont pris part au vote. Je me suis rendu dans des villages pour voir l’affluence dans des bureaux de vote mais partout, j’ai réalisé que 80% des électeurs avaient été convoyés sur Tiassalé. On en a aperçus, se promenant dans la ville, à la recherche de leur bureau de vote. A ces derniers, on a remis de l’argent pour accomplir la mission pour laquelle on leur avait fait changer de bureaux de vote.

Le soir, à la proclamation provisoire des résultats, j’ai réalisé que l’écart entre moi et la personne déclarée vainqueur, Boni Marie épouse Ekponon, le préfet de région de Yamoussoukro, cousine du député sortant, Boni Joseph, est si mince (moins de 50 voix), que je me considère moralement comme le vrai vainqueur de cette élection à Tiassalé. Parce que je sais ce que les électeurs importés ont joué comme rôle dans cette élection. Sans leur apport, j’aurais étalé l’ensemble des autres candidats y compris celle qui a été proclamé vainqueur, avec des écarts allant de 1000 à 1500 voix.

Mais ce qui est fait est fait et j’ai énormément appris au cours de ces dernières semaines. J’avais pour slogan, « soit je gagne, soit j’apprends ». Et je crois que j’ai beaucoup appris. Le nouveau leader de Tiassale, ce sera bientôt moi, si ce n’est déjà le cas, avec le score qui est le mien devant ceux qu’on considérait comme des poids lourds. Je ne regrette rien, j’ai pour moi l’avenir et dans quatre ans, je reviendrai. Parce que les votes que j’ai obtenus sont des votes d’adhésions au message que j’ai véhiculé. Je n’ai pas eu une seule voix de personne convoyée et je n’ai pas remis un billet de cinq mille francs à qui que ce soit venu de l’extérieur pour voter. J’ai été voté par les enfants de Tiassalé et c’est à eux que je voudrais dire merci pour cette incroyable occasion qu’ils m’ont offerte de leur parler. Je voudrais leur dire merci pour tout le soutien qu’ils m’ont apporté et rassurer tous les jeunes avec qui j’ai mené cette belle aventure que je ne renonce pas et que le combat continue.
L’avenir est pour nous.

Tiémoko Antoine Assalé