Mis en ligne par La Rédaction | vendredi 23 Juin 2017

Il y a, dans notre Cité, un pardon qui n’arrive pas à se donner, ou qui se donne de manière incomplète. Il y a des résistances au pardon et à la réconciliation.” Ainsi, s’exprimait Kigbafori Soro devant des députés godillots. C’était le 3 avril 2017. Si nombre de victimes ne parviennent pas à pardonner à ceux qui ont égorgé, brûlé ou éventré leurs proches, s’il leur est difficile de se réconcilier avec les personnes qui ont détruit ou confisqué leurs biens, fruit de plusieurs années de travail et de sacrifices, ce n’est pas uniquement parce que “le pardon est un long et difficile processus” et qu’il “requiert de la patience” (principe bouddhiste). Le pardon et la réconciliation seront en panne dans notre pays aussi longtemps que la vérité et la justice seront mises de côté; ils resteront une illusion tant que certains se serviront de cette noble cause pour atteindre des objectifs personnels.

Le premier paramètre dont le pardon et la réconciliation doivent tenir compte est la vérité. Et le Pasteur Martin Luther King avait raison de déclarer que “pardonner ne signifie pas ignorer ce qui a été fait ou coller une étiquette fausse sur un acte mauvais” (cf. “La force d’aimer”, Paris, Casterman, 1965). Les Ivoiriens ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s’est passé dans leur pays entre janvier 2001 et avril 2011; ils doivent savoir qui a fait quoi au cours de cette période; il est important qu’ils sachent qui était dans le camp de la liberté et de la souveraineté et qui militait pour la mise sous tutelle du pays. Ouattara et Bédié clament régulièrement qu’ils n’ont rien à voir avec la rébellion. Et pourtant, l’un a non seulement félicité les rebelles d’avoir pris les armes pour “restaurer la démocratie” et “réparer l’injustice faite aux Nordistes” mais il les a promus en les nommant ministres, généraux ou préfets de région; quant à l’autre, il a récemment révélé que Soro était son protégé. Père de l’expression “Forces nouvelles”, il n’a jamais réussi à rabattre le caquet à tous ceux qui le soupçonnent d’avoir des atomes crochus avec Félix Doh ou N’Guessan N’Dri (dont le mouvement, le MPIGO, commit d’innombrables atrocités à l’Ouest de la Côte d’Ivoire) et Félix Miézan Anoblé (numéro 2 du commando invisible d’Abobo, de triste mémoire).

Le second paramètre est la justice qui doit sanctionner toutes les personnes coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Or la justice à laquelle nous avons assisté jusqu’ici, tant à Abidjan qu’à la Haye, n’a rien d’une justice équitable et impartiale puisqu’elle ne juge qu’un camp dont le seul crime est d’avoir essayé de défendre le pays contre ceux qui étaient venus l’attaquer. Depuis quelque temps, Soro prône le pardon et la réconciliation. Il a même envoyé des gens prêcher la bonne parole à Paris à des gens qui ne représenteraient qu’eux-mêmes alors que les personnes les mieux indiquées pour discuter de cette question sont à Abidjan. Lui qui aime rappeler qu’il fréquenta jadis le petit Séminaire de Katiola devrait savoir que “c’est l’amour de la vérité qui trace le chemin que toute justice humaine doit emprunter pour aboutir à la restauration des liens de fraternité dans la famille humaine, communauté de paix, réconciliée avec Dieu par le Christ” (cf. Benoît XVI, “Africae munus”, novembre 2011, No. 18). En d’autres termes, il devrait se souvenir que, “pour devenir effective, [la] réconciliation devra être accompagnée par un acte courageux et honnête : la recherche des responsables de ces conflits, de ceux qui ont commandité les crimes et qui se livrent à toutes sortes de trafics, et la détermination de leur responsabilité [et que] les victimes ont droit à la vérité et à la justice” (“Africae munus”, No. 22).

L’honnêteté est justement la troisième condition que doivent remplir les nouveaux apôtres du pardon et de la réconciliation. Un bon nombre d’Ivoiriens estiment que Soro appelle aujourd’hui au pardon et à la réconciliation, non parce qu’il y croit vraiment, mais parce que sa vie est menacée dans son propre camp, parce que Ouatttara qu’il a fait roi veut lui faire la peau. Pour eux, c’est quatre ou cinq années plus tôt qu’il aurait dû prendre cette initiative. Ils ajoutent qu’ils ne croiront à la sincérité de Soro que si ce dernier commence par obtenir la libération des prisonniers politiques, le retour sécurisé des exilés, l’ouverture des médias publics à l’opposition, le dégel des avoirs des opposants, la recomposition de la Commission électorale qui, pour le moment, n’est ni indépendante ni équilibrée, etc.

Vérité, justice et honnêteté, telles sont en somme les vertus que les Ivoiriens attendent de voir chez Soro avant de commencer à adhérer à sa croisade. À moins d’être de mauvaise foi, on ne peut les accuser d’être rétifs au pardon. Quand Gbagbo tenait les rênes du pays, il leur est arrivé de “pardonner l’impardonnable” (Vladimir Jankélévitch) au nom de la paix et parce qu’ils étaient persuadés qu’en agissant de la sorte, ils empêcheraient le pays de basculer dans le chaos. Mais, comme le dit bien l’activiste Kemi Seba, “il y a un moment où il faudra bel et bien se dire que pardonner le mal systématiquement, c’est l’approuver”*. N’attendons pas de la victime qu’elle demande pardon au bourreau car notre pays n’a pas besoin de la paix à tout prix, ni d’une paix armée. Ce qu’il lui faut, ce sont des actes de la part de ceux qui ont saccagé et tué car il ne suffit pas de dire qu’il faut enterrer la hache de guerre alors qu’on continue de cacher des tonnes d’armes meurtrières et qu’on affiche morgue et mépris pour Sangaré et ses compagnons. Il faut agir et agir dans l’humilité et la sincérité. Cela veut dire que c’est à Abidjan, et non à Paris, qu’il faut parler de pardon et de réconciliation et c’est avec ceux qui ont été injustement évincés du pouvoir qu’il convient de discuter. Procéder autrement n’est que ridicule fuite en avant.

Jean-Claude DJEREKE sur connectionivoirienne

* Kemi Seba: « On vous tue, vous pardonnez, on vous viole, vous pardonnez, on vous pille vos richesses , vous pardonnez, on tabasse vos enfants dans des prétendues bavures policières, vous pardonnez, on tue ceux qui se battaient et résistaient pour nous, vous pardonnez. Il y a pourtant un moment ou tôt ou tard, il faudra bel et bien se dire que PARDONNER LE MAL systématiquement, c’est l’APPROUVER. »

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Soro Guillaume arrête de jouer avec nos douleurs.

Je viens de recevoir un mail de l’union des journalistes ivoiriens de France.
Cette association qui est le creuset de rassemblement des journalistes ivoiriens vivant en France est dirigée par mon ainé et ami Jean-PaulOro.

Revenons au mail qui augmente pour moi la canicule de ce jour.
Un certain Franklin Nyamsi se disant universitaire et conseiller de Soro Guillaume le patron de l’ex- rébellion ivoirienne et actuel président de l’AN, convie les journalistes a un point de presse dans un hôtel parisien pour annoncer un colloque sur la réconciliation en Cote d’Ivoire. Le point de presse n’est ouvert qu’aux hommes de medias qui se seront inscrits préalablement auprès du sieur Nyamsi.
Je voudrais ici solennellement demander a Soro Guillaume d’d’arrêter de jouer avec nos douleurs et surtout de les raviver.
La réconciliation en Cote d’Ivoire n’a ni besoin de séminaire ni de colloque. Elle sera effective si tous les prisonniers de la crise postelectorale avec a leur tête Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé retrouvent la liberté.
Ensuite qui est ce Franklin Nyamsi pour parler de la réconciliation en Cote d’Ivoire?!
Cet individu fervent partisan de la prise des armes!! Ce monsieur qui a insulté la révolution burkinabée! Cet inconditionnel de Blaise Compaoré! Cet individu au verbe truculent qui a soutenu un documentaire nauséeux pour descendre Laurent Gbagbo!
J’ai failli vomir quand j’ai lu ce mail.
Tu sais Guillaume, on peut se parler entre ivoiriens et personnes qui aiment la Cote d’Ivoire. Seuls les vrais amis de la Cote d’Ivoire nous intéressent pour une véritable réconciliation. Pas les mercenaires comme…Franklin Nyamsi.
Il est certes ton conseiller le Nyamsi mais désolé, il n’est pas habilité a s’assoir sur la table des discussions pour une Cote d’Ivoire réconciliée car son verbe et ses écrits sont gorgés de sang comme les kalachs de votre rébellion.

Crédit photo: Google Legende: de la droite vers la gauche: Franklin Nyamsi, Soro Guillaume et une groupie de Soro Guillaume;

Armand Iré.

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Dans sa lettre de félicitations adressée à KKB pour son retour au PDCI, Blé Goudé glisse subtilement un paragraphe assassin qui apostrophe le nouveau Pape de la réconciliation, Guillaume Soro.

« (…) En 2020, l’emportera celui qui sera à même de rassembler les filles et fils de la Côte d’Ivoire, de rassurer les ivoiriens, et non celui qui leur aura le plus fait peur. Les ivoiriens ont tellement été traumatisés qu’ils n’ont plus besoin d’un dirigeant ou d’un parti politique qui inspire la peur et l’intolérance. Félicitations, cher ami et à bientôt !
Ton ami, Charles Blé Goudé
Homme politique en détention préventive à la Haye.

Illustration : capture d’écran d’une audience à La Haye
Frank Toti