quelques lois familiales…

Bonjour chers internautes,
la semaine dernière, je partageais avec vous les grandes innovations contenues dans le projet de loi relatif au Mariage, et nombreuses ont été vos réactions, démontrant ainsi le vif intérêt que vous portez aux différentes reformes en cours, au niveau de nos textes de loi.
Aujourd’hui, je viens vous exposer les innovations que nous souhaitons apporter à la loi relative à la Minorité.
Bonne lecture à tous!

Sansan KAMBILE

PROJET DE LOI RELATIF A LA MINORITÉ
LES GRANDES INNOVATIONS

La minorité est régie par la loi n°70-483 du 3 août 1970 qui fixe les règles relatives au statut juridique du mineur et celles organisant sa protection à travers la puissance paternelle et la tutelle.
Depuis son adoption, cette loi n’a pas connu de modification malgré les nombreux engagements nationaux (la Constitution du 8 novembre 2016), régionaux et internationaux pris par la Côte d’Ivoire à travers la ratification de Conventions et traités tels que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, ratifiée par la Côte d’Ivoire le 18 juin 2007, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifiés le 26 mars 1992, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ratifiée le 4 février 1991).

Ces textes accordent une protection accrue à l’enfant afin d’assurer son bien-être et l’épanouissement harmonieux de sa personne.
C’est donc pour mieux prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant tel que reconnu par ces instruments juridiques que, le Gouvernement, dans le cadre de la réforme du système judiciaire, a décidé de mettre au nombre des textes à revisiter, la loi relative à la minorité.
Le projet de loi relatif à la minorité adopté par le Conseil des Ministres du 27 mars 2019 comporte plusieurs innovations dont les plus importantes portent sur les points suivants :

I) les dispositions générales ;
II) l’autorité parentale ;
III) la tutelle ;
IV) les règles de procédure.

I) Au titre des dispositions générales (articles 1 et 2 du projet de loi)

1) Harmonisation de l’âge de la minorité avec les textes nationaux et internationaux :
Le projet de loi définit le mineur comme étant la personne qui n’a pas encore dix-huit ans accomplis (article 1), ramenant ainsi l’âge de la majorité civile à dix-huit ans. Cette réforme, qui s’aligne sur la définition du mineur telle que prévue par les différentes conventions sur les droits de l’enfant, a pour effet de faire désormais coïncider la majorité civile qui était de vingt-et-un ans (article 1er de la loi actuelle) avec les majorités pénale (article 116 du code pénal) et électorale (article 3 du code électoral) fixées à dix-huit ans, assurant ainsi une meilleure cohérence sur le plan national. L’équivoque créée sur le plan national par l’existence de différentes majorités est levée avec cette harmonisation.

2) Extension de l’obligation de respect que l’enfant doit à ses parents aux ascendants:
Le projet de loi prévoit que l’enfant est tenu au respect à l’égard de ses père et mère, et est également tenu de cette obligation de respect vis-à-vis des autres ascendants (article 2).
L’obligation de respect est ainsi étendue à ses autres ascendants.

II) Au titre de l’autorité parentale (articles 3 à 31)

Le projet de loi définit l’autorité parentale et son exercice, énumère les droits et obligations qui y sont rattachés, prévoit les cas de déchéance et détermine des mesures de protection ou d’assistance éducatives prises dans l’intérêt du mineur.

1) Substitution de l’autorité parentale à la puissance paternelle (article 3) :
Le projet innove en remplaçant la puissance paternelle qui est l’ensemble des droits reconnus aux père et mère sur la personne et les biens de leur enfant mineur, exercée par le père seul, par l’autorité parentale qui se définit comme l’ensemble des droits et obligations reconnus aux père et mère sur la personne et les biens de leur enfant mineur et ayant pour finalité l’intérêt de celui-ci.
L’autorité parentale est désormais exercée conjointement par le père et la mère, conformément aux dispositions de la Constitution (article 31 alinéa 2). Cette disposition est d’ailleurs l’une des conséquences logiques des modifications intervenues sur la loi relative au mariage le 25 janvier 2013, notamment en ses articles 58, 59, 60 et 67 qui instaurent l’égalité entre le mari et la femme dans la gestion morale et matérielle de la famille.

2) Énumération des droits et obligations résultant de l’autorité parentale :
Le projet de réforme précise et renforce les attributs de l’autorité parentale en vue d’assurer un meilleur encadrement de l’enfant : l’autorité parentale comporte également le droit et l’obligation pour les père et mère d’assurer la garde, la direction, la surveillance, l’entretien, l’instruction et l’éducation de l’enfant (article 4-1° du projet de loi) et non plus ceux de pourvoir à l’entretien, l’instruction et l’éducation de l’enfant (article 4-2° de la loi actuelle) .
Ainsi ces attributs tels que définis ont le mérite d’être davantage précis et enrichis contribuant ainsi à un meilleur encadrement de l’enfant par ses parents.

3) De l’exercice de l’autorité parentale :
L’exercice de l’autorité parentale est règlementé durant le mariage ou hors mariage, en cas de divorce, de séparation de corps ou de résidence séparée, en cas de garde confiée à un tiers, en cas de décès des père ou mère et en cas d’adoption.
• Durant le mariage
Tirant les conséquences de l’égalité instaurée entre les époux par la modification intervenue sur la loi relative au mariage le 25 janvier 2013, notamment en ses articles 58, 59, 60 et 67, le projet de loi prescrit l’exercice en commun de l’autorité parentale par les père et mère durant le mariage sauf décision de justice contraire (article 5).
• En cas de divorce, de séparation de corps ou de résidence séparée
Si les père et mère sont divorcés, séparés de corps ou en résidence séparée, le projet de loi prévoit que l’autorité parentale soit exercée par celui d’entre eux à qui le juge a confié la garde de l’enfant, sauf les droits de visite et de surveillance et le droit de consentir à l’adoption ou à l’émancipation de l’enfant mineur incombant à l’autre parent (article 6).
• En cas de garde confiée à un tiers
Le projet de loi dispose que lorsque la garde a été confiée à un tiers, les autres attributs de l’autorité parentale continuent d’être exercés par les père et mère.
Toutefois, le tiers investi de la garde de l’enfant accomplit les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation (article 7).
• En cas de décès
Si celui des père et mère ayant été investi de la garde de l’enfant décède ou s’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité ou de toute autre cause, le projet de loi prévoit que l’autorité parentale soit dévolue de plein droit au parent survivant.
Toutefois, dans l’intérêt exclusif de l’enfant, le juge peut décider, à la requête de tout intéressé, de confier sa garde à toute autre personne (article 8).
• Hors mariage
Le projet de loi dispose que l’ensemble des droits et obligations reconnus aux père et mère sur la personne et les biens de leurs enfants mineurs est exercé conjointement par ces derniers dans la famille naturelle lorsque la filiation de l’enfant est établie à l’égard des deux parents ; lorsque cette filiation est établie à l’égard d’un seul parent, l’autorité parentale est exercée par celui des père et mère à l’égard duquel la filiation est établie (article 9).
• En cas d’adoption
La loi actuelle est muette sur les règles d’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant adopté, alors que cette précision est très importante pour l’enfant et pour la cohésion de la famille adoptive.

Désormais, le projet de loi prévoit que l’autorité parentale sur l’enfant mineur adopté s’exerce conformément aux règles applicables en matière d’adoption (article 10).

4) Déchéance de l’autorité parentale :
Le projet de loi innove en renforçant les conditions de déchéance partielle et de plein droit de l’autorité parentale. Ainsi, l’enfant bénéficie d’une protection plus accrue.
• Sur la déchéance de plein droit
Aux hypothèses de déchéance de plein droit de l’autorité parentale (article 21), les cas de déchéance prévus par la loi actuelle pour leurs enfants (article 20 de la loi actuelle) sont étendus aux enfants à l’égard desquels les père et mère sont investis de l’autorité parentale. La reformulation précise toutefois que l’obligation de subvenir à l’entretien et à l’éducation de l’enfant reste à la charge du parent déchu (article 21).
A cet effet, les père et mère sont déchus des droits de l’autorité parentale pour des faits répréhensibles non seulement commis à l’encontre de leurs propres enfants mais également de ceux à l’égard desquels ils sont investis de l’autorité parentale (article 21 ).
• Sur la déchéance partielle
Il faut noter, Par ailleurs, que les cas de déchéance des droits de l’autorité parentale ont été davantage précisés et renforcés.
Ainsi, peuvent être déchues de l’autorité parentale, l’ensemble de tous les droits qui s’y rattachent, ou peuvent être seulement privées de partie de ces droits à l’égard de l’un ou quelques-uns de leurs enfants, en dehors de toute condamnation pénale, les personnes exerçant l’autorité parentale qui mettent en danger le plein épanouissement, la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant, notamment :
– par de mauvais traitements ;
– par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques, de stupéfiants ou de toutes autres substances nocives ;
– par des exemples pernicieux d’ivrognerie habituelle, d’inconduite notoire ou de délinquance ;
– par un défaut de soins ou un manque de direction ;
– par un désintérêt de plus d’un an, sans justes motifs. (article 22)

5) Mesures de protection ou d’assistance éducative:
Aux mesures de protection ou d’assistance éducative, le projet de loi distingue les cas dans lesquels une mesure de protection peut être sollicitée ou prise (la santé, la moralité ou l’éducation d’un mineur est compromise ou insuffisamment sauvegardée en raison de l’immoralité ou de l’incapacité des père et mère ou de la personne investie du droit de garde) des cas dans lesquels une mesure d’assistance éducative est indiquée (le mineur donne à ses parents ou à la personne investie du droit de garde des sujets de mécontentement très graves, par son inconduite ou son indiscipline) (article 27).

6) Renforcement des mesures de protection de l’enfant ou d’assistance éducative :
Les mesures d’assistance ou de protection ont été davantage précisées par le projet de loi afin de permettre au Juge des tutelles de prendre effectivement en compte l’intérêt de l’enfant : lorsque des mesures de protection et d’assistance doivent être prises, le Juge des tutelles doit principalement veiller à ce que le mineur soit maintenu dans son milieu habituel de vie, chaque fois que cela est possible, afin que son équilibre soit assuré.
Dans ce cas, le Juge des tutelles désigne une personne qualifiée ou un service d’assistance sociale ou d’éducation ou un service de protection judiciaire de l’enfance pour apporter aide et conseil à la famille, afin de suivre le développement de l’enfant et de lui en faire périodiquement rapport (article 28).

III) La tutelle (articles 52 à 118)

Le projet de loi précise la définition de la notion de tutelle en précisant l’objectif principal qui est la protection du mineur (article 52).
En outre, le projet de loi précise que, même si la tutelle ne se transmet pas aux héritiers du tuteur décédé, ceux-ci demeurent responsables de la gestion de leur auteur. Ainsi, la mauvaise gestion du tuteur ne préjudicie pas aux intérêts patrimoniaux de l’enfant après le décès du tuteur.
Le projet de loi prévoit également que les fonctions de juge des tutelles soient confiées à un juge dont les activités professionnelles y sont exclusivement consacrées parce qu’il s’agit d’une charge importante et très prenante (article 55).
Enfin, le projet de loi précise que le refus de déférer aux injonctions du juge des tutelles est passible de sanction pénale (un emprisonnement d’un à trois mois et une amende de 100.000 à 500.000 francs, article 56 alinéa 3).

IV) Les règles de procédure (articles 127 à 158)

Le projet de loi dispose que le mineur est obligatoirement assisté d’un défenseur lorsqu’une mesure d’assistance éducative doit être prise (article 142).
S’agissant des procédures contentieuses touchant les mineurs, le projet de loi prévoit de nouvelles modalités à la tentative de conciliation, préalable obligatoire devant le Juge des tutelles.
Ainsi, le Juge des tutelles peut désormais déléguer cette mission au service chargé de la protection judiciaire de l’enfance institué au sein de chaque tribunal ou à tout autre organe agissant dans le domaine de la protection de l’enfance dont il homologue, en cas de réussite, le procès-verbal de conciliation (Article 140).

Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme