Le visage hideux du Système

par Philippe Grasset.

Dans les grands événements, dans les grandes catastrophes, souvent un aspect, un détail, une précision, vous arrête plus que le reste pour susciter la réalisation pleine et entière de la tragédie à laquelle vous êtes confronté. Il s’agit de la tragédie à laquelle nous sommes tous confrontés, et qui a pris des allures vertigineuses de course vers les abysses, la tragédie-bouffe qui montre enfin son visage tragique.

J’ai ressenti cela, cette « réalisation pleine et entière », en lisant ce texte de WSWS.org du 20 mars 2020, au titre suffisamment explicite : « L’impérialisme US exploite le coronavirus comme une arme de guerre ». Je crois avoir rarement ressenti à quel point le Système, – pour moi, « impérialisme US », DeepState, OTAN, regime change, c’est la même boutique, le même travail de déstructuration, de néantisation, la même sordidité la même folie du Mal, c’est le Système enfin, – j’ai rarement ressenti, disais-je, à quel point le Système est tout entier contenu dans L’Enfer de Dante..

Le texte du site WSWS.org, dont on connaît les tendances, la méticulosité, l’endoctrinement et qu’il suffit de prendre ce qui est bon et de laisser le reste, prend le cas spécifique de l’attitude US vis-à-vis de l’Iran. De l’Iran, on dira qu’il s’agit de l’un des trois pays, après la Chine et l’Italie, les plus touchés par Covid-19, et qui se trouve dans une position extrêmement difficile à cause des sanctions US qui le frappent. Voici ce qu’en dit le texte dont je parle, quelques paragraphes pour donner le ton de la chose et distinguer le fond des choses.

« À côté de « l’ennemi invisible de l’humanité », le coronavirus, il y a un autre ennemi bien visible, l’impérialisme mondial.

Cela n’est nulle part plus évident que dans les conditions de plus en plus désespérées auxquelles sont confrontés l’Iran et sa population de près de 83 millions d’habitants. Le pays est le troisième pays le plus affecté après l’Italie et la Chine, et nulle part ailleurs le taux de mortalité n’est aussi élevé, car le nombre d’infections continue d’augmenter fortement chaque jour.

Le porte-parole du Ministère iranien de la Santé, Kianush Jahanpur, a annoncé jeudi que 149 personnes étaient mortes au cours des 24 heures précédentes, ce qui porte le nombre de décès dus au virus à 1 284. Au cours de la même période, 1 046 autres cas d’infection ont été signalés, portant le nombre total à 18 407. Ces deux chiffres sont considérés comme une grave sous-estimation des ravages de la maladie.

« Selon nos informations, toutes les 10 minutes, une personne meurt du coronavirus et environ 50 personnes sont infectées par le virus toutes les heures en Iran », a déclaré le porte-parole.

Plutôt que la solidarité humaine, la réponse de Washington à cette crise a été une tentative délibérée de l’intensifier au prix d’innombrables vies de travailleurs iraniens. La pandémie, plutôt que d’être considérée comme un ennemi à éradiquer dans chaque pays, est considérée par la Maison Blanche, le Pentagone et la CIA comme une nouvelle arme de guerre qui doit être intégrée dans la planification impérialiste.

C’est la conclusion inévitable de l’imposition jeudi par l’administration Trump d’une nouvelle série de sanctions économiques punitives contre l’Iran, visant les entreprises basées aux Émirats Arabes Unis qui sont accusées d’acheter du pétrole à la National Iranian Oil Company (NIOC). Cette décision suit de deux jours seulement une autre série de sanctions annoncées par le Secrétaire d’État de Washington, Mike Pompeo, contre neuf entités distinctes en Chine, à Hong Kong et en Afrique du Sud. Les sociétés inscrites sur la liste noire ont été accusées de s’être engagées dans des « transactions importantes » impliquant des produits pétrochimiques iraniens.

Présentant la pandémie en des termes naïvement agressifs et xénophobes, Pompeo a déclaré lors d’une conférence de presse au Département d’État : « Le virus de Wuhan est un tueur et le régime iranien en est complice ».

Dans le même élan, il a affirmé que Washington était prêt à mener des « efforts humanitaires » pour « aider le peuple iranien à rester en bonne santé ».

Le niveau de mensonges et d’hypocrisie est époustouflant, même selon les normes de l’administration Trump. Les sanctions américaines, qui ont mis sur liste noire la banque centrale du pays, rendent impossible pour Téhéran d’acheter des médicaments de base et des fournitures médicales supposées autorisées par le régime de « pression maximale ». Cela a condamné des dizaines de milliers de personnes à des décès précoces et évitables bien avant le déclenchement de la pandémie de coronavirus. Aujourd’hui, selon une estimation d’un médecin iranien, le nombre de décès causés par le COVID19 pourrait atteindre 3,5 millions.

Cette souffrance humaine n’est pas un dommage collatéral du régime de sanctions « à pression maximale » de Washington, mais son objectif direct. Par le biais de punitions collectives brutales, de la faim et de la propagation de maladies, l’impérialisme américain cherche à fomenter un changement de régime à Téhéran dans le but d’éliminer un obstacle régional à son hégémonie sur le Golfe Persique, riche en pétrole, tout en préparant à son tour une guerre avec la Chine. La pandémie de coronavirus est considérée comme une arme de plus dans l’arsenal américain ».

Qu’est-ce que je pourrais ajouter à tout cela ? Le cas est effrayant à force d’in-humanité, de misérable cruauté quasiment inconsciente, – puisque ces gens sont évidemment sans conscience, pantins-zombie du Système et rien d’autre. Ce sont des monstres froids, dans les veines desquels coule un poison sans couleur ni le moindre goût, comme une matière liquide morte s’écoulant des restes de la matière solide morte et décomposée. Leur simulacre est cousu de fils infects et qui puent la mort. Parlez-moi donc de la puissante et vertueuse Amérique, de la vibrante et exemplaire civilisation américaniste-occidentaliste, de la rutilante modernité qui sonne vide comme un tombeau profané, – mais mezzo voce, s’il vous plaît, parce que j’ai la nausée facile pour ce cas.

Lisant cela, j’ai honte d’être d’où je suis, du même monde qu’eux, de me trouver dans la même barcasse pourrie que les discoureurs de la démocratie et des droits de tout ce qui bavasse sans fin à propos de notre humanisme. J’ai honte de notre vertu et de notre satisfaction de nous-mêmes. J’ai honte du genre humain civilisé-civilisateur et de tous ses transgenres collatéraux.

La seule chose qui me retient, c’est de voir si bien identifiée, si bien visible, si reconnaissable dans sa grossièreté et le vide de ses fonctions vitales, la gueule sinistre du Système. Il n’y a pas à s’y tromper, notre destin est inscrit en lettres de feu, comme la seule possibilité de notre survie : Delenda Est Systemum.

source : https://www.dedefensa.org