Le Tchad dans la tempête

Excellence Zadi Vacka

LA FRANCE ET LE TCHAD:
De Tombalbaye à Idriss Déby, que faut-il retenir d’un amour incestueux et adultérin?


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C’est avec Félix Éboué, alors gouverneur du Tchad, – possession coloniale française- que l’amour incestueux commence entre ce pays et la France. Très vite, Éboué range le territoire du côté de la France libre dès qu’il entend l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle. Il donne ainsi officiellement à la France gaullienne un blanc seing sur le territoire.

Mais le Parti progressiste tchadien (PPT) de Gabriel Lisette affilié au RDA, puis de François Tombalbaye, joue un rôle central dans l’évolution rapide vers l’indépendance. C’est finalement une entente conclue entre Tombalbaye et le premier ministre français, Michel Debré, en juillet 1960, qui définit les modalités de l’accession à l’indépendance du pays qui est proclamée le 11 août 1960 à l’image de presque toutes les colonies françaises de l’Afrique.

L’adoption d’une nouvelle Constitution mène à la création d’un régime présidentiel et à l’élection de Tombalbaye comme président. Finalement, les luttes fratricides entre les anciennes composantes de l’ancien royaume du Kanem Bornou, exacerbées par des puissances extérieures, aboutissent à un coup d’Etat du général Félix Malloum dans lequel, François Tombalbaye, premier président, trouve la mort le 13 avril 1975.
Déjà son règne avait été marqué dès 1966 par l’avènement du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), un mouvement défendant les intérêts du Nord musulman, créé le 22 juin 1966 au Soudan par Ibrahim Abatcha pour lutter contre le régime sudiste qui était accusé de discriminer les populations musulmanes du Nord, du Centre et de l’est. Aussi, il faut noter la contestation des Toubous (l’ethnie de Hissène Habré), des nomades noirs.

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François Tombalbaye

Cette instabilité du pouvoir Tombalbaye entraîne l’implication de troupes françaises aux côtés du gouvernement de François Ngarta Tombalbaye. Dans un contexte marqué par une tentative d’occupation par la Libye et l’intervention des forces françaises, Hissène Habré prend le pouvoir en 1982 après avoir chassé du pouvoir Goukouni Weddeye, chef de l’État entre 1979 et 1982, avec le soutien de la France et des États-Unis. À son tour, Habré est chassé et remplacé par Idriss Déby Itno.

Hissène Habré, un criminel autrefois soutenu par les Occidentaux –  International | L'Opinion
Hissène Habré, président de la République du Tchad de 1982 à 1990,
à la suite du coup d’État qui renverse Goukouni Oueddei.

Il faut noter que les liens entre Idriss Déby et la France remontent à près de 4 décennies. C’est en France que Idriss Déby Itno a obtenu une licence de pilote avec une spécialisation dans le transport de troupes à l’institut aéronautique Amaury-de-La-Grange (près d’Hazebrouck, dans le nord de la France). Et le 22 avril 1979, la France affrète un DC8 de l’armée française pour transporter huit officiers et sous-officiers des forces armées nationales tchadiennes, fraîchement sortis de l’école. Parmi eux, le sous-lieutenant Idriss Déby Itno. Dès leur arrivée à N’djaména en proie à des combats entre factions rebelles, ils sont capturés par les éléments des forces armées du Nord (FAN) dirigées à l’époque par Hissène Habré. Ils sont conduits au camp des Martyrs, où ils sont gardés pendant plusieurs heures. Et c’est l’ambassadeur de France à N’djaména, Louis Dallier, qui se rend en personne dans le camp avec des officiers français. Devant son insistance, Déby et ses compagnons finissent par être relâchés.

Idriss Déby — Wikipédia
Idriss Déby Itno,président du Tchad depuis le 4 décembre 1990. Le 2 décembre 1990, avec l’appui de la France, il chasse du pouvoir Hissène Habré et le remplace le 4 décembre avec le titre de président du Conseil d’État

Quelques semaines plus tard, le jeune officier, Déby, sera adopté par Hissène Habré, qui en fera son bras droit.Pourquoi Hissène a cédé à la pression de la France pour libérer les officiers tchadiens retenus dans le camp des Martyrs alors qu’il pouvait les retenir ? N’a-t-il pas eu peur de la France qui le tenait déjà à l’œil ? Il faut noter que Habré était déjà dans le viseur de la France. En effet, Françoise Claustre, ethnologue et archéologue, qui travaillait au Tchad depuis 1964 pour le CNRS a été faite prisonnière en 1974 par les rebelles toubous dirigés par Hissène Habré, (alors jeune diplômé de Sciences-Po de Paris et qui avait rejoint ses montagnes natales du Tibesti pour entrer en lutte contre l’Etat tchadien). Sa détention qui a duré 3 bonnes années, avait donné lieu à de rocambolesques aventures. En effet, la France avait dépêché un émissaire chargé de négocier la libération, le commandant Galopin, un agent du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece, ancêtre de la DGSE), personnage typique des dérives de la Françafrique. Mais cet agent français qui était, également, conseiller du pouvoir tchadien, finit pendu par les soldats d’Hissène Habré. Et finalement c’est finalement le mari de Françoise Claustre qui obtint sa libération.

Hissène Habré, natif de Faya-Largeau, a été nommé premier ministre le 29 août 1978 par le président Félix Malloum qui avait fait le coup d’Etat contre Tombalbaye. Chef des Forces Armées du Nord (FAN), il renverse le 7 juin 1982 Goukouni Ouedde, après 3 ans de guerre et devient président de la RÉPUBLIQUE.

Le rebelle Hissène Habré devint peu après un allié fidèle de la France dans la lutte contre Khadafi qui avait envahi le nord du Tchad en prolongeant le territoire libyen à la bande d’Aouzou, riche en pétrole. Et la France prenant prétexte de cette invasion libyenne installe une base militaire au Tchad à la suite de son « opération Épervier » en 1983. Mais le guerrier du désert, Hissène Habré, fut accusé par la France « d’autocratie paranoïaque » en l’accablant d’être « responsable de la mort de 40 000 de ses concitoyens ».

Se trouvant en désaccord avec le nouveau pouvoir de Habré, Déby part en exil à partir de 1989 au Soudan où il crée en 1990 le Mouvement patriotique du salut (MPS). Après plusieurs mois de combats entre la rébellion du MPS, Idriss Déby renverse Hissène Habré, le 1er décembre 1990. Et pendant que des scènes de pillage ont lieu dans la capitale N’Djamena, la France entreprend d’évacuer ses ressortissants.

Le 2 décembre, Idriss Déby, chef du Mouvement patriotique du Salut, entre dans la capitale. Au cours de sa première conférence de presse, il se prononce en faveur d’une « démocratie pluraliste ». Interrogé sur la présence des troupes françaises, il affirme que « leur mission peut continuer ». À propos de la Libye, qui a armé ses troupes, il reste très mesuré, ne voulant pas apparaître comme l’homme de Tripoli.
Le 3 décembre, Idriss Déby annonce la suspension de la Constitution et la dissolution de l’Assemblée nationale. Dès le lendemain 4 décembre, il se fait nommer par son parti chef de l’État et du gouvernement.

Le régime du président Idriss Deby Itno qui s’installe avec la bénédiction de la France, de la Libye et du Soudan a été menacé à plusieurs reprises ces dernières années par des offensives rebelles. Dès 2005, à la mi octobre, on assiste à des vagues de désertions au sein de l’armée. Plus de 600 militaires, au sein du Scud (Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie), se regroupent dans l’est du Tchad dans le but de renverser le régime. Dès le 23 décembre 2005, le Tchad accuse le Soudan, qui dément, de soutenir les rebelles. Mais le 14 avril 2006, la rupture des relations diplomatiques intervient avec le Soudan jusqu’en août 2006.

Entre temps, le 25 octobre 2007, un accord de paix entre le gouvernement et les principaux groupes rebelles de l’est est signé en Libye et le 8 décembre, le président français Nicolas Sarkozy reconnaît que les forces françaises basées au Tchad aident « d’une façon indirecte » le régime de Déby. Mais le 5 janvier 2008, le président Deby dénonce, une fois de plus, un « plan de déstabilisation du Tchad » ourdi selon lui par Khartoum. Finalement le 28 janvier, l’Union européenne donne son feu vert au déploiement d’une force, l' »Eufor Tchad-RCA », dans l’est du Tchad et dans le nord-est de la Centrafrique pour protéger les réfugiés soudanais et déplacés internes tchadiens et centrafricains dans ces régions.

En dépit de ressources naturelles considérables, le Tchad est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres du monde. L’exploitation du pétrole, découvert en 1969 mais produit à partir de 2003 (200 000 barils par jour), était de nature à modifier cette position d’infériorité. Mais de nombreuses ingérences contraignent toute évolution. La souveraineté du Tchad, dans l’usage de cette ressource, est aujourd’hui limitée tant par la conditionnalité du prêt consenti auprès de la Banque Mondiale que par le contrôle d’un consortium américain sur l’exploitation pétrolière.

Tchad: le président Déby devient maréchal pour les 60 ans de l'indépendance
Pour les 60 ans de l’Indépendance, Idriss Déby est fait officiellement Maréchal du Tchad.
Le parlement lui a accordé le titre de maréchal après une vaste opération contre le groupe jihadiste Boko Haram en avril 2020 qu’il a lui même dirigée.

Par ailleurs, seule l’intervention de la France a jusqu’ici permis de maintenir la stabilité du pays. Le Tchad est dès lors l’objet d’une rivalité de puissances pour le contrôle de leurs intérêts stratégiques dans cette région. Et ces dernières années, l’implication direct de Idriss Déby dans la lutte contre la secte Bokho Haram n’a pas arrangé les relations entre la France et le Tchad. Tandis que Déby veut une lutte directe contre Bokho Haram, la France l’assigne à un rôle d’assistance militaire au sein d’un G5 Sahel qui n’arrive pas à vaincre Bokho Haram alors que le Tchad seul arrive à anéantir les éléments de la secte qui s’aventurent dans son territoire. Aussi, Déby, même s’il peine à agir, dénonce ces dernières années avec véhémence le franc CFA. Tout ce discours agace finalement la France qui veut, peut être se débarrasser d’un amant trop devenu trop encombrant. Deby peut renverser la situation. Macron l’a pris à l’usure. Alors qu’il avait presque toutes ses troupes d’élite en mission au Mali, les rebelles profitent du déficit pour attaquer. On sait tous que l’armée tchadienne est l’une des armées la plus performante en Afrique et le natif de Amdjarass, Idriss Déby, qui avait pris la tête du sultanat de Dar Bilia, est devenu maréchal. Pour mener la lutte de survie de son régime et échapper, peut être, à ce qui est arrivé à Habré, Deby vient de faire rentrer tous les militaires qui étaient en mission au Mali.

Déby arrivera t il à prendre le dessus pour mettre fin fin à un amour incestueux et adultérin qui dure entre la France et le Tchad depuis près d’un siècle ?
Affaire à suivre !
Excellence Zadi Vacka

Si ce qui se passe en ce moment est un coup de Paris, on peut supposer que les français ont eu de très bonnes garanties de la part des rebelles !
Surtout quand on sait que le siège de Barkhane se trouve à N’djamena et que la France vient de réclamer une « enquête impartiale » après une descente, en février, en pleine préparation d’élection présidentielle, d’un commando de Déby chez son opposant principal tuant 5 personnes dont la mère de celui-ci !
Serge Kouamé