la résistance des Gouro, vue par le Gouverneur Angoulvent et la mémoire de ses parents

Le Samson de la Côte d’Ivoire, trahi par sa femme prise en otage…

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LA RÉSISTANCE GOURO L’UNE DES PLUS LONGUES, LA PLUS DIFFICILE, FAROUCHE ET SPECTACULAIRE

 d’après le récit du gouverneur Angoulvant

BADIEGLOH BENGNANHIN ( l’enfant terminator des étrangers), DÔMLIVOUTA, responsable, il se battait seul sans aucune troupe armée( un peu comme le David de la bible). Cela a duré 5 ans. Cette histoire a tellement traumatisé le colon qu’il le cache. N’eut été la complicité de sa femme, les colons abandonneraient, et le peuple GOURO serait un Etat indépendant en dehors de la Côte d’Ivoire. Un document de 4 pages et environ 1800mots vous couper le souffle.

Le gouverneur Angoulvant est le premier à faire connaitre Banhounh en France dans son rapport sur le récit de la répression en pays Kweni(Gouro). Nous rapportons ici ce récit mot pour mot. Voilà son récit époustouflant :

En 1911, après cinq ans d’occupation, le pays n’est toujours pas soumis. Les gouros refusent de payer l’impôt, de fournir des porteurs ou d’exécuter les corvées. Le commandement militaire entreprend alors de “vastes opérations de pacifications” qui se veulent définitives contre toutes les tribus de Sinfra, les gouras(Gola), les Bron(Bonon), les Gonan et presque toutes celles de Zuenoula. Dans ce dernier secteur de Zuenoula la résistance est particulièrement vive et la répression violente : “Les populations affolées s‘éparpillent dans la forêt. A partir du 31 Mars 1912, tous les villages étant détruits, nos reconnaissances (6 à 8 par jour) pourchassent les rebelles dans la brousse. Elles se heurtent à une résistance acharnée, notamment vers Yaplefla ou deux campements de 600 et 450 cases ont été reconstruits.

LES REBELLES NOUS CAUSENT DES PERTES SÉRIEUSES, MAIS EN SUBISSENT DE CONSIDÉRABLES. LES GOUROS, TRAQUÉS SANS MERCI, NE FUIENT DEVANT UN DE NOS DÉTACHEMENTS QUE POUR TOMBER SUR UN AUTRE ”.

Un rapport militaire leur rend cet hommage:

« DE TOUS LES INDIGÈNES DE LA CÔTE D’IVOIRE, LES GOUROS DE ZIANOULA SONT INCONTESTABLEMENT CEUX QUI ONT LE MIEUX RÉSISTÉ À CE JOUR ».
Ce n’est en définitive qu’avec la capture de la mise à mort de Bambu (Banhounh), un des chefs de guerre de Zuenoula, que s’acheva la conquête, en 1914, par le désarmement des habitants.

Source:
Claude Meillassoux: « Anthropologie économique des Gouro de Cote D’ivoire ». 1964 // KWENI NEWS MAGAZINE AOUT 2012

 

Qui est donc ce Banhounh dont parle Angoulvant dans son récit?

Nous avons relevé auprès des sages de nos villages la légende de celui qu’on appelle dans le pays Kweni/gouro SERELEH BI BAHOUNH aka-BADIEGLOH.

SERELEH BI BANHOUNH OU LE SYMBOLE DE LA RESISTANCE COLONIALE CHEZ LES KWENIS

Pour beaucoup d’historiens occidentaux (et bien d’Africains), le noir est cet homme sans passé, sans histoire. Pourtant le continent Africain est le berceau de l’humanité et il regorge de plusieurs récits et faits qui retracent la vie des hommes et des femmes qui l’ont marqué. Et parmi ces valeureux et dignes fils d’Afrique, il y a Sèrèlèh bi Banhounh. S’il est moins connu dans son pays la Côte d’Ivoire, il ne demeure pas moins une véritable légende dans sa région natale qui n’est autre que la Marahoué en pays Gouro. Et ce plus d’un siècle après sa mort. Qui est donc cet homme sur lequel plane tant d‘incertitudes et s‘accumulent tant de récits polémistes ?

Pour la postérité, il est important de connaître l’histoire de cet homme. Le père de Banhounh s’appelle Sèrèlèh. Beaucoup de Gouro pensent que son nom est Sinnhinwèlè bi. Mais le vrai le patronyme de Bahoun a été révélé par le chansonnier Bôdia (Bôlia) de Gouafla (Gouhofla). Cependant, beaucoup ignorent qui était vraiment cet homme.

POUR CERTAINS, C’EST UN MAUVAIS, DOUBLÉ D’UN SANGUINAIRE. D’AUTRES AFFIRMENT QU’IL EST UN MAGICIEN. CERTAINS CROIENT MÊME QUE BANHOUNH EST UN DIEU À QUI IL FAUT RENDRE CULTE.

SES ORIGINES
Peu d’hommes ont autant marqué la période coloniale en territoire Gouro que Badiéglôh. Il y a été qualifié de ‘‘personne clé’’ dans la lutte anticoloniale et de ‘‘géant de la guerre’’. Homme intrépide, guerrier insaisissable et farouche résistant, Badiéglôh est vu comme le seul homme à avoir tenu tête véritablement aux colons. Pourtant, c’est un homme comme les autres.

Banhounh est de la lignée des Bingnanhin. Bingnanhin engendra Glomin ; Glomin engendra Louh ; Louh engendra Kolia ; Kolia engendra Sèrèlèh ; Sèrèlèh mit au monde Gouadouoh (Gouadio), Bahoun, Bolou ; Sewouoh et Gouanou. Banhounh s’appelait aussi Badiéglôh.

L’histoire ne précise pas quand il est né. Cependant, elle donne de bonnes raisons de penser que Badiéglôh était déjà adulte pendant la pénétration coloniale. Les faits montrent qu’il était marié. Et selon plusieurs sources, il est le portrait parfait de son ancêtre Bingnanhin.

SA VIE

La vie de Badiéglôh est captivante, même si elle est marquée par bien de difficultés. Quelques épisodes de son existence attestent cette thèse. Il a commencé sa carrière comme un guerrier qui tire profit du «douan »( ZALÉ QUE CHANTENT LES GALLIETS : ZALÉ A NAN TIGONANLO ). Acte qui consiste à tendre un piège à quelqu’un en vue de venger un meurtre ou une injustice pour le compte d’autrui. Il a été sollicité par plusieurs familles pour ce travail, moyennant la somme de 1 à 2 ‘’Blo’’ (monnaie utilisée autrefois en territoire Gouro). Cette pratique lui a permis de s’enrichir et de construire le ‘’Mowlè’’ ; ce qui n’est pas permis à tout le monde de posséder à cette époque. Badiéglôh se montra très habile et fin tacticien. Par contre ses actions lui voudront de passer pour un sanguinaire auprès des parents de ceux qu’il a abattu. Mais Badiéglôh va se montrer comme un redoutable guerrier et l’un des principaux acteurs dans la lutte contre la pénétration coloniale en Côte d’Ivoire et principalement dans le cercle de Zuenoula où les colons vont se heurter à lui.

SES ACTIONS CONTRE LE COLONISATEUR

Son prestige devint immense quand il défit à plusieurs reprises les colons notamment lors des embuscades qu’il leur tendait. Il se fait aider dans sa tâche par son frère Gouadouoh. Celui -ci est connu pour avoir un tempérament plus impulsif que son frère. Et malgré la supériorité des colons qui disposaient d’artilleries lourdes, Badiéglôh et son frère leur infligèrent de sérieuses pertes. Ils ont pu ainsi faire échouer à plusieurs reprises les tentatives de pénétrations des colons dans le pays Gouro (Kweni) grâce cette solidarité familiale mais aussi à leur clairvoyance militaire.

ÉTANT DONNÉ QUE LE NOM DE BADIEGLOH S’EST RÉPANDU DANS TOUT LE CANTON COMME LE VÉRITABLE TUEUR DE COLONS, IL SERA L’OBJET D’UNE RECHERCHE DANS TOUT LE TERRITOIRE GOURO.

Par contre, il faut mentionner que Badiéglôh n’était pas le seul à tirer sur les colons. Beaucoup commettaient aussi des attaques contre les colons et le rendait responsable. Ces actions montèrent davantage la colère des colons contre lui qui multiplièrent le massacre des Gouro. Face à cette situation, ceux-ci décidèrent de signer le traité de paix avec les colons pour éviter le massacre des innocents qui payaient de leur vie la témérité de Badiéglôh. Les colons s’opposèrent à cette proposition et exigèrent sa capture. C’est ainsi que colons aidés par les Gouro entreprirent une vaste campagne de recherche de Badiéglôh.

Se sentant en danger et ne pouvant compter sur le soutien des siens, Badiéglôh élu domicile avec sa femme dans la forêt à la demande de Oula tah bi zamblé son beau-père.

LE RÔLE DE SA FEMME DANS SON ARRESTATION

Selah Lou Nan était la fille d’Oulah Tah bi Zamblé. Elle est l’épouse de Badiéglôh. L’histoire donne peu de détail sur elle. Pourtant elle a joué un rôle clé dans la chute de son héros de mari.

Informée de ce que son père Zamblé est sous la menace permanente des colons qui l’accusent d’être de mèche avec Badiéglôh, elle se rallia aux ennemis pour entamer le processus de l’arrestation de celui-ci. Elle sera utilisée comme un canal pour entrer dans l’intimité de Badiéglôh en vue d’identifier ses points faibles. Elle procéda d’abord par le prélèvement de quelques cheveux et de morceaux de vêtements de son mari pour d’éventuelles pratiques fétichistes, mais en vain. La deuxième tentative est un repas à la sauce Zibely (champignon en territoire Gouro dont l’incompatibilité avec le vin de palme, est connu de tous).

SACHANT QU’APRÈS CHAQUE REPAS, BADIÉGLÔH PREND TOUJOURS UN POT DE VIN DE PALME, SA FEMME LUI fit MANGER CETTE SAUCE À SON INSU
Badiéglôh s’affaiblit aussitôt et entra dans un profond sommeil. Nan en profita pour informer discrètement les ennemis. Le premier qui se jeta sur Badiéglôh fut sévèrement transpercé par son épée de guerre. Mais rendu vulnérable, sans défense et seul au combat, il est capturé et transmis aux colons à Yah bi Zuenoula, l’actuelle Zuenoula et jeté au Kaho (prison en Gouro ) où il fut jugé et condamné à mort.

LE JOUR DE L’ASSASSINAT DE BADIEGLOH

Le jour de l’exécution de Badiéglôh, de nombreux habitants étaient présents car la nouvelle avait fait le tour de toutes les contrées. Et tous étaient curieux de connaître enfin ce mystérieux guerrier qui faisait tant parler de lui. Quinze soldats ont été sélectionnés pour mettre fin à la vie de la personne la plus gênante du territoire.

MAIS AUX SALVES DES TIRS DE CE PELOTON D’ÉLITE , CE SONT DES JAILLISSEMENT D’EAU QUI RÉPONDIRENT. BADIÉGLÔH SÉRIEUSEMENT INVULNÉRABLE FACE L’ARME À FEU N’AVAIT PAS FINI DE DONNER DU FIL À RETORDE À SES ENNEMIS.

Cette scène pour le moins insolite dura toute la journée. Son frère Gouadouoh (Gouadio) a dû plaider auprès de lui pour qu’il livre son dernier secret (…). Badiéglôh ressentant sûrement la souffrance de tout le peuple Gouro et, pris de pitié, consentit à livrer ainsi son secret. Il a tendu la main en direction du nord en répondant : « allez vers le village des ‘’dioula’’, prenez trois grains d’excréments de cabri, mettez-les dans votre fusil et tirez sur moi »

C’est ainsi que Goninnonnin Badiéglôh a été abattu. Figure légendaire de la résistance coloniale, Badiéglôh a marqué les esprits de ses contemporains et s’avérera un redoutable combattant. Il est resté fidèle à la résistance jusqu’à sa mort, une mort cruelle et douloureuse entre les mains de ses ennemis. Et si les colons n’ont vu en lui qu’un être sanguinaire, les lutteurs pour l’indépendance de l’Afrique n’ont pas manqué de saluer le combat de cet homme qui élevé au rang de héros et de résistant. Un seul bémol : l’absence de cet illustre personnage dans les manuels scolaires en Côte d’Ivoire.

texte: MARCEL TRA avec la collaboration de BAÏTY BOREAUD.
Quelques parenthèses de Gala Kolebi

Pour terminer, quelques mots sur l’administrateur Gabriel Angoulvant, repris sur Wikipédia

Description de cette image, également commentée ci-après

Gabriel Louis Angoulvant (18721932) est un administrateur colonial français, en poste dans plusieurs pays d’Asie et d’Afrique, puis gouverneur général en AEF et en AOF.

Gabriel Angoulvant est né à Longjumeau dans l’Essonne le . Major de la promotion 1891 de l’École coloniale, titulaire d’un brevet de la section administrative, il étudie aussi le chinois et l’annamite à l’École des langues orientales, avant de commencer une carrière dans l’administration coloniale1.

Il est chancelier de résidence au Tonkin, vice-consul en Chine, puis secrétaire général de la Côte française des Somalis (dont il est gouverneur par interim de janvier à décembre 1900). Il publie ensuite Djibouti, Mer Rouge, Abyssinie (1902). La suite de son parcours le mène au Congo et en Guadeloupe, puis à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans l’Inde française (1906) dont il devient le gouverneur.

Le il est nommé gouverneur de la Côte d’Ivoire où il séjourne pendant huit ans. Dans ce pays, la résistance à la pénétration coloniale est vive (le cas le plus connu est celui de la révolte des Abès ou Abbey ). Pour asseoir rapidement et définitivement l’autorité de la France sur le territoire, Angoulvant opte pour l’accélération forcée de la colonisation :

« Je désire qu’il n’y ait désormais aucune hésitation sur la ligne politique à suivre. Cette ligne de conduite doit être uniforme pour toute la Colonie. Nous avons deux moyens de les mettre en pratique : ou attendre que notre influence et notre exemple agissent sur les populations qui nous sont confiées ; ou vouloir que la civilisation marche à grands pas, au prix d’une action… J’ai choisi le second procédé2. »

Au moment de l’insurrection des Abès et d’autres Baoulé, Bété en Côte d’Ivoire (1908-1910), il entreprend la «pacification» du pays : opérations militaires, internements, amendes de guerre, regroupement de villages et déportation des «têtes-de-fil» Abès et autres. Il expose son bilan dans La Pacification de la Côte d’Ivoire, 1908-1915 : méthodes et résultats (1916).

Il devient gouverneur général de l’Afrique-Équatoriale française le .

Lorsque le gouverneur de l’Afrique-Occidentale française (AOF) Joost van Vollenhoven démissionne le avant de mourir au champ d’honneur le , Gabriel Angoulvant fait fonction jusqu’au . Auguste Brunet prend alors la relève pour quelques semaines, jusqu’à la nomination de Martial Merlin.

Alors que son prédécesseur, Van Vollenhoven, avait émis un avis défavorable au principe d’un nouveau recrutement de tirailleurs sénégalais, le gouverneur fraîchement promu soutient au contraire l’action de Blaise Diagne :

«  « La France d’abord, la victoire avant tout.. ». Un enthousiasme évident était suscité dans un grand nombre de milieux autochtones par la présence d’un frère de race parvenu à une haute situation dans le pays3. »

En 1920 il prend sa retraite et rentre en France. Il siège à la commission anti-esclavagiste de la Société des Nations (SDN). Nommé commissaire général de l’Exposition coloniale internationale de Paris – prévue pour 1925, mais qui n’aura finalement lieu qu’en 1931 –, il doit renoncer à cette fonction lorsqu’il est élu député de l’Inde française aux élections législatives du . Il adhère à la gauche radicale et continue de s’intéresser aux affaires coloniales, participe à des commissions et s’implique dans divers projets intéressant les colonies.

Il meurt le à Paris. Il était Commandeur de la Légion d’honneur.

il y a un boulevard Angoulvant à Abidjan et un autre à Grand Bassam (première capitale de la Côte d’Ivoire), ainsi qu’une rue à Saint Louis du Sénégal.

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Évoluant au crépuscule et à la tombée de la nuit, je vous laisse un meilleur souvenir, celui de l’Engoulevent d’Europe, plus sympathique que son presque homonyme bipède ci-dessus.
Somptueux oiseau de nuit, devenu rare, difficilement observable, souvent  victime de la circulation nocturne. Le jour, il se repose couché à terre ou sur une branche.