La république en Marche ou l’exemplarité illustrée

« En Marche » vers quoi ? Affaire Ferrand :
chronique d’un citoyen en colère !

Pour la presse « pro-système », rien n’est illégal : affaire (quasi) classée !

Les faits ci-dessous, relatés par le Canard enchaîné, remontent à janvier 2011. Richard Ferrand, conseiller régional de Bretagne, est alors directeur général des Mutuelles de Bretagne, qui cherchent des locaux sur Brest.

Parmi trois offres immobilières, une retient l’attention du conseil d’administration des Mutuelles. Celle d’une société civile SACA.

Or, ce n’est autre que l’épouse de M. FERRAND, Mme Sandrine DOUCEN, au demeurant avocate, qui est à l’origine de cette société, qui n’a alors pas même d’existence légale, ni de titre de propriété concernant le bien qu’elle propose.

En effet, ce n’est qu’une fois le choix des Mutuelles bretonnes arrêté en faveur de SACA, que Mme DOUCEN a déposé à son nom les statuts de cette société, puis acheté le bien immobilier, sans avancer un seul centime : un emprunt couvrant 100% de la dépense pour un montant de 402 000 €, a en effet été obtenu auprès du Crédit agricole. La banque n’a à l’évidence pas posé de difficulté, l’opération se révélant juteuse : elle sera couverte par un loyer annuel de 42 000 euros qu’acceptent de verser les Mutuelles. En outre, toujours selon le Canard, « Les lieux seront intégralement rénovés – et sans contrepartie – aux frais des Mutuelles, pour un montant de 184 000 euros ».

Autrement dit, presque SANS AUCUN RISQUE, un patrimoine de 586 000 € est ainsi constitué, quasi EX-NIHILO, sans compter ce que rapporteront les loyers liés à cette opération.

Or, que relaie la presse presque unanime « à décharge »  ? Que cela ne serait pas illégal… Plusieurs arguments sont avancés :

  • il n’y a certes pas de prise illégale d’intérêts nous dit-on, car ce délit n’existe au plan pénal que lorsqu’il est accompli par une autorité publique, ce qui est vrai. Il s’agit en l’occurrence d’une opération purement privée.
  • rien n’interdisait aux Mutuelles de Bretagne de retenir l’offre de SACA, à deux conditions : qu’elle soit la plus compétitive et que le lien entre sa gérante et Richard Ferrand soit connu des membres du bureau du conseil d’administration.

Toutefois, la légalité d’une telle opération, si elle était avérée, pourrait s’avérer douteuse pour plusieurs raisons :

  • tout d’abord, le Canard Enchaîné affirme que la relation de M. FERRAND avec Mme DOUCEN n’a pas été mentionnée dans le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle a été sélectionnée l’offre. Interrogés par le Canard, l’actuel président des Mutuelles de Bretagne dit qu’il était au courant, mais Michel BURIENS, dirigeant de l’époque, n’en garderait aucun souvenir.
  • mais surtout, sur un plan juridique, se poserait alors la question de la bonne foi de M. FERRAND. Bonne foi, car il est pour le moins surprenant de voir un appel d’offre attribué, fusse par le conseil d’administration des mutuelles, à une société qui n’a pas encore d’existence juridique ! Bonne foi, car la transaction pour l’achat de l’immeuble concerné aurait pu se faire sans intermédiaires (Mme DOUCEN), à moindre frais, les Mutuelles devenant alors propriétaires d’un bâtiment dans lequel elles ont fortement investi, sans devoir ensuite payer un loyer. Rappelons tout de même que les mutuelles ont investi 184 000 € de travaux dans l’opération (soit près de 30% du total), valorisant ainsi sans conteste l’investissement de Mme DOUCEN !!! Sous cet angle, il n’est pas interdit de penser que l’opération puisse sembler contraire aux intérêts des mutuelles. Il ne fait par contre aucun doute qu’elle soit plus que favorable aux intérêts du couple FERRAND DOUCEN.

Or, les questions sus-évoquées de la bonne foi et de l’intérêt du couple, sont à mettre en relation avec la qualification d’abus de bien social, délit répréhensible pénalement et défini par l’article L241-3 du code de commerce qui prévoit notamment :

« Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros :

(…) Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

(…) Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement (…) ».

Dans l’intérêt de la démocratie, il serait bon que la presse puisse analyser la situation de manière plus objective : mais, presque intégralement partie prenante du « système », la presse a-t-elle encore aujourd’hui un soupçon même d’objectivité ?

Au-delà, il serait bon que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Les Républicains, qui n’ont certes pas beaucoup de leçons à donner en la matière, ont saisi la justice via le parquet financier, qui s’est rapidement déclaré incompétent… Pure mascarade mise en scène par ce parti dans la seule perspective des législatives : iront-ils plus loin ? Rien n’est moins sûr.

En tout état de cause, les suites (ou leur absence) données à cette initiative seront très instructives…

En conclusion, il semble nécessaire que la loi prévoit l’impossibilité pour un élu ou un responsable politique d’exercer ou de continuer à exercer un mandat ou une fonction en cas de condamnation pénale. Populisme diront certains (la grande majorité de la « classe journalistique »)… Mais n’exige-t-on pas des candidats à un concours de la fonction publique un casier judiciaire vierge ? Pourquoi n’imposerait-on pas aux uns les exigences de vertu attendues des autres ?

Sans même parler du droit, cette affaire est moralement aussi détestable que l’affaire FILLON, mettant par ailleurs en cause un responsable politique, censé devoir montrer l’exemple dans une démocratie digne de ce nom (la fameuse « république exemplaire »).

POUR FINIR, je ne peux m’empêcher de vous livrer la reproduction (donc entre guillemets) d’un commentaire parodique rendu public sur agora vox, qui m’a franchement amusé :

« Résumons cette histoire romantique …

Un beau matin Sandrine se réveille dans les bras de son compagnon et a une idée lumineuse :
– Chéri dit-elle, j’ai envie de créer une SCI,
– Très bonne idée lui repond Richard, ça te fera une occupation pendant que je bosse ma douce…
Elle s’intéresse aux annonces immobilières et découvre qu’un local est à vendre. Comme elle n’a pas l’argent nécessaire, elle court à la banque demander un prêt.
– Comment comptez-vous rembourser ? dit le banquier.
– Je trouverai bien une société qui voudra bien louer et prendre en charge les travaux, dit-elle.
Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, le directeur d’une mutuelle cherche un local à louer et à rénover aux frais de sa propre mutuelle et lance un appel d’offre.
C’est l’offre de Sandrine qui est choisie, alors que sa société n’est pas encore constituée !
– Décidément je suis née sous une bonne étoile ! se dit Sandrine in petto …
Quelques temps après avoir réalisé toutes les formalités, elle se rend au local qu’elle a acquis pour rencontrer ses locataires et là OH SURPRISE ! La société qui a loué les locaux n’est autre que la mutuelle dont son fiancé est le directeur !!! ».

Heureusement que beaucoup de Français aiment encore les contes de fées…
agoravox.fr