Kieffer – Mehdi Ben Barka : deux enlèvements,même méthode, mêmes intérêts français !

une ancienne chronique de Hassane Magued

Kieffer - Mehdi Ben Barka : deux enlèvements,même méthode, mêmes intérêts français !

Les temps changent, mais pas les méthodes pour protéger les intérêts français. L’affaire Guy-André Kieffer, Colonel de l’Armée française habillé d’un manteau de journaliste pour faire du renseignement, a connu à quelques différences près, le même sort que Mehdi Ben Barka, leader panafricaniste marocain enlevé et tué à Paris pour protéger les intérêts français. Suivons ensemble les similitudes entre ces deux affaires pour enfin comprendre toute la dimension politique du cas Guy-André Kieffer.

Les circonstances de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka

Mehdi Ben Barka né en janvier 1920 à Rabat au Maroc, était un homme politique marocain, principal opposant socialiste au roi Hassan II et leader du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste.

Il fonde, en septembre 1959, l’Union nationale des forces populaires (UNFP), principal parti de gauche opposé au régime royal. Le futur Hassan II, ambitieux et aspirant à succéder au plus vite à son père Mohammed V, organise la répression de la gauche dirigée par Ben Barka, ce qui contraint ce dernier à l’exil à Paris. À la mort de Mohammed V en 1961, Hassan II monte sur le trône et annonce vouloir faire la paix avec son principal opposant. Ben Barka rentre au Maroc en mai 1962.

Alors qu’il est chargé d’organiser la participation des mouvements révolutionnaires du tiers-monde à la Conférence tricontinentale qui devait se réunir à la Havane en 1966, Ben Barka se rend à Paris sur invitation de Philippe Bernier, journaliste enquêteur, pour un rendez-vous avec des cinéastes ayant un projet de films sur la décolonisation.

Le 29 octobre 1965 à 12:30, devant la brasserie Lipp du 151 boulevard Saint-Germain de Paris où il devait retrouver ses interlocuteurs, Ben Barka est interpellé par deux policiers français, l’inspecteur principal Louis Souchon (chef du groupe des stupéfiants à la Brigade mondaine) et son adjoint Roger Voitot, qui le font monter dans une voiture au côté de Le Ny, homme de main d’un certain Georges Boucheseiche (apparemment un des messieurs sales boulots du Réseau Foccart). Prétextant qu’il doit rencontrer une haute personnalité, les policiers emmènent Ben Barka dans la propriété de Georges Boucheseiche à Fontenay-le-Vicomte. Le 30, le général Oufkir et le colonel Dlimi (tous deux officiers marocains) se rendent dans cette propriété. Le 31 octobre 1965, la disparition de Mehdi Ben Barka est signalée aux autorités françaises par son frère.
Après 40 années d’une enquête judiciaire, l’implication des pouvoirs politiques marocains et français, est connue désormais de tous. Mais le corps de Ben Barka ne fut jamais retrouvé.

Les circonstances de l’enlèvement de Guy-André Kieffer

Ceux qui l’ont connu avant qu’il ne se fasse passer pour un journaliste d’investigation, spécialiste des matières premières, l’ont toujours présenté comme un Colonel de l’Armée française travaillant comme agent de renseignement français, notamment au service de la DGSE.

Quelques temps avant sa disparition, Guy-André Kieffer menaient des investigations dans le secteur café-cacao. Dans le cadre de ses travaux d’investigation, Guy-André Kiffer révèle en 2004 dans le quotidien étatique Fraternité-Matin sous le pseudonyme «Laurent» avec le titre «Armajaro et AIG Fund : les financiers de la déstabilisation», que Anthony Ward, le patron de la société Armajaro et Loïc Folloroux, le fils de Dominique Ouattara, ont financé la rébellion de Ouattara lancée en 2002 contre le régime de Laurent GBAGBO en spéculant sur le cacao ivoirien de façon anormale.

Pour rappel, la rébellion de 2002 a été constituée au Burkina Faso par Ouattara avec l’encadrement technique de la France et l’appui administratif et logistique de Blaise Compaoré mandaté par la France et Ouattara pour préparer cette rébellion. Ces informations ont été connues du public grâce un témoignage vidéo de Ibrahim Coulibaly alias IB patron officiel du « Commando Invisible », quelques jours avant son exécution par les hommes de Ouattara, exécution qui intervint après la capture de Laurent GBAGBO par la France le 11 avril 2011. Cette vidéo est disponible sur Internet.

C’est le 16 avril 2004 que le journaliste Guy-André Kieffer, est porté disparu. Sortant du café de la Galerie du Parc sise à Abidjan Plateau, il est intercepté par des individus en civil, se présentant à lui comme des éléments de la Brigade de Recherche. Guy-André Kiffer obtempère et se faire conduire vers une destination inconnue par ses ravisseurs. Depuis cette date, Guy-André Kieffer est porté disparu et son corps n’a pas encore été retrouvé.

Affaire Mehdi Ben Barka : voici comment la France a brouillé les pistes qui mènent à elle.

Méthode 1 : Les déclarations des autorités françaises pour se couvrir. Lors de sa conférence de presse du 21 février 1966, le général de Gaulle déclare : « Du côté français que s’est-il passé ? Rien que de vulgaire et de subalterne. Rien, absolument rien, n’indique que le contre-espionnage et la police, en tant que tels et dans leur ensemble, aient connu l’opération, a fortiori qu’ils l’aient couverte. » Cette fameuse affirmation sera contredite par les découvertes ultérieures : le SDECE (ancêtre de la DGSE) était bien au courant du projet d’enlèvement tout comme de la suite dudit projet.

Méthode 2 : Les témoignages exclusifs contradictoires. Les premières révélations furent celles du Magazine l’Express. Des années plus tard, arriveront les révélations d’Ahmed Boukhari. Selon ces révélations qui datent de juillet 2001, Mehdi Ben Barka aurait été exfiltré vers le Maroc, torturé, puis son corps dissout dans une cuve d’acide. Toutefois, depuis cette date, il n’a pas été encore entendu par le juge Ramaël qui enquête sur cette affaire comme sur celle de Kieffer.

Il y a aussi les révélations des Frères Bourequat. Ils ont déclaré que des truands français ayant participé à l’enlèvement de Mehdi Ben Barka s’étaient réfugiés au Maroc. D’abord tenanciers d’établissement de nuit, ils ont ensuite été enfermés au bagne de Tazmamart, puis exécutés et enterrés en secret.

Curieusement, dans les mêmes conditions, Mohamed Lahrizi, fidèle compagnon et membre de la garde rapprochée de Ben Barka, pour avoir refusé de trahir ce dernier, connaîtra trois ans plus tôt, un sort non moins tragique en 1962. L’homme a non seulement été sauvagement assassiné mais de plus, sa femme, une ressortissante suisse et sa petite fille de 8 ans ont été kidnappées et portées disparues depuis 1962 Mais, ce dossier ne figure pas dans les instructions du Juge français Patrick Ramaël.

Affaire Guy-André Kieffer : voici comment la France brouille les pistes qui mènent à elle.

Méthode 1 : La France choisit de lier la mort de Kieffer au nom GBAGBO. France 3, la télévision française en a la responsabilité. Dans l’affaire Kieffer, le code de conduite est de toujours rattacher l’évocation de la mort de Kieffer au nom GBAGBO. La couverture de l’affaire par les média français est plus que d’une cohérence propagandiste et tendancieuse. Légré Michel, premier suspect de l’affaire est dit-on le beau frère de Simone GBAGBO, épouse de Laurent GBAGBO. Cette précision est toujours faite avec insistance. Tony Oulaï, un autre suspect est présenté comme militaire de l’armée de GBAGBO et membre de la Garde Présidentielle de GBAGBO. Comme avec Légré Michel, ce qui importe, c’est le nom GBAGBO.

Les deux faux témoignages, l’un donné par un certain Berté Seydou alias « Méité » est présenté comme celui du chauffeur de Tony Oulaï. Berté Seydou passé en boucle comme témoin crédible par les chaînes françaises dit avoir été informé des préparatifs de l’enlèvement par les proches de GBAGBO. Il aurait convoyé personnellement Kieffer puis assisté à son exécution et son enterrement à Yopougon ; l’autre témoignage est donné par un escroc burkinabè s’étant présenté sous le faux nom d’Alain Gossé et se faisant passer pour un militaire ivoirien de grade « Major » qui aurait été informé des détails de l’enlèvement et de l’exécution de Kieffer par ses collègues officiers de l’entourage de GBAGBO.

Méthode 2 : les témoignages contradictoires. Berté Seydou présenté par France 3 comme témoin oculaire a dit qu’il a assisté à l’exécution par mitraillette de Guy André Kieffer à Yopougon. Il affirme : « Guy-André Kieffer est arrivé dans une voiture 4X4 blanche conduite par Tony Oulaï et suivie de deux voitures et des éléments de Scorpion-2, avec l’adjudant Zambi. Il était 13 H 30, dans la villa de la Riviera-Palmeraie. Dans l’après-midi, ils ont emmené Guy-André Kieffer à la présidence de la république, où il a passé deux jours sous les interrogatoires du colonel Yédess. Le 18 avril, Tony Oulaï, Zambi et ses éléments ont récupéré Guy-André Kieffer à la présidence de la république, et ils l’ont conduit à la ferme de Yopougon au Km17. Là-bas, sous le regard de Tony Oulaï, qui a tiré deux coups en l’air, Zambi et ses éléments ont mitraillé Guy-André Kieffer et l’ont enterré sur place. »

Le témoignage d’Alain Gossé de son vrai nom Zinsonni Nobila Paul, né officiellement en 1960 le 1er janvier à Zitougou de nationalité Burkinabè, dit qu’il est officier de l’Armée ivoirienne. Il n’a pas assisté à l’exécution mais ses « collègues » officiers lui ont raconté que Kieffer a été enfermé au sous-sol de la Présidence puis sorti et exécuté sur ordre de l’entourage de GBAGBO.

Mais qu’il s’agisse de l’escroc se faisant appeler Alain Gossé ou de Méité Seydou, tous ces témoignages sont des faux organisés par la France pour brouiller les pistes. Par simple bon sens, la fable racontée par Berté Seydou est plus que ridicule. Aucun officier militaire en mission commandée ne se fera conduire en voiture par son chauffeur civil pour assister à l’exécution de cette mission.

Le dernier témoignage est celui de « Gorge Profonde »* qui vient de révéler au quotidien le Nouveau Courrier, avec tous les détails, les circonstances de l’enlèvement et de l’exécution de Kieffer par lui et ses hommes sur demande d’un proche de Ouattara, suite à son article très dérangeant sur le fils de Dominique Ouattara et le financement de la rébellion créée en 2002 par Ouattara et la France. Il dit savoir où se trouve le corps. Deux ou trois jours après ce témoignage, les restes (?) de Kieffer sembles être retrouvés mais la presse française à l’unisson rappelle les premiers faux témoignages qui n’ont mené nulle part et rattache la mort de Kieffer au nom GBAGBO.

Le vrai mobile et la vraie piste de Ben Barka et de Kieffer

Le mobile et la vraie piste de l’enlèvement et de l’exécution de Ben Barka : Le magazine l’Express du 17 juillet 2007 révèle que Mehdi Ben Barka aurait renseigné les services secrets tchécoslovaques. Son nom de code, attribué par Zdenek Micke aurait été Cheikh. Il travaillerait pour le Bloc de l’Est en pleine Guerre froide. Puissant homme politique et menace réelle de l’allié de la France au Maroc, Ben Barka a été attiré dans un traquenard puis exécuté par des officiers de Police français au vu et au su de la DGSE. Après quoi, son corps s’est volatilisé pour éloigner toute piste qui mènerait aux Autorités françaises. Le mobile du crime est donc politique et géostratégique.

Le mobile et la vraie piste de l’enlèvement et de l’exécution de Guy-André Kieffer : Ils sont quasi identiques à ceux qui ont valu à Ben Barka d’être enlevé et exécuté. Kieffer était sur le point de révéler plus en détail, un vaste complot conduit par la France, Ouattara et le fils de sa femme pour financer la rébellion de 2002 lancé sous la supervision de la France et du Burkina Faso contre la Côte d’Ivoire. En exécutant Kieffer, il la boucle pour toujours et d’une pierre, on en fait deux coups : d’abord en accroissant la haine des français contre GBAGBO, ensuite, en réussissant à lui mettre à dos toute la presse occidentale.

Cela prépare les esprits à l’assaut final de la France contre Laurent GBAGBO, dont la femme, les beaux frères, les gardes du corps sont présentés comme des « tueurs » de français. Armajaro peut alors poursuivre son soutien à la rébellion, Ouattara s’en tire sans égratignure, la France règle un problème politique et géostratégique.

Guy-André Kieffer a été tué par la France tout comme Ben Barka.

Dans l’affaire Kieffer, il y a trois agents de la DGSE française qui ont été accusés d’enlèvement par la Justice ivoirienne. Leur nom n’est jamais évoqué par la presse française. Ce sont : Jean-Michel Aaron Brunetière, Stéphane De Vaucelles et Jean-Yves Garnault. Voici les vrais suspects et sans aucun doute les vrais tueurs qui ont organisé l’enlèvement et l’exécution de Kieffer pour couvrir la France, Ouattara et Armajaro.

Si par extraordinaire, le corps de Kieffer est celui retrouvé le vendredi 6 janvier dernier, c’est que « Gorge Profonde » a révélé la vérité. En toute vraisemblance, la France a déterré le squelette entre Sikensi et Abidjan et ensuite, a confié la diversion et la manipulation médiatique à France 3 et à toute la presse française. Kieffer n’a jamais été retrouvé à Issia. C’est bel et bien entre Sikensi et Abidjan que le squelette présenté comme celui de Kieffer a pu être déterré.

Mais feu Désiré Tagro et Bohoun Bouabré viennent de la zone présentée comme abritant le corps de Kieffer. Dire que c’est vers Sikensi qu’on déterré le squelette de Kieffer sur indication de « Gorge Profonde », c’est confirmer le lien entre l’exécution de Kieffer, la rébellion de 2002, Ouattara, la France et Armajaro. La France ne peut pas accepter qu’une telle vérité se sache. Surtout que les dernières victoires de GBAGBO Laurent à la CPI ont fini par la discréditer dans l’opinion publique. Alors, les ossements vrais ou faux de Kieffer restent une belle trouvaille pour tenter un énième dénigrement désespéré de Laurent GBAGBO.

La vérité, c’est que la France a fait enlever et exécuter Kieffer par les tueurs au service de Ouattara. Ceux-ci ont sûrement été encadrés par les agents de la DGSE Jean-Michel Aaron Brunetière, Stéphane De Vaucelles et Jean-Yves Garnault. Un jour, l’histoire nous en dira plus.

A Très bientôt.
Hassane Magued

 Samedi 14 Janvier 2012
* (ndlr: le fameux gorge profonde est mort peu de temps après son témoignage, dans l’incendie de sa maison)