In memoriam:Simone Veil

Simone Veil : «Sa lutte pour le droit à l'avortement reste d'actualité»
Quel souvenir je garde de Simone Veil en dehors de tout ce qui a été dit et bien dit sur elle depuis l’annonce de son décès ce matin ??
Eh bien c’était en janvier 2005, après la parution de mon livre « Noirs dans les camps nazis ». Nous étions, elle et moi, les invités, sur France 3, d’une émission sur la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément sur les camps de concentration et d’extermination.
Petite précision pour celles et ceux qui ne le savent pas: Simone Veil a été déportée à l’âge de 16 ans, elle a passé plusieurs mois à Auschwitz, d’avril 1944 à janvier 1945. Un vrai traumatisme, auquel s’est ajouté, après la guerre, un véritable déni, puisque pendant longtemps la France n’a pas voulu entendre parler de la déportation des juifs. Du coup, il leur a fallu batailler dur, pour faire reconnaître ce drame, aujourd’hui largement médiatisé…
Ce soir-là, ce soir de janvier 2005, sur le plateau de France 3, Simone Veil a pris la parole pour expliquer comment le souvenir de ce drame s’est transmis dans sa famille et plus généralement dans sa communauté. Je cite de mémoire ses propos: « Depuis la fin de la guerre, tous les dimanches, quand nous nous retrouvons en famille, nous parlons de la Shoah. Nous nous rappelons ce que nous avons vécu et nous pensons à celles et ceux qui n’ont pas survécu ».
J’ai été édifié de l’entendre et de voir surtout comment, en dehors de l’écho médiatique qui accompagne désormais cette tragédie, on pouvait ainsi, chaque semaine, pendant soixante ans, entretenir dans le cercle familial le souvenir de la Shoah chez ses enfants, chez ses petits enfants, mais aussi pour soi-même, tout en continuant à vivre, à rire et à chanter. C’est une leçon pour tous ceux d’entre nous qui s’intéressent à l’histoire et à la transmission de tout crime contre l’humanité, une leçon également pour tous ceux qui ignorent ou feignent d’ignorer qu’on peut regarder le passé en face, en ayant les deux pieds dans le présent et la tête dans le futur…
Serge Bile

Parce que sa présence a accompagné, et de quelle façon, ma vie d’homme, la disparition de Simone Veil provoque ce pincement appuyé qui révèle que ce départ est quelque chose de fort.
Les réseaux comme l’État vont, je l’espère, lui rendre les honneurs qu’elle mérite. Et sans illusion, qu’il ne se trouvera personne pour salir sa mémoire.

Je ne vais pas ajouter aux louanges méritées, simplement rappeler le premier souvenir qui m’est revenu lorsque j’ai appris sa disparition.

En 1944 Simone Jacob avait 16 ans lorsque la trahison de ces Français indignes, la livra aux nazis, comme le reste de sa famille. Trahison qui ne fut pas payée du véritable prix à la Libération, puisque quelques-uns de ces ignobles purent encore aider Jean-Marie Le Pen a créer le Front National 30 ans plus tard. Cela, il faut ne jamais l’oublier.
Déportée à Auschwitz, en mentant sur son âge, elle échappera au gazage, et en janvier 1945 elle participa, comme Henri Krasucki à peine plus âgé, aux terribles marches de la mort organisées par les SS pour évacuer Auschwitz face à l’avancée de l’Armée Rouge. Jusqu’au camp de Belsen où était morte Anne Frank. Dont elle fut libérée le 15 avril 1944 épargnée par l’épidémie de typhus qui décimait les survivants. Son frère et ses parents eux aussi déportés, ne revinrent pas.

Lorsqu’elle présenta à l’automne 1974 devant l’Assemblée nationale son projet de loi autorisant le recours à l’avortement, elle subit dans la presse, mais aussi dans l’hémicycle des attaques particulièrement infectes. Un parlementaire, dont comme l’Histoire, j’ai oublié le nom, se permit de lui reprocher dans le débat : « d’organiser un génocide » avec sa loi.
Je me souviens de la réponse terrifiante et glacée, de celle qui portait le numéro 78651 sur la peau de son bras gauche. Qui disait en substance au déshonorable parlementaire qu’elle connaissait bien le sens du mot « génocide ».
Instantanément pulvérisé, l’imbécile disparut sous son pupitre, où le ménage récupéra la poussière, direction les poubelles de l’Histoire. Où sa trace est perdue pour toujours.
En revanche, celle que nous laisse Madame Simone Veil est simplement magnifique.
Merci Madame.

Régis de Castelnau