Décès du dernier ministre d’Houphouet Boigny

Léon Konan Koffi, l’un des plus proches collaborateurs du premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, est décédé mardi à Abidjan, à l’âge de 89 ans.
Né le 16 novembre 1928 à Grand-Lahou, Léon Konan Koffi a intégré l’Administration ivoirienne dès l’âge de 20 ans, en 1948.
Ainsi, l’administrateur civil débute sa carrière en tant que sous-préfet de Bingerville, puis de Gagnoa avant d’être nommé premier préfet de Gagnoa (1970-1974) puis de Bouaké (1974-1981). De 1981 à 1990, Léon Konan Koffi est nommé ministre de l’Intérieur dans plusieurs gouvernements de Félix Houphouët-Boigny, avant de devenir ministre de la Défense à partir 1990. Un poste qu’il occupe jusqu’au décès du père de la Côte d’Ivoire en 1993.

LEON KONAN KOFFI : UNE VIE AU SERVICE DU POUVOIR D’HOUPHOUET ET DE SA TRIBU.

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Léon Konan Koffi est mort le 29 août 2017 à Abidjan à l’âge de 89 ans. Cet homme, militant de première heure du Pdci-Rda, né à Grand-Lahou le 16 novembre 1928, a été plusieurs fois ministre sous le président Houphouët-Boigny puis sous le président Henri Konan Bédié. Le moins qu’on puisse dire de lui, c’est que toute sa carrière politique pour ne pas dire toute son existence a été vouée à protéger et à pérenniser le pouvoir du premier président de Côte d’Ivoire et à défendre sa tribu, surtout la communauté des Baoulé de la diaspora dans les forêts occidentales de notre pays.

En effet, le nom de cet homme fut très tôt attaché à ce qu’il fut appelé « L’Affaire Gnagbé Kragbé », affaire qui se solda par le génocide des Guébié en 1970, le deuxième génocide après celui des Sanwi (1959-1966) que connut le pays au cours de la première décennie des indépendances. Le pouvoir d’Houphouët ne s’était pas encore bien consolidé. Et toute critique formulée contre ce pouvoir ainsi que toute proposition allant dans le sens d’une meilleure prise en charge du pays désormais délié des courroies de la colonisation française, étaient considérées comme l’expression d’une volonté de ravir à l’homme de Yamoussoukro sa position de président de la Côte d’Ivoire. Il se forma autour de ce dernier, un mur de cadres baoulé pour le défendre et défendre ce qu’ils considéraient comme leur bien propre : la présidence de la République. Au nombre de ces cadres baoulé, il y eut Barthélémy Kouakou Haccandy, alors sous-préfet à Aboisso, le premier qui remplaça les commandants de cercle français.

Lors de la revendication des Sanwi adressée au pouvoir français aux mains du général de Gaulle pour la reconnaissance de leur région comme un Etat indépendant et souverain, Haccandy, originaire de Tiébissou, s’illustra comme la terreur des Sanwi. Il réprima sévèrement ces derniers. Il donna au régime ivoirien une allure de gestapo : les Sanwi furent massivement assassinés ou emprisonnés, leurs biens – surtout les terres-, confisqués ; il organisa des séances publiques d’abjuration et de renoncement à appartenir au Mouvement de Libération du Sanwi (MLS) et bien d’autres choses encore pour soumettre le Sanwi au pouvoir du président Houphouët.

Il y eut aussi Camille Alliali. Ce dernier, alors ministre-délégué aux affaires étrangères, lorsqu’éclata la série des faux complots qui secoua le pays entre 1962 et 1963, fit partie de ceux qui poussèrent Houphouët à arrêter et à jeter en prison Kacou Aoulou et surtout Jean-Baptiste Mockey, tous deux ministres et hauts cadres du Pdci-Rda, mais qu’il soupçonna de soutenir secrètement le mouvement sécessionniste du Sanwi. Au cours d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OUA à Lagos au Nigeria en juin 1965, il se plut à expliquer à ses collègues que les cadres du Sanwi arrêtés « mus par un racisme bestial et par un orgueil insensé,… ne pouvaient admettre que la direction du pays soit confiée à quelqu’un qui ne soit pas du Sanwi d’où une opposition obstinée au président Félix Houphouët-Boigny ». Ainsi, pour protéger le pouvoir d’Houphouët, la répression qui s’abattit sur le Sanwi fit plus de 2 500 morts.

L’Affaire du Sanwi n’était pas encore totalement achevée, lorsque s’ouvrit dans le Centre-ouest du pays, une autre fissure dans le pouvoir d’Houphouët. Elle fut l’œuvre de Gnagbé Kragbé dit Opadjlé. Ce dernier en effet, voulant activer l’article 7 de la Constitution de la Première République qui reconnaissait le multipartisme, crut bon de créer, en plein environnement de parti unique réprimant, un nouveau parti, le Parti national ou PANA dont il se plut à diffuser les objectifs et les idéaux sous forme de tracts à travers la ville d’Abidjan. Nous sommes en 1967. C’était un crime de lèse-majesté. Houphouët et le Pdci ne pouvaient tolérer cela. Créer un parti d’opposition contre le régime était un parjure et on vit dans son action un délit de droit commun : escroquerie et trouble de l’ordre public et on l’accusa d’entretenir des relations avec le régime communiste de Moscou aux fins de renverser Houphouët. Le Conseil national du Pdci qui se réunit à son sujet, le traita d’aliéné et comme tel, il devait être enfermé dans un asile psychiatrique. Kragbé fut ainsi arrêté et assigné à résidence dans son village à Gabia.

A cette époque, pour pouvoir construire le barrage de Kossou, les terres du pays baoulé furent inondées par les retenues d’eau ce qui obligea Houphouët, dans le programme de l’AVB et de l’ARSO à réinstaller ailleurs les populations baoulé. Ces dernières furent nombreuses à partir occuper les terres de la Marahoué et les forêts du pays bhété et de l’Ouest, avec l’appui de l’administration, ce qui provoqua un problème foncier entre les autochtones et les nouveaux arrivants. Kragbé, bien qu’en résidence surveillée, profita de ce problème foncier pour mobiliser autour de lui les Bhété. Et, le 26 octobre 1970, une rixe violente opposa les Bhété de Gagnoa aux Baoulé qui s’étaient essaimés dans leurs forêts.

A cette époque, le préfet de Gagnoa était Léon Konan Koffi. Un Baoulé comme Houphouët. Comme ce dernier, il vit dans l’action de Kragbé et la réaction des Bhété comme une volonté de ceux-ci de mettre en péril leur pouvoir. Sous le rapport de Léon Konan Koffi, l’armée fut mobilisée et un homme comme Gaston Ouassénan Koné, premier gendarme à remplacer les Français à la tête de la gendarmerie nationale ne fit pas dans la dentelle. Les Bhété furent massacrés sans ménagement. On parla de 6 000 morts. Houphouët lui-même ne reconnaîtra que 4 000, tous enterrés dans des fosses communes. Kragbé qui avait réussi à se réfugier à Sassandra, sera vite repéré, rattrapé et trainé jusqu’à Gagnoa. On ne saura plus jamais ce qu’il advint. Sa mort et son lieu d’enterrement restent à ce jour un mystère. Coup du sort, c’est Maurice Kakou Guikahué, un fils des survivants de ce massacre, aujourd’hui secrétaire exécutif du Pdci-Rda qui, non seulement le décora au nom du président Konan Bédié au grade de Grand Officier dans l’Ordre du Bélier le mercredi 16 décembre 2015, mais sera l’un des derniers cadres du parti d’Houphouët à lui rendre visite à quelques jours de sa mort.

Suite à ce massacre, Gaston Ouassénan Koné sera félicité et sera nommé secrétaire d’Etat à l’Intérieur (1974-1976) puis ministre de la Sécurité (1976-1983). Quant à Léon Konan Koffi, il entrera au gouvernement d’abord comme ministre de l’Intérieur sous la Primature d’Alassane Dramane Ouattara du 7 novembre 1990 au 9 décembre 1993 puis comme ministre de la Défense sous la Primature de Daniel Kablan Duncan jusqu’en 1999.

Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avec la proclamation du retour du multipartisme et de l’avènement du Front populaire ivoirien, avec à sa tête Laurent Gbagbo, leader populaire et charismatique, en prévision d’une victoire électorale de ce dernier aux élections présidentielles de 1990, il prépara secrètement la guerre civile avec le ministre de la Défense d’alors, Kouadio Mbahia Blé en armant certaines communautés et particulièrement les Baoulé de la diaspora. Ils firent circuler des armes de guerre avec des sicaires venus du Ghana et montèrent un coup avec ces derniers pour accuser Laurent Gbagbo de déstabilisateur afin de l’éliminer de la course présidentielle. Ce plan ne fonctionna pas car, Gbagbo, informé avec tous les détails, monta immédiatement interpeller Houphouët sur tout ce qui se tramait.

Léon Konan Koffi ne désarma pas. A la suite des élections présidentielles, il donna à Laurent Gbagbo, le pourcentage arrangé de 18 %. Mais le discours musclé et les menaces à peine voilées qu’il lança contre le candidat Gbagbo, en disant de manière surprenante que, « si Gbagbo veut la guerre, il l’aura », révéla que le vrai vainqueur du scrutin, était Gbagbo. Houphouët bien que vainqueur était ébranlé. Déjà, la contestation sociale devenait de plus en plus vive. Léon Konan Koffi restait en éveil. Ainsi, lorsque les étudiants de la Fesci jugés comme des partisans et des propagateurs de l’ordre nouveau prôné par l’opposition, se mirent à manifester régulièrement, Léon Konan Koffi organisa avec le chef d’Etat-major, le colonel Robert Guéi, une expédition punitive du 17 au 18 mai 1991 contre ceux de la cité universitaire de Yopougon.

médaillé quelques semaines avant son décès…

Dès 1993, lorsque meurt officiellement Houphouët, Léon Konan Koffi avec des nouveaux cadres baoulé proches du pouvoir désormais tenu par Henri Konan Bédié, qui pressentaient la fin de l’ère baoulé, il fit courir une coulée de mensonges tribalistes pour mobiliser le monde baoulé aussi bien des régions du Centre que de la diaspora autour de la personne de Konan Bédié. Ainsi ce discours suivant : « Si Gbagbo vient au pouvoir, il chassera les Baoulé des forêts bété ». Ce mensonge fut distillé partout et poussa les Baoulé à s’armer. Les forêts de Daloa, d’Issia et surtout de Soubré furent sur le qui-vive à chaque élection et les populations baoulé se mobilisèrent à voter mécaniquement les candidats du Pdci. C’est cette image de tribaliste qui travailla pour protéger le pouvoir d’Houphouët, et défendre la cause de sa tribu que nous laisse Léon Konan Koffi.
Lazare Koffi Koffi

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