CPI : Le juge Henderson, 6 eme partie

  1. c) Déclarations et discours

 

  1. Le Procureur a allégué que, dans le cadre des activités préparatoires en prévision du recours à la violence, le journal de Simone Gbagbo démontre que le contrôle et le soutien du FDS étaient essentiels pour maintenir M. Gbagbo au pouvoir. D’après sa remarque sur le FDS datée du 5 novembre 2010, ainsi que ses références à des initiatives militaires et ses remarques datées du 13 décembre 2010 déclarant  » mater la rébellion – offensive militaire « , il semble qu’elle ait envisagé la nécessité d’une (contre) offensive contre les rebelles. Dans la mesure où la rébellion armée constituait une menace existentielle pour la survie du régime de M. Gbagbo, il est raisonnable de conclure que le FDS a joué un rôle crucial pour prévenir cette menace. Il ne s’ensuit pas que cela signifiait également que la SDF jouerait un rôle clé dans la réalisation de cet objectif en commettant des crimes contre la population civile.
  2. D’autres allégations concernant les rassemblements et les instructions données par Simone Gbagbo, qui reflètent son contrôle sur le FDS ainsi que sur les groupes de jeunes, sont examinées ci-après.
  3. En plus des réunions de la CNRD, Sam l’Africain a témoigné que Simone Gbagbo avait organisé au moins deux rassemblements de la CNRD. S’agissant de l’un des rassemblements de la CNRD, qui a eu lieu le 15 janvier 2011, le Procureur a présenté le discours qu’elle a prononcé à l’appui des allégations, notamment qu’elle partageait l’intention qui sous-tend le Plan commun. Le contenu de ce discours est analysé ci-dessous. Des extraits de ce discours ont été diffusés sur la RTI. Dans sa réponse, le Procureur s’appuie sur le témoignage de P-0625 selon lequel il a reçu une invitation à ce rassemblement, pour alléguer que cela démontre  » la nature coordonnée des activités des jeunes pro-Gbagbo « .
  4. Le discours de Simone Gbagbo est également pertinent au regard des allégations concernant la rhétorique contre l’ONUCI et la CEDEAO, la diabolisation de M. Ouattara, ainsi que les moyens proposés pour maintenir M. Gbagbo au pouvoir. Il est à noter que Simone Gbagbo a personnellement attaqué M. Ouattara dans ce discours. Elle a également reproché à l’Union africaine d’être lâche. Le discours était émouvant et a semblé susciter beaucoup de réactions de la part de l’auditoire. Dans le contexte de l’animosité ethnique déjà existante, le discours semble reconnaître cette situation mais n’appelle pas à la violence interethnique. De plus, en évaluant ses remarques concernant les personnes qui portent le gris-gris dans le contexte du reste du discours, on ne peut conclure que cette déclaration constituait un appel à la violence contre ceux qui les portaient.

  1. Le Procureur a allégué que, le 10 mars 2011, Simone Gbagbo a fait une déclaration à l’appui de son mari affirmant que  » nous devons nous battre et triompher  » et que cela, entre autres exemples, démontre que le Plan commun existait pendant la crise post-électorale. Cette déclaration figure également dans son journal après les entrées du 10 mars 2011 et figure dans les notes intitulées « analyse de la situation ». Toutefois, la référence aux « combats » semble avoir été faite à des fins métaphoriques et rien n’indique que Mme Gbagbo ait eu des intentions violentes à l’encontre de la population civile.
  2. Membres de la FDS

  1. Le Procureur allègue que, au sein du prétendu  » cercle restreint « , certains  » officiers supérieurs loyaux du FDS ont joué un rôle clé dans le maintien  » de M. Gbagbo au pouvoir. Le Procureur a allégué que les membres du FDS avaient encouragé leurs subordonnés à voter pour M. Gbagbo, qu’ils avaient prêté serment d’allégeance à la suite des  » annonces concurrentes des résultats de la deuxième élection « , qu’ils s’étaient réunis régulièrement pour discuter des aspects essentiels de la crise post-électorale et qu’ils étaient restés aux côtés de M. Gbagbo pendant la période couverte par la mise en accusation, notamment pour demeurer fidèles à la défection des hauts fonctionnaires, en dépit des mesures qu’ils ont prises pour les faire sortir. En outre, le Procureur a également allégué que certains officiers supérieurs du FDS, faisant partie à la fois de la structure formelle et parallèle du FDS, avaient des liens ethniques avec M. Gbagbo.

  1. Eu égard aux conclusions concernant le commandement et le contrôle du FDS, en particulier la structure parallèle ainsi que les réunions entre les membres du prétendu « cercle restreint » et les allégations concernant le serment d’allégeance et les prétendues défections, il ne peut être conclu que les hauts fonctionnaires du FDS partageaient l’intention sous-jacente du plan commun. Si certains d’entre eux ont exprimé une préférence politique personnelle pour M. Gbagbo, cela ne prouve pas en soi qu’ils avaient ou auraient partagé l’intention de commettre des crimes contre la population civile afin de le maintenir au pouvoir.
  2. Dirigeants de jeunes

  1. L’argumentation du Procureur concernant le rôle joué par les responsables de la jeunesse par rapport au prétendu Plan commun s’est considérablement réduite au cours du procès. Dans le mémoire préliminaire, le Procureur a allégué que les dirigeants des groupes de jeunes et des milices qui faisaient partie de la Galaxie Patriotique étaient également membres du Cercle Intérieur, tels que : le Président du CONARECI et le représentant du GBAGBO à la CEI, Damana Adia Médard a.k.a. Pickass ; Moussa Zéguen Touré, proclamé leader du GPP et membre du CNRD ; Eugène Kouadio Djué, président de l’UPLTCI ; Eugène Kouadio Djué, président du JFPI ; Navigué Konaté, directeur adjoint de campagne du FPI pour la jeunesse sous BLÉ GOUDÉ et membre du CNRD ; et le président du FENAAPCI et également membre du CNRD, Idriss Ouattara.

  1. Dans le mémoire de mi-procès, cependant, le Procureur a allégué qu’au lieu d’être eux-mêmes membres du  » cercle restreint « , certains jeunes leaders étaient simplement liés à ces membres. Elle a allégué qu’à part Damana Pickass, « [l]e reste des responsables de la jeunesse, tant les civils que les miliciens, étaient liés aux membres du Cercle Intérieur, dépendaient d’eux pour le financement et recevaient des instructions de leur part. Les rôles des animateurs de jeunesse concernant spécifiquement le financement de leurs groupes de jeunes respectifs et le commandement et le contrôle de ceux-ci ont été évalués séparément dans les sections qui suivent. En ce qui concerne les liens de ces responsables de jeunesse avec les membres présumés du  » cercle restreint « , la participation de certains responsables de jeunesse aux réunions du CNRD et à la réunion convoquée par M. Blé Goudé le 14 décembre 2010 a été examinée, ainsi que les appels à mobilisation qui leur sont spécifiquement attribués.
  2. Le Procureur s’est fondé, entre autres, sur le témoignage de P-0176 pour alléguer que Damana Pickass faisait partie du  » cercle restreint « . Le Procureur a allégué que, à la télévision nationale, il avait déchiré le journal contenant les résultats de l’élection tels qu’ils avaient été compilés par la CEI et était resté fidèle à M. Gbagbo pendant toute la durée des violences postélectorales. P-0176 a témoigné que Guillaume Gbato, chef de la Jeunesse FPI à l’époque en 2006, lui a dit que Damana Pickass était  » l’un des collaborateurs respectés du Président Affi N’Guessan  » et qu’il était un des jeunes qui était en contact avec M. Gbagbo. Il convient également de noter que le témoin P-0176 a déclaré ce qui suit [Damana Pickass] était de la fête de M. Laurent Gbagbo. Et la plupart de ces jeunes étaient membres de l’aile jeunesse du FPI, et ils voulaient l’inviter à rendre l’occasion encore plus solennelle pour le mouvement, encore plus crédible, car M. Damana Pickass n’était tout simplement pas n’importe qui (…). C’était quelqu’un d’important.

  1. Le Procureur allègue également que Damana Pickass était à la réunion de 2002 où M. Blé Goudé a été choisi pour diriger la  » lutte patriotique  » contre  » la rébellion « . Les conclusions de cette réunion sont rappelées. Damana Pickas semble avoir assisté à cette réunion qui a eu lieu après la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002.
  2. Le Procureur s’est également appuyé sur les émissions de la RTI des 1er et 2 décembre 2010 pour affirmer que les réactions de Damana Pickass à la suite de l’annonce du second tour des élections ont démontré la mise en œuvre du prétendu Plan commun. Dans cette émission, les commentaires de Damana Pickass portent sur l’apparente « violation flagrante du mode opératoire unanimement admise par la CEI ». Ces événements ont été signalés comme un manque de consensus entre les membres de la CEI. Le Procureur s’est appuyé sur des extraits de la déclaration de Damana Pickass, qui se lit en partie comme suit

Nous avons conclu qu’ils veulent opérer un coup de force électoral. Il s’agit d’un véritable coup d’état électoral et nous ne pouvons pas accepter ça. Je voulais, donc aux termes de cet éclairage, demander aux Ivoiriens de rester calmes, de rester sereins, de rester imperturbables. Nous allons proclamer les résultats. Nous allons allons proclamer les résultats de l’élection présidentielle. Qu’ils ne fassent pas attention aux rumeurs, qu’ils ne fassent pas attention aux allégations, aux sms, ils n’ont qu’à rester sereins. La CEI ira jusqu’au bout du processus, et va publier les résultats crédibles, les résultats valables, les résultats où les élections se sont déroulées normalement. Et c’est ce qui sera fait, et c’est ce qui sera admis.

  1. Dans cette évaluation, les conclusions concernant les visites de Paul Yao N’Dré, Président du Conseil constitutionnel, à la résidence présidentielle à cette époque sont notées.

  1. Le Procureur a cité une émission de RTI qui aurait démontré que Damana M. Pickass est resté fidèle à M. Gbagbo  » bien après la crise post-électorale et a réitéré ses appels à la mobilisation en avril 2011 « . Cette émission de la RTI du 3 avril 2011 concerne les appels lancés par la RTI à la population pour qu’elle se rassemble à la Résidence présidentielle. L’adresse de Damana Pickass contient le terme se référant à la mobilisation mais ne concerne pas les appels à la violence et/ou à la commission de crimes :

Nous sommes sur ce plateau pour apporter un message aux Ivoiriens. Je voudrais tout d’abord féliciter les Ivoiriens qui se sont mobilisés, hier, à la résidence du Chef de l’État, et y ont passé la nuit dans la gaieté, dans l’ambiance, dans la convivialité, cela, en dépit des différents obstacles dressés par les rebelles. En effet, ceux-ci ont voulu empêcher l’afflux massif des populations ivoiriennes chez le Chef de l’État en les agressant jusque dans leur domicile. En dépit de cela, vous avez bravé ces difficultés, vous avez bravé cette insécurité, et vous êtes venus chez le Chef de l’État, et je voudrais vous saluer pour cela. Ceux qui ne l’ont pas encore fait, c’est le moment de le faire. Je voudrais d’abord féliciter les FDS pour la lutte héroïque qu’ils mènent, depuis 72 heures, pour la libération totale de notre pays. Depuis 72 heures, ils se battent au front, mais vous savez que depuis 72 heures aussi, les circuits de distribution sont perturbés, les vivres ne sont plus correctement acheminés sur les marchés, et donc, il se pose quelques problèmes à ce niveau. C’est pourquoi je voudrais lancer cet appel aux amis de la CÔTE D’IVOIRE, aux Ivoiriens, afin qu’ils nous apportent des vivres et des non-vivres, pour ne pas que la chaîne de distribution, la chaîne d’alimentation soient perturbées, soient arrêtées, à un certain moment, au niveau des Forces de défense et de sécurité. Pour ceux qui ont du riz, pour ceux qui ont de l’igname, pour ceux qui ont du manioc, pour ceux qui ont de l’huile, en fait, ceux qui ont des vivres, du poisson, tout ce qu’il faut, il faut qu’ils nous apportent dans l’urgence à ces numéros suivants […] Nous comptons sur le sens de générosité et de partage des Ivoiriens. L’Armée a plus que besoin de notre mobilisation autour d’elle. Haut les cœurs ! La situation est en passe de devenir normale.[1]

  1. S’appuyant sur P-0449, le Procureur a fait d’autres allégations spécifiques concernant Damana Pickass et des appels à la mobilisation alléguant que les jeunes ont répondu positivement aux appels à la mobilisation lancés par M. Blé Goudé et d’autres responsables de jeunesse, dont Damana Pickass. Le témoignage de P-0449 cité à l’appui concerne la réunion de 2002 où M. Blé Goudé a été désigné pour mener la  » lutte  » contre la rébellion. Cette question a été abordée ailleurs. Damana Pickass était présente à cette réunion. Alors que cette réunion portait essentiellement sur la mobilisation en 2002 et que les jeunes ont répondu aux appels à la mobilisation lancés à l’époque. L’analyse des discours et déclarations de M. Blé Goudé montre également que les jeunes répondraient aux appels de M. Blé Goudé, mais il n’a pas été démontré que ces appels à la violence contre les civils ont été lancés.

  1. Le Procureur mentionne également la participation de Damana Pickass à la réunion de la CNRD du 30 mars 2011 avec M. Blé Goudé et  » d’autres responsables de groupes de jeunes/membres de haut niveau de la Galaxie Patriotique « . Les conclusions de cette réunion sont rappelées. Aucune autre conclusion concernant la présence présumée de Damana Pickass à cette réunion.

  1. Dans le cadre de son rôle présumé de membre du  » cercle restreint « , Damana Pickass est accusé par le Procureur d’être le Président du CONARECI.   P-0097 a témoigné que le CONARECI était une coalition créée en 2005 dans le but de réunir plusieurs mouvements existants en vue de capitaliser sur la situation de l’époque pour soutenir le président sortant. Selon P-0097, l’UPLTCI créée par Eugène Djué faisait partie du CONARECI car ils ne faisaient pas partie de l’AJSN, l’alliance créée par M. Blé Goudé. Selon P-0097, le Président du CONARECI a  » rassemblé  » les différents mouvements et formé le CONARECI ; aucun moyen  » nouveau  » n’a été mis en place pour le CONARECI car ses groupes constitutifs existent déjà. Selon le P0097, le GPP devait faire partie du CONARECI avec l’UPLTCI et la FENOPACI. Par contre, P-0435, un membre du GPP, a témoigné qu’il n’avait pas entendu parler du CONARECI.

  1. Le Procureur a suggéré qu’il existait des liens entre le CONARECI et le GPP en alléguant que le garde du corps de Damana Pickass était membre du GPP, ce qui lui a permis de se protéger  » dans la même veine que la résidence de M. Blé Goudé a bénéficié d’une sécurité renforcée par des  » éléments du GPP « . Cela n’a aucune incidence sur les conclusions relatives au prétendu plan commun.
  2. D’après l’ensemble des éléments de preuve cités par le Procureur à l’appui de ses allégations concernant Damana Pickass et ses liens présumés avec l’accusé, on ne peut conclure que Damana Pickass partageait l’intention de commettre des crimes dans le cadre de l’application du prétendu Plan commun. Déchirer les résultats préliminaires du second tour des élections à la télévision nationale ne change rien à cette conclusion. Après avoir examiné son rôle, il n’est pas non plus possible de conclure qu’il faisait partie du prétendu  » cercle restreint « . Bien qu’il ait personnellement soutenu M. Gbagbo en tant que candidat à la présidence et qu’il ait agi en sa faveur, on ne peut conclure que ce soutien incluait la commission de violences contre la population civile. En ce qui concerne certains animateurs de jeunesse qui dépendent des membres du  » cercle restreint  » pour leur financement, les conclusions qui suivent sont rappelées.
  3. Compte tenu de ces conclusions, bien que les différents responsables de la jeunesse aient montré des niveaux variables de contact avec les membres présumés du  » cercle restreint  » ainsi que des niveaux variables de soutien à M. Gbagbo, les preuves sont insuffisantes pour conclure que l’accusé s’est appuyé sur eux pour commettre des crimes dans le cadre du prétendu Plan commun ou en vue de le faire appliquer.
  4. Ministres
  5. a) Pascal Affi N’Guessan
  6. Le Procureur affirme que Pascal Affi N’Guessan, en tant qu’ancien Premier Ministre et Président du FPI à l’époque, a joué un rôle déterminant dans le maintien de M. Gbagbo au pouvoir par tous les moyens.
  7. Le Procureur a allégué que le Président du FPI, M. N’Guessan, se rendait régulièrement dans les locaux de l’Organisation. Résidence présidentielle pendant la crise post-électorale du 12 novembre au 10 avril 2011 et, compte tenu de sa position, a contribué par tous les moyens à maintenir M. Gbagbo au pouvoir. P-0048 a témoigné que selon les dispositions constitutionnelles de la Côte d’Ivoire, un président sortant ne peut pas être le chef d’un parti politique et Pascal Affi N’Guessan représente le FPI.   Il est rappelé les conclusions auxquelles sont parvenues les réunions attestées par le Journal de bord de la Résidence.
  8. Compte tenu de sa position politique en Côte d’Ivoire à l’époque, on peut supposer sans risque de se tromper que Pascal Affi N’Guessan partageait l’intention de faire élire M. Gabgbo, mais que le Procureur n’a pas fait état de preuves montrant qu’il avait accepté ou avait l’intention de le faire en recourant à la violence et/ou en commettant des crimes contre la population civile. Le Procureur cite également les témoignages du général Mangou, P-0625 et P-0331 pour démontrer ses contributions, mais aucun de ces témoignages ne mentionne Pascal Affi N’Guessan comme ayant accepté ou autrement eu l’intention de maintenir M. Gbagbo au pouvoir à tout prix. Il ressort clairement du témoignage du général Mangou qu’il a appelé M. Affi N’Guessan en sa qualité de haut responsable du FPI pour l’informer de son intention de prêter allégeance à M. Ouattara après l’arrestation de M. Gbagbo. Le témoignage de  » Sam l’Africain  » selon lequel Pascal Affi N’Guessan a accompagné la délégation de M. Gbagbo pendant les négociations avec l’Union africaine pendant la crise post-électorale ne permet pas de conclure à l’intention présumée de Pascal Affi N’Guessan, ni à sa contribution au plan commun présumé, ni à sa contribution. Le Procureur s’est également référé au témoignage de P-0431 sur le commentaire allégué de Pascal Affi N’Guessan concernant l’arrêt des audiences foraines en 2006. Ce commentaire, qu’il ait été fait ou non, ne démontre pas qu’il a contribué au prétendu plan commun ou qu’il en avait autrement l’intention. Dans sa réponse, le Procureur se réfère à la vidéo CIV-OTP-0059-0025, dans laquelle il indique qu’elle montre un  » militant du FPI  » disant  » au nom de son parti,[qu’] il a été décidé de boycotter les audiences foraines « . Le fait que le FPI se soit peut-être opposé aux audiences foraines en 2006 ne démontre pas que Pascal Affi N’Guessan avait l’intention de maintenir M. Gbago au pouvoir à tout prix, y compris en commettant des crimes contre la population civile.
  9. b) Alain Dogou

  1. Le Procureur a allégué qu’Alain Dogou, en tant que Ministre de la défense, faisait partie du  » cercle restreint « . En plus de sa présence présumée à certaines réunions, le Procureur compte sur P-0435 pour le relier à la direction du GPP. Eu égard aux conclusions tirées de ces allégations, on ne saurait en déduire qu’Alain Dogou a accepté ou avait l’intention de maintenir M. Gbagbo au pouvoir en recourant à la violence et/ou en commettant des crimes contre la population civile.

  1. Notant que le fait de manifester publiquement son soutien à M. Gbagbo, en soi, n’est pas une preuve de cette intention, la Chambre n’est pas convaincue non plus que les déclarations d’Alain Dogou lors des émissions de la RTI des 7, 8 et 10 décembre 2010 soutiennent cette allégation. En particulier, sa déclaration du 8 décembre 2010 concernant la hiérarchie a été faite en relation avec ses commentaires sur sa capacité d’être approchable en tant que ministre tout en exhortant les personnes ci-dessous à respecter la hiérarchie. Dans sa déclaration diffusée le 10 décembre 2010, il a exhorté les officiers à  » accomplir leurs missions officielles avec toujours plus de rigueur et une loyauté sans faille à travers la République et ses institutions « . Le fait que M. Dogou ait appelé à la loyauté peut indiquer sa volonté de maintenir M. Gbagbo dans une position aussi forte que possible ; cependant, cette déclaration, surtout lorsqu’elle est considérée dans son contexte, ne peut être interprétée comme une preuve de son intention de commettre des violences contre des civils.
  2. c) Émile Guiriéoulou

  1. Le Procureur allègue que M. Guiriéoulou, Ministre de l’intérieur, était un membre du  » cercle restreint  » et un allié de confiance de M. Gbagbo. Parmi les actes qui lui sont attribués, on peut citer une adresse aux préfets et sous-préfets et son soutien public à M. Gbagbo. Le Procureur affirme également qu’il a joué un rôle déterminant dans la coordination du FDS pendant la crise postélectorale226.

  1. Il est à noter que l’adresse de M. Guiriéoulou aux préfets et sous-préfets en date du 10 décembre 2010 ne démontre pas qu’il partageait l’intention du prétendu Il appelle les préfets et sous-préfets à assumer leurs fonctions avec  » confiance, sérénité, loyauté et engagement dans la construction, la consolidation de la paix et la cohésion sociale  » ; il rappelle le principe que leur autorité est fondée, entre autres, sur une égale distance des intérêts politiques et régionaux. Le Procureur cite le Général Mangou pour soutenir que M. Guiriéoulou a joué un rôle déterminant dans la coordination de la FDS, mais ce témoignage ne dit pas quelles paroles et/ou actions pourraient être attribuées personnellement à M. Guiriéoulou.

  1. Les émissions de la RTI des 14 et 15 décembre, citées à l’appui des allégations concernant le soutien public de M. Guiriéoulou à M. Gbagbo, ne comportent que des reportages de journalistes sur les première et deuxième réunions du cabinet nouvellement formé. Ils ne contiennent aucune déclaration qui lui soit imputable. Il est également noté que le général Mangou a témoigné que c’est par le biais de  » mémos de[Émile Guiriéoulou], interdisant la marche « , qu’il a été informé qu’il y avait une marche le 16 décembre 2010. Eu égard aux conclusions relatives à l’interdiction de la marche, on ne peut conclure qu’Émile Guiriéoulou, par la diffusion de notes interdisant la marche, avait l’intention de soutenir M. Gbagbo dans la commission des crimes contre les civils.
  2. S’appuyant sur le témoignage de P-0483, le Procureur allègue que M. Guiriéoulou a fourni des fonds à des mercenaires libériens. Pourtant, cette allégation n’est pas reflétée dans le témoignage de P-0483. Il est à noter que P-0483 a témoigné expressément qu’il ne savait rien des noms des personnes qui avaient donné de l’argent aux mercenaires libériens, qui faisaient partie des forces armées en 2002-2003. En tout état de cause, même s’il est vrai que M. Guiriéoulou a financé des mercenaires en 2002-2003, qui auraient opéré dans l’ouest du pays, il est loin d’être évident que cela a une incidence sur l’existence d’un plan visant à blesser des civils à Abidjan en 2010.
    1. d) Alcide Djédjé

     

    1. Le Procureur a allégué qu’Alcide Djédjé, le Ministre des affaires étrangères, était un  » membre important  » du  » cercle restreint  » présumé. M. Djédjé aurait  » épousé  » la prétendue politique de M. Gbagbo, comme en témoigne sa déclaration selon laquelle les manifestants devraient être qualifiés de rebelles234.

     

    1. Compte tenu de sa position de ministre des Affaires étrangères pendant la crise post-électorale, la fréquence de ses visites à la Résidence présidentielle n’est pas surprenante. De même, le fait que, dans le contexte des événements postérieurs au 25 mars 2011, P-0321 ait qualifié Alcide Djédjé d' »un homme de confiance » de M. Gbagbo n’est pas nécessairement révélateur d’un autre accord ou d’une intention criminelle commune.
    2. Il est vrai que les faits suggèrent que lors d’une réunion du Conseil des ministres du 22 février 2011, Alcide Djédjé aurait déclaré que  » s’agissant de Koumassi, il ne s’agit plus de manifestants mais de rebelles « . Toutefois, on en sait trop peu sur le contexte dans lequel cette déclaration a été faite – y compris sur ce qui s’est passé à Koumassi à l’époque – pour tirer des conclusions défavorables sur l’importance de l’affirmation alléguée de M. Djédjé.

     

    1. Ayant également à l’esprit les conclusions relatives à l’acquisition d’armes par l Lafont et Alcide Djédjé à cet égard, il n’est pas possible de conclure, sur la base des éléments de preuve disponibles, que Alcide Djédjé a accepté le prétendu plan commun.

traduction Jessica Traoré