CPI: le face à face des « Garçons pile »

Lundi 2 Octobre 2017, la CPI connaîtra un décor (politico-)juridique particulier. Le Général 4 étoiles sera face à l’équipe de Défense du président Laurent Gbagbo et de son dernier ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé.
Trois acteurs majeurs : la CPI, le Témoin-clé et l’équipe de la Défense. L’arbitrage de la Chambre sous le regard aux diverses facettes d’un Laurent Gbagbo déjà blanchi par le verdict populaire. La mascotte de la démocratie, aidée par un charisme de charme. La mine courtoise et disciplinée, fera-t-elle parfois place au sourire jaune si ce n’est narquois ou au regard désabusé? L’homme reste généralement impacible. Ce rôle de l’accusé qui impose à ses bourreaux le tempo, il l’a bien appliqué à Houphouët-Boigny en 1992. Présent dans la salle du tribunal d’Abidjan lors du procès, nous avions eu droit à la verve de l’avocat Sénégalais Cheick Koureyssi Ba qui mettait alors en garde en ces termes : « lorsque la politique entre au tribunal, le droit sort par la fenêtre ».

Exactement 25 ans plus tard, presque jour pour jour, contexte et acteurs sont les mêmes: Alassane Ouattara est à la manœuvre – la dernière – et Laurent Gbagbo lutte pour le triomphe du droit et de la démocratie par la souveraineté. C’est sans doute son dernier combat sous forme d’un cours d’amphithéâtre pour ses héritiers qui se bousculent, observent, le soutiennent sans faiblir et apprennent pour la plupart. À côté, les opportunistes et ceux qui ont vite fait de quitter la barque.

Pour en revenir aux acteurs, l’institution qu’est la CPI est affaiblie et elle poursuit sa descente en manque de crédibilité à la suite des révélations de Médiapart qui a compulsé 40.000 pages de la plus grosse fuite de la CPI. Certes, les juges joueront le jeu de la priorité au droit mais il sera difficile aux peuples au nom desquels on dit rendre la justice de ne pas mettre dans la balance ces graves révélations.
Précédant la Défense, le bureau du procureur n’a pas réussi à prouver son fameux plan commun. Comme à son habitude, au 3eme jour, il a réussi à presque heurter l’honorabilité de son témoin-clé, notamment sur la question de la réquisition. Traiter pratiquement de menteur un Général dans un tel prétoire ne sera pas sans conséquence sur son engouement à la coopération. C’est à se demander si le bureau du procureur croit encore à l’aboutissement de son dossier?
À moins que l’objectif ne fut simplement d’éloigner Laurent Gbagbo de son pays, afin de permettre à son adversaire de gouverner en roue libre.
D’ailleurs, naguère sur son piédestal, la procureure Fatou Bensouda s’ouvre de plus en plus à la presse africaine.
Signe des temps, alors que le procureur avait demandé et obtenu que l’expression « président Laurent Gbagbo » soit interdite d’usage aux avocats, lui-même l’a ramenée au grand galop.
Sur le plan local, face à l’insécurité endémique, le pouvoir aurait sollicité les généraux Guiai Bi Poin et Touvoly. Une telle ouverture, même au forceps du contexte national d’un pouvoir de plus en plus isolé, laisse une certaine marge de manoeuvre au témoin-clé qu’est le Général Mangou à qui nous ne ferons pas l’injure d’être sous influence. Ambassadeur d’un pouvoir accusateur fût-il, il est officier général avant tout.

Au cours de son interrogatoire, la recherche d’un plan commun inexistant a poussé le procureur à rafraîchir régulièrement la mémoire du témoin. Ont alors ressurgi à la surface, le souvenir des horreurs et atrocités du commando invisible et des rebelles sur les FDS (Forces de Défense et de Sécurité) dont il était le chef au moment des faits. Son sang de soldat, solidaire de ses frères d’armes – en mission sur ses ordres – ne devrait pas rester insensible au comportement des forces françaises et Onusiennes. Il a même avoué son indignation sur la partialité inhumaine des soldats de l’ONUCI.
Tout cela pourrait être de nature à lui rappeler qu’il est un Général défait et vaincu dans des conditions d’un vaste complot. Chef d’une armée vaincue, il n’est pas sûr que, le général Mangou qui a utilisé la tribune du procureur pour justifier certains des actes incompris du peuple et retrouver ainsi une dose d’estime en retour, veuille couvrir les faits qui sont si épineux qu’ils sont difficiles à habiller, dès lors qu’ils déchirent eux-mêmes les tissus.
En effet, comme le note Théophile Kouamouo, dans ce procès, les criminels ont été trouvés avant de savoir les crimes en cause. Non pas que les crimes n’aient pas eu lieu, mais ils étaient une aubaine pour indexer les empêcheurs de tourner en rond. Quitte à accorder le répit de la gouvernance tranquille aux amis nouvellement installés.
C’est dans ce décor largement favorable à la manifestation de la vérité que vont s’affronter une semaine durant, ceux que l’émérite journaliste Bally Ferro appelle des « garçons pile », à savoir la Défense des illustres accusés et le Général 4 étoiles, fils de pasteur.
Les échanges seront sans nul doute passionnants, convaincus, que nous sommes, que Maître Altit qui a avancé dès le début du procès que tout cela relevait d’une manipulation de quelques dirigeants français, a désormais du pain béni avec le témoignage de Mangou sur le rôle du général Palacé, commandant de la Force Licorne (française), notamment son injonction à Mangou après l’offensive repoussée des rebelles.
Du pain béni avec les enquêtes internes ayant conclu que les FDS n’ont pas utilisé de roquettes sur le marché d’Abobo, confirmant ainsi le non lieu du tribunal d’Abidjan, concernant les mêmes faits.
Du pain béni également vu que le bureau du procureur et le témoin ont trop parlé et trop écrit. Le traditionnel « pour que les choses soient claires » risque d’être souvent utilisé par Maître Altit, pour amener le Général à confirmer les points saillants des transcrits. Comme quoi, elle a raison, notre grande mère de Guitrozon qui n’avait de cesse de dire que « c’est en se frottant que l’on met à nue des saletés ».
Vivement le vrai procès afin que les victimes sachent la vérité et que cesse le clairon de la haine par procuration.
Eric Kahe. (Version non définitive )

Eric KAHE