CPI, en attente du 16 septembre

Bureau du procureur : Une décision sur un appel (ou non) contre l’acquittement de Gbagbo et Blé Goudé a été prise, mais ne sera pas divulguée avant lundi.
Anabelle Ouégnin

 Une Auto-interview de Tchedjougou Ouattara…

Le journaliste : Bonjour M. Tchedjougou Ouattara. Le lundi 16 septembre, c’est-à-dire après demain, est la date butoir impartie à la Procureure. À quoi devrions-nous nous attendre ?

Réponse Tchedjougou OUATTARA : Nous devrions nous attendre à rien.

Le journaliste : Mais pourquoi « à rien » ? N’est-ce pas le dernier jour qu’aura Fatou Bensouda pour faire appel ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Oui, et après ?

Le journaliste : Mais, comment « Oui et après » ? N’y aura-t-il pas d’audience retransmise en direct ce jour-là à la CPI ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Noooon, pas du tout. Ce n’est pas une histoire d’audience. Ce sont des délais impératifs dont l’inobservance emporte des conséquences d’ordre public, c’est-à-dire la forclusion.

Le journaliste : Que veut dire, en français simple : « ce sont des délais impératifs dont l’inobservance emporte des conséquences d’ordre public » ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Mais, cela veut tout simplement dire que ce sont des délais légaux, non négociables, pendant lesquels la Procureure est autorisée à acter son appel ou à choisir de ne pas le faire. Ainsi, si la Procureure prenait l’option de ne pas faire son appel dans ce délai, les juges d’appel en tireraient les conséquences de droit. Et ces juges d’appel n’auraient pas d’alternative.

Le journaliste : Justement ! C’est pour cela que je pense qu’il y aura une dernière audience ce lundi 16 septembre 2019 ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Ce n’est pas comme cela que fonctionnent les choses. Normalement, la constatation du non appel, après ce lundi 16 septembre 2019, ne nécessite aucune audience, ni devant les juges de première instance qui ont vidé leur saisine depuis le 15 janvier 2019 en acquittant, ni devant les juges d’appel qui ne sont encore saisis d’aucun dossier. Seulement, le non appel produisant des effets, une ultime procédure spéciale y relative devra être initiée par les avocats de la défense.

Le journaliste : Ah bon ! Encore « une ultime procédure spéciale devra être initiée » au cas où Fatou Besouda n’aurait pas fait d’appel après le lundi 16 septembre 2019. Quelle est cette procédure donc ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Nous savons tous qu’à la demande de Fatou Bensouda, les juges de la Chambre d’appel de la CPI avaient pris une décision le 1er février 2019. C’est donc en vertu d’une telle décision que le Président Laurent GBAGBO et Charles BLÉ Goudé ne jouissent pas de leur liberté totale, et n’ont pu notamment regagner la Côte d’Ivoire, leur patrie. Les 2 acquittés devaient donc rester dans des pays étrangers afin que, si la Procureure avait fait appel, ils puissent répondre aux convocations de la CPI jusqu’à la fin de l’affaire. Donc, si le 16 septembre 2019, la Procureure renonçait finalement à son appel, il faudra que cette décision du 1er février 2019 soit anéantie.

Le journaliste : Concrètement, qu’est-ce qui devrait se passer ? Comment « anéantir » une telle décision ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Comme je viens de l’indiquer précédemment, c’est en vertu de la décision des juges d’appel en date du 1er février 2019 que le Président Laurent GBAGBO et le ministre Charles BLÉ Goudé sont respectivement maintenus en Belgique et en Hollande. Cette décision des juges d’appel indiquait toutefois qu’il était possible de la modifier à la demande de toute partie intéressée.
Or, on ne pourrait envisager la modification de cette décision du 1er février dernier des juges d’appel de la Cpi qu’en soulevant des éléments nouveaux. En l’espèce, qu’est-ce qui pourrait constituer ces « éléments nouveaux » ?
Mais les « éléments nouveaux » ne seront rien d’autre qu’un éventuel non appel de la décision du 15 janvier 2019 de la part de Fatou Bensouda.
Ainsi, la défense demanderait donc aux juges d’appel de constater que la Procureure n’ayant pas fait d’appel de la décision d’acquittement du 15 janvier 2018, leur décision du 1er février 2019 n’a plus d’objet. Eux juges d’appel devraient donc s’obliger tout simplement à la rétracter entièrement. Cela ne devrait prendre que 2 jours au maximum, selon moi.

Le journaliste : Que veut encore dire « rétracter entièrement la décision du 1er février 2019 » ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : C’est ce que j’ai appelé plus haut « anéantir la décision du 1er février 2019 ». Cela ne veut donc dire autre chose que l’annulation pure et simple de cette décision du 1er février 2019 par les juges d’appel eux-mêmes.

Le journaliste : Et si malgré le non appel, il arrivait que Fatou Bensouda refuse qu’on annule la décision du 1er février 2019 qui a amené le Président Laurent GBAGBO en Belgique, et maintenu Charles BLÉ Goudé en Hollande, que se passerait-il ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Dès lors que Fatou Bensouda n’aurait pas fait appel jusqu’au lundi 16 septembre 2019 à minuit, sa volonté ne compterait plus. Elle n’aurait plus rien à dire dans cette affaire.
Il ne reviendrait plutôt qu’aux avocats de la défense de se faire délivrer, par le greffe de la CPI, un document attestant que la Procureure n’a pas fait appel. En Côte d’Ivoire, on appelle techniquement ce document « le Certificat de non appel ». C’est donc en conséquence d’un tel document attestant qu’il n’y a pas eu appel, que les avocats de la défense demanderaient aux juges d’appel d’annuler leur décision du 1er février 2019 qui maintient le Président Laurent GBAGBO et le ministre Charles BLÉ Goudé en Belgique et en Hollande. Car, une telle décision du 1er février 2019 serait dorénavant sans objet.

Le journaliste : Donc, si la Procureure ne formalisait pas d’appel jusqu’au 16 septembre prochain à minuit, ne pourrait-elle pas non plus s’opposer au retour des deux acquittés en Côte d’Ivoire ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Jamais ! Et sur quelle base légale s’opposerait-elle encore à la jouissance de leur totale liberté ? L’unique moyen de la Procureure de contrôler leur liberté jusqu’au 16 septembre 2019 était de faire appel de la décision d’acquittement du 15 janvier 2019. Mais, si la Procureure n’attaquait pas cette décision jusqu’à cette date du lundi 16 septembre 2019 à minuit, elle n’aurait plus rien à avoir dans cette affaire, sauf ouverture du dossier des autres acteurs non encore poursuivis de la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011.

Le journaliste : Donc, on croise les doigts pour ce seul jour du lundi 16 septembre 2019 !

Réponse Tchedjougou OUATTARA : En effet ! Nos doigts doivent rester très serrés. Jusqu’au mardi 17 septembre 2019 à 00heure 01 seconde, on les maintiendra accrochés l’un à l’autre.

Le Journaliste : Mais, il nous revient depuis hier vendredi 13 septembre 2019 que la Procureure de la CPI a annoncé qu’une décision sur un éventuel appel ou non contre la décision d’acquittement du 15 janvier 2019 aurait été déjà prise. Mais qu’une telle décision ne serait rendue publique que le lundi 16 septembre 2019, c’est-à-dire le jour de la date butoir. Qu’en pensez-vous M. Tchedjougou Ouattara ?

Réponse Tchedjougou Ouattara : Je n’en pense rien du tout M. le journaliste. Je ne suis pas un appareil pour échographie, seule capable de dévoiler le sexe d’un bébé depuis le sein de sa mère.
Toutefois, ce dont je me persuade en l’espèce, c’est-à-dire, ce qu’on peut techniquement décrypter est ceci : s’il devrait avoir une décision à annoncer par la Procureure, le lundi 16 septembre, celle-ci ne pourrait qu’être, selon mon regard, qu’un renoncement à son intention de faire appel pur et simple.

Pourquoi ?

Parce que la Procureure n’est nullement astreinte à prendre l’opinion à témoin dans la jouissance d’un tel droit.

En quoi consiste ce droit ?

Le droit de la Procureure est de faire appel. Or, l’exercice d’un tel droit ne nécessite aucune justification publique de sa part. En la matière, la Procureure se contente de développer ses arguments dans le cadre de son mémoire ampliatif, à adresser aux juges supérieurs, c’est-à-dire aux juges d’appel. En d’autres termes, c’est seulement dans ses conclusions que la Procureure justifie pourquoi ele a relevé appel. Elle n’a donc nul besoin d’exposer ses motivations à l’opinion publique. À la limite, elle se serait contentée d’informer l’opinion qu’elle vient d’acter son appel, ce, sans nulle nécessité d’attendre le dernier jour du délai légal pour rendre publique sa décision. C’est au greffe de la CPI que la Procureure rend publique sa décision d’appel. Comment se manifesterait cette formule publique d’appel par la Procureure objectivé ? Toute chose qui me fonde donc à croire que la décision qu’aurait à annoncer la Procureure pour le lundi 16 septembre est sans aucun doute celle d’un désistement de son intention primitive de faire appel de la décision d’acquittement. Je ne puis me convaincre d’autre chose.

Le Journaliste : Okay ! Mais, excusez-moi, M. Tchedjougou OUATTARA. J’oubliais ! Votre impression aussi sur l’événement de ce jour, samedi 14 septembre 2019 au Parc des Sports de Treichville à Abidjan ?

Réponse Tchedjougou OUATTARA : Qui l’eût cru ? Qui l’eût cru ? Le PDCI et le FPI, côte à côte pour sauver cette Côte d’Ivoire meurtrie, humiliée ? On dit que rien est tard pour bien faire. J’avoue que je suis encore au stade du rêve. Mais, tout montre que c’est une réalité. Pour moi, ce 14 septembre 2019 devra être hissé au panthéon des dates ayant marqué les luttes pour la dignité de ce pays. Normalement, si un ivoirien réside aujourd’hui en Côte d’Ivoire, et n’est pas rendu indisponible pour cause de prison ou de maladie ou de funérailles, rien ne devrait justifier son absence à ce moment historique.

Le journaliste : Merci Tchedjougou OUATTARA.

Réponse Tchedjougou Ouattara : C’est moi qui vous remercie plutôt d’être venu prendre ma modeste analyse non téméraire de la situation. À mardi 17 septembre donc pour la fête.

Interview réalisée par le Rédacteur en Chef du Journal « Le Téméraire d’Adoukrom »

Roger Dakouri Diaz