Côte d’Ivoire : Un coup d’Etat franco-ONUsien légitimé par la CPI

par Nicoletta Fagiolo :
« Lorsque la crise de 2010-2011 en Côte d’Ivoire a pris fin en avril 2011 avec une intervention de l’ONU, Thabo Mbeki, le médiateur de longue date du processus de paix, a décrit comment le monde s’est trompé en Côte d’Ivoire. Son examen des bouleversements du pays semblait tomber dans l’oreille d’un sourd. Il n’a jamais été mentionné, ni pris en considération dans l’accusation du procureur de la CPI. L’ancien secrétaire général d’Amnesty International Pierre Sané a parlé de la «logique de l’absurde» mise en place par l’ONU et l’intervention militaire française pour évincer le président élu Laurent Gbagbo, vainqueur légitime aux élections de novembre 2010. C’était Gbagbo lui-même qui avait appelé à un nouveau dépouillement des votes.

Dans ce qui ressemble de plus en plus à une «criminalisation de la justice internationale», la CPI procède actuellement à un procès contre deux dirigeants panafricains, démocrates, non violents de la Côte d’Ivoire: Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Il s’agit d’un procès qui, même dans sa phase préliminaire naissante, a été jugé si insuffisant en éléments de preuve que l’ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano, a déclaré qu’il n’aurait jamais dû avoir lieu.

La CPI dans ce cas (comme analysé en détail dans divers articles) a légitimé un coup d’État qui ne pouvait que conduire à un régime autoritaire et à une instabilité accrue.

En s’appuyant sur un récit déformé et présentant un agresseur, Alassane Ouattara, comme une option démocratique acceptable, la Cour invalide son autorité impartiale. De nombreux diplomates, politiciens et journalistes hésitent à exprimer ouvertement leur appréciation de Gbagbo et de Blé Goudé en tant que symboles d’un mouvement de résistance démocratique, socialiste et non violente qui appelle à un véritable changement sur le continent africain, en raison de la voix dominante de la CPI.

La situation en Côte d’Ivoire reste volatile et les civils demeurent dans les conditions précaires qui ont suivi l’arrestation de Gbagbo et la nomination de Ouattara. Le 6 janvier 2017, une mutinerie militaire à Bouaké, l’ancien siège de la rébellion des Nouvelles Forces qui a porté Ouattara au pouvoir, s’est rapidement propagée à travers le pays, réclamant leur salaire pour le travail qu’ils avaient accompli. Beaucoup d’anciens rebelles occupent aujourd’hui des postes importants dans le régime actuel. Soit, ils sont intégrés à l’armée nationale, soit «certains d’entre eux ont également conservé leurs milices personnelles et ont un grand arsenal militaire privé. Le scénario était le même partout: les soldats sortaient de leurs camps, tiraient des coups de feu en l’air et bloquaient les routes principales », écrivait Fanny Pigeaud, auteur de France-Côte d’Ivoire, une histoire tronquée (France-Côte d’Ivoire, Une histoire tronquée). La plupart des secteurs de l’économie sont actuellement en grève et le gouvernement a sévèrement réprimé les syndicalistes, les journalistes et les dirigeants de l’opposition.

La constitution ivoirienne stipule qu’aucun réfugié ne devrait exister en temps de paix, mais aujourd’hui il y a plus de 100 000 réfugiés ivoiriens dans les pays voisins et d’innombrables autres s’évadent en Europe.

Depuis septembre 2015, dans les trois centres d’aide aux réfugiés ghanéens qui abritent quelque 11 000 Ivoiriens, l’aide alimentaire a été réduite, malgré la dépendance totale de cette aide pour la survie, selon les enquêtes du Programme alimentaire mondial. Les taux de malnutrition sont passés à 10%, même avant la réduction progressive de l’aide alimentaire. Selon une enquête nutritionnelle de mai 2013, la malnutrition aiguë mondiale (GAM) était de 10,9% dans le camp d’Ampain, de 6,1% dans le camp d’Egyeikrom et de 7,1% dans le camp de Fetentaa. Ampain a enregistré une hausse de 2,2% du GAM – jugée «grave» selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé. Malgré ces statistiques, le HCR a éliminé le programme nutritionnel et l’a remplacé par des programmes de formation et de formation pour certains réfugiés. Les réfugiés, en dépit de ces circonstances désastreuses, ne retournent pas à cause des nouvelles d’enlèvement, d’emprisonnement ou d’occupation de leur terre qui leur parviennent.

Les réfugiés ivoiriens craignent également qu’ils finissent par être déplacés. Et à juste titre.

Six ans après la crise de 2011 en Côte d’Ivoire, il y a encore 303 000 personnes déplacées à l’intérieur et le nombre a augmenté sous le régime d’Alassane Ouattara (24 000 nouveaux déplacés en 2012, 29 500 en 2013, 5 500 en 2014, 3 200 en 2016 selon Le Centre pour le contrôle des déplacements internes des rapports globaux du Conseil norvégien pour les réfugiés). Ils craignent également le ciblage de la population Wè dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, que certains militants des droits de l’homme qualifient de génocide.

Peu de temps après son arrestation en 2011, des bus pleins de partisans de Gbagbo, de toute l’Europe, ont commencé à s’infiltrer à La Haye pour demander sa libération. Depuis six ans, ils n’ont pas cessé de venir manifester devant la CPI.

Le procès, qui a débuté en 2011, s’est ouvert à nouveau le 6 février 2017. Jusqu’à présent, il n’a été produit aucune preuve matérielle de l’intention criminelle de quelque nature que ce soit ni des actions du gouvernement Gbagbo pour soutenir le dossier du procureur. Il n’a pas non plus fourni de témoignages valables ni crédibles.
Alors que le procès rouvrait en 2017, le premier témoin appelé, Salifou Ouédraogo, a présenté au procureur deux vidéos. L’une était une scène violente montrant des gens brûlés vivants. Cependant, les images ont été filmées au Kenya en 2007 et non pas dans la ville ivoirienne de Yopougon en 2011. La défense de Gbagbo avait souligné le fait insoutenable que la bande était dans une langue, le swahili, non parlé en Côte d’Ivoire, dès le mois de février 2013, mais le témoin est resté pour témoigner ».
Nicoletta Fagiolo, reprise par Eddy Koua

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