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Des combattants des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) patrouillent près du village de Pekanhouebly, à proximité de la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Libéria, le 25 mars 2011. © 2011 Reuters

(Zwedru, le 9 avril 2011) – Les forces loyales au président élu Alassane Ouattara ont tué des centaines de civils, violé plus de 20 femmes et filles perçues comme appartenant au camp de son rival, Laurent Gbagbo, et incendié au moins 10 villages dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les forces loyales au président Gbagbo ont, quant à elles, tué plus de 100 partisans présumés de Ouattara lors de l’avancée de ses forces pendant la campagne de mars. Dès son accession au pouvoir, Alassane Ouattara devra de toute urgence ouvrir une enquête crédible et impartiale sur les graves exactions commises par les deux camps et veiller à ce que les responsables à tous les niveaux soient poursuivis en justice, a ajouté Human Rights Watch.

Les personnes avec qui Human Rights Watch s’est entretenu ont décrit comment, village après village, les forces pro-Ouattara, maintenant appelées les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), ont sommairement exécuté et violé des partisans supposés de Laurent Gbagbo, alors qu’ils étaient chez eux, qu’ils travaillaient dans les champs, qu’ils fuyaient ou tentaient de se cacher dans la brousse. Les combattants ont souvent sélectionné leurs victimes en fonction de leur origine ethnique et les attaques ont touché de façon disproportionnée les personnes trop âgées ou trop faibles pour fuir.

« Ce n’est pas en tuant et violant des civils que les forces d’Alassane Ouattara devraient mettre fin à ce conflit », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Il faut, pour que la Côte d’Ivoire puisse émerger de cette effroyable période, qu’Alassane Ouattara respecte son engagement public d’enquêter sur les violences perpétrées par les deux parties et de poursuivre leurs auteurs en justice. »

Dans un cas particulièrement atroce, des centaines de civils de l’ethnie Guéré, perçus comme des partisans de Laurent Gbagbo, ont été massacrés dans la ville de Duékoué, dans l’ouest du pays, par un groupe constitué de diverses forces pro-Ouattara, dont des unités des Forces Républicaines, lesquelles sont sous le haut commandement du premier ministre d’Alassane Ouattara, Guillaume Soro.

Trois chercheurs de Human Rights Watch ont mené des enquêtes dans la région de Grand Gedeh, au Libéria, du 26 mars au 7 avril. Ils se sont entretenus avec plus 120 victimes et témoins de violations des droits humains commises par les forces des deux camps dans la région de l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire. Plus de 40 000 Ivoiriens ont fui vers le Grand Gedeh en raison des combats. Human Rights Watch a également interviewé par téléphone près de 20 victimes et témoins encore présents à Guiglo, Duékoué et Bloléquin, à l’extrême ouest du pays.

Les violences constatées par Human Rights Watch se sont produites du 6 au 30 mars 2011, alors que les villes de Toulepleu, Doké, Bloléquin, Duékoué et Guiglo, dans l’ouest du pays, toutes auparavant contrôlées par les forces pro-Gbagbo, tombaient aux mains des forces pro-Ouattara qui voulaient destituer Laurent Gbagbo par la force. Ce dernier persiste dans son refus de céder le pouvoir à son rival, Alassane Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme le vainqueur des dernières élections présidentielles.

Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara constituent une coalition floue, composée de combattants qui étaient auparavant membres des Forces Nouvelles, l’armée rebelle de longue date commandée par Guillaume Soro et qui contrôlait déjà la moitié nord du pays fin 2002. Les Forces républicaines ont depuis intégré dans leurs rangs des anciens soldats de l’armée ivoirienne, ainsi que des policiers et des gendarmes qui étaient précédemment au service de Laurent Gbagbo et qui ont récemment fait défection.

Dans chaque village au sujet duquel Human Rights a mené des recherches, des combattants des Forces républicaines s’étaient livrés au meurtre, au viol et au pillage de la population constituée principalement de Guérés. Originaires de l’ouest de la Côte d’Ivoire, les Guérés ont largement voté pour Laurent Gbagbo aux élections présidentielles de 2010. Une femme de 47 ans a raconté à Human Rights Watch que des combattants avaient tué sous ses yeux son père, son mari et son fils de 10 ans, non loin de la plantation de cacao de la famille, près de Doké. Un homme de 32 ans a rapporté comment les forces pro-Ouattara étaient entrées dans Diboké et avaient ouvert le feu sur des habitants qui étaient sortis de leurs maisons en courant, ne sachant pas à quel camp appartenaient les combattants qui les attaquaient. L’homme a vu trois personnes se faire tuer juste devant lui. Dans au moins 10 villages non loin de Toulepleu et de Bloléquin, les habitants ont dit qu’ils s’étaient cachés dans la brousse et avaient vu les Forces républicaines mettre le feu aux maisons ainsi qu’aux greniers ou étaient stockés les récoltes et les semences. Les témoins ont également raconté avoir vu ces combattants abattre les animaux et voler tout ce qui avait de la valeur.

De nombreux habitants ont fui en prévision ou à l’arrivée des forces pro-Ouattara dans le village. D’autres habitants, en particulier des personnes âgées, qui n’avaient pas pu parcourir les 40 kilomètres à pied pour se réfugier au Libéria voisin, ont été capturés par les Forces républicaines et détenus dans leurs villages. Human Rights Watch a recueilli des informations sur l’exécution de plus de 30 de ces captifs civils. Une femme de 67 ans a raconté comment des combattants pro-Ouattara venaient tous les jours chercher plusieurs captifs – souvent des hommes et des femmes entre 60 et 80 ans – et les exécutaient à bout portant.

Des dizaines de femmes ont également été détenues pendant un jour ou plus et ont été violées à plusieurs reprises. Une femme de Bakoubli, près de Toulepleu, a indiqué que les forces pro-Ouattara l’ont violée devant ses enfants, puis ont tué son mari qui tentait de s’interposer.

Les exactions perpétrées durant un mois d’attaques contre les civils guérés dans l’extrême ouest du pays, pendant tout le mois de février, a culminé dans le massacre de centaines d’habitants de la ville de Duékoué le 29 mars. Après avoir sécurisé la ville ce matin-là, les combattants des Forces républicaines, accompagnés de deux groupes de miliciens pro-Ouattara, se sont dirigés vers le quartier de Carrefour, bastion des partisans de Gbagbo. Huit femmes ont dit à Human Rights Watch que les forces pro-Ouattara avaient traîné les hommes, jeunes et vieux, hors de leurs maisons et les avaient tués dans la rue à coups de machettes ou à coups de feu, parfois en tirant par rafales. Tout en commettant ces tueries souvent épouvantables, certains des assaillants menaçaient de « tuer les Guérés jusqu’au dernier » à cause de leur soutien à Laurent Gbagbo. Une jeune femme a raconté à Human Rights Watch que les Forces républicaines avaient enlevé un groupe de jeunes garçons, dont son frère cadet, en criant qu’ils les emmenaient à Man – la ville de l’extrême ouest du pays où les Forces Nouvelles avaient leur base – « pour en faire des soldats ».

Human Rights Watch a également recueilli des preuves de nombreuses atrocités récemment commises par les forces pro-Gbagbo, y compris le massacre à Bloléquin, le 28 mars, d’une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants originaires du nord de la Côte d’Ivoire et de pays voisins d’Afrique occidentale ; les meurtres de 10 autres Ivoiriens du nord et immigrés ouest-africains dans la ville de Guiglo, le 29 mars ; ainsi que les meurtres de huit Togolais dans un village à proximité de Bloléquin à la mi-mars.

« Pour comprendre les événements tragiques qui se déroulent en Côte d’Ivoire, on ne peut schématiser selon un simple clivage nord-sud, ou selon une démarcation entre les partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara », a commenté Daniel Bekele. « Dans les deux camps, il y en a qui, malheureusement, accordent peu de valeur à la dignité de la vie humaine. »

Les forces pro-Ouattara comme les forces pro-Gbagbo sont tenues de respecter le droit international humanitaire (ou lois de la guerre) relatif aux conflits armés non internationaux, comme stipulé dans le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier. Ces lois interdisent notamment le meurtre, le viol, la torture et la mutilation de civils et de combattants capturés, les punitions collectives, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, ainsi que le pillage.

Quiconque participe à des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle, ou ordonne leur commission ou en assume la responsabilité de commandement, s’expose à des poursuites pour crimes de guerre. Les auteurs de crimes graves, y compris des meurtres et des viols, commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, comme un groupe politique ou ethnique, peuvent être poursuivis pour crimes contre l’humanité. Les États ont la responsabilité d’enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur leur territoire ainsi que de poursuivre en justice toute personne impliquée dans ces crimes, ou de s’assurer que ces personnes sont poursuivies dans un autre lieu.

Human Rights Watch a appelé Alassane Ouattara à prendre des mesures décisives pour remédier aux violations graves du droit international commises par toutes les forces, et à empêcher d’autres actes de représailles et de punition collective. Human Rights Watch a également exhorté Ouattara à ordonner de toute urgence l’ouverture d’enquêtes et l’engagement de poursuites contre tous les responsables d’exactions, afin de rompre avec le cycle de l’impunité qui sévit depuis longtemps en Côte d’Ivoire.

« Alors que la communauté internationale portait son attention sur l’impasse politique à Abidjan autour de la question de la présidence, les forces des deux camps ont commis de nombreuses atrocités contre des civils, leurs dirigeants se montrant peu soucieux de contrôler leurs troupes », a conclu Daniel Bekele. « Ouattara devrait faire clairement comprendre à Guillaume Soro et aux Forces républicaines que de tels actes seront sévèrement punis par la justice ivoirienne ou par un tribunal international. »

Meurtres et pillages généralisés perpétrés par les Forces républicaines
Les affrontements armés qui se sont produits dans l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire entre les forces pro-Ouattara et pro-Gbagbo ont débuté le 25 février autour de la ville de Zouan-Hounien. Après s’être emparées rapidement de Zouan-Hounien et de Bin-Houyé le long de la frontière libérienne fin février, les Forces républicaines de Ouattara, placées sous le commandement général de Soro, ont fait face à une résistance beaucoup plus importante à Toulepleu, Doké, Bloléquin et Duékoué. Le 10 mars, Soro a proclamé le Commandant Fofana Losséni chef de la « pacification de l’extrême ouest » pour les Forces républicaines, avec pour mandat de « protéger les populations au nom du gouvernement Ouattara ». Des témoins et des représentants de Ouattara ont également identifié le Capitaine Eddie Medi comme étant le chef de l’offensive militaire menée en particulier autour de Toulepleu et de Bloléquin.

Alors que les combats faisaient rage à l’intérieur et aux alentours de ces villes pendant tout le mois de mars, les Forces républicaines ont systématiquement pris pour cible les civils présumés pro-Gbagbo, malgré les déclarations publiques répétées des porte-parole de Soro et de Ouattara soulignant que leurs attaques ne visaient que les forces armées pro-Gbagbo. Les visites effectuées par Soro aux Forces républicaines à Toulepleu les 9 et 10 mars ne semblent pas avoir réduit le nombre de leurs exactions.

Human Rights Watch a recueilli des informations sur les meurtres de civils commis par les forces pro-Ouattara dans une dizaine de villages au moins autour de Toulepleu et Bloléquin et dans ces localités, notamment des exécutions sommaires, des actes de mutilation et des immolations. Bien que la majorité des habitants guérés de la région aient fui en prévision de l’attaque menée par les Forces républicaines, ceux qui sont restés ont été soumis à un châtiment collectif pour le soutien présumé de leur groupe à Gbagbo.

Un Guéré de 57 ans originaire de Zoguiné, village situé entre Toulepleu et le poste-frontière officiel ivoiro-libérien tout proche, a expliqué à Human Rights Watch que les Forces républicaines avaient tué un paysan qui rentrait chez lui à pied, mis le feu à la maison de sa mère, la brûlant vive, et détruit son village :

Les rebelles[1] sont arrivés dans mon village le lundi 7 mars, à 10h00 du matin. Les femmes du village avaient déjà fui dès qu’elles avaient appris que Toulepleu avait été attaquée. Mais ma mère est restée parce qu’elle n’était pas capable de s’enfuir, et puis, il y avait 14 hommes qui sont restés aussi. La plupart d’entre nous étaient au village mais l’un de nous était dans ses champs en dehors du village.

Sept rebelles sont arrivés. Lorsqu’on a entendu les coups de feu, on s’est tous enfuis dans la brousse pour se cacher. Mais l’homme qui était dans sa plantation ne savait pas qu’ils étaient arrivés. Il est revenu chez lui et à ce moment-là, ils lui ont tiré dessus et l’ont touché au genou, ce qui fait qu’il ne pouvait plus marcher. Ils étaient tous en tenue militaire et portaient des foulards blancs sur la tête. Certains s’étaient barbouillés le visage avec du charbon ; d’autres s’étaient mis de la peinture rouge.

Les autres, on était tous cachés dans la brousse et on regardait tout à une distance de 100, peut-être 200 mètres. Ils lui ont tiré dans le genou avec une Kalache [fusil d’assaut « Kalachnikov » AK-47] à environ 10-20 mètres. Ils se sont dirigés vers lui après ce premier coup de feu et l’ont mis en joue avec leurs fusils. Puis [notre voisin] nous a crié : « Sortez de la brousse ! Ce ne sont pas les rebelles qui sont venus. Ce sont nos protecteurs [les troupes pro-Gbagbo]. » Ils ont essayé de nous piéger. Mais on pouvait les voir, on pouvait les voir avec leurs fusils pointés sur lui. Donc, on n’a pas bougé. Après deux minutes, ils ont dû se rendre compte qu’on n’allait pas revenir. Ils ont mis le feu à sa maison, et puis, ils l’ont attrapé à plusieurs et l’ont traîné par terre. Ils ont dû le traîner sur 85 mètres, l’emmenant vers la route principale qui traverse le village. Ensuite, ils l’ont abattu à bout portant et l’ont éventré avec un long couteau. Ils ont laissé son corps là.

Puis, ils sont retournés au village et ont commencé à rentrer dans toutes les maisons. Ils ont fouillé celles situées près de la route et ont emporté toutes les choses de valeur. Ils ont mis le feu aux maisons qui avaient un toit de paille. Ma mère était âgée et malade et ne pouvait pas quitter son lit. Ils ont brûlé sa maison avec elle encore à l’intérieur. J’ai trouvé son corps carbonisé plus tard, après leur départ. Je les ai regardés brûler ma maison après avoir tout volé. Comme ils étaient venus au village à pied, ils ont amassé tous les objets le long de la route principale. Puis, ils ont appelé leurs compagnons qui sont arrivés dans un camion-cargo militaire pour tout emporter. Ils ont pris des téléviseurs, des radios, toutes les choses sur lesquelles ils ont pu mettre la main. Ils ont massacré tous nos animaux – en ouvrant simplement le feu sur eux avec leurs Kalaches – avant de monter dans le camion.

Dans quelques villes et villages, les Forces républicaines sont arrivées plus tôt que prévu, avant que la plupart des habitants n’aient pu fuir, et elles ont fréquemment ouvert le feu alors que la population en panique cherchait à se réfugier dans la brousse avoisinante. Human Rights Watch a recueilli des informations sur des dizaines de meurtres survenus dans ces circonstances à Toulepleu, Diboké, Doké et Bloléquin.

Des témoins ont déclaré que les forces pro-Ouattara allaient de maison en maison après s’être emparées d’un village, tuant bon nombre de ceux qui étaient restés. Une habitante de Diboké âgée de 23 ans a déclaré à Human Rights Watch que des combattants des Forces républicaines étaient entrés chez elle et avaient tué sa mère, son père et son frère cadet. Elle s’était échappée par une fenêtre, trouvant finalement refuge au Libéria. Une femme de 25 ans de Bloléquin s’est cachée sous son lit lorsque les forces pro-Ouattara ont pénétré chez elles et ont tué sa sœur âgée de 20 ans. Dans au moins quatre cas sur lesquels Human Rights Watch a recueilli des informations, les victimes ont eu des parties de leurs bras tranchés et ont ensuite été éventrées à l’aide de longs couteaux – deux alors qu’elles étaient encore vivantes, deux autres après avoir été abattues.

Après avoir commis ces actes dans plusieurs villes et villages, certains soldats des Forces républicaines se sont déployés à pied sur les plus petites routes dans des zones où les habitants travaillent dans leurs plantations de cacao – tuant d’autres personnes qui croyaient avoir trouvé refuge dans un endroit sûr. Une femme de 47 ans a décrit à Human Rights Watch ce qui s’est produit dans l’une de ces circonstances :

Lorsqu’on a appris que les rebelles arrivaient, ma famille a trouvé refuge dans notre campement (petite plantation de cacao). C’est à deux kilomètres à l’extérieur de Doké, sur une route seulement accessible à pied ou à moto. On pensait qu’on y serait en sécurité, même s’il y avait des combats en ville. Le 16 mars, j’étais avec mon père, mon mari et mon fils de 10 ans. Ma sœur et ses enfants étaient là aussi. On était en train de préparer à manger lorsque deux rebelles sont tombés sur nous dans la brousse. L’un d’eux portait un camouflage militaire complet avec un foulard blanc ; l’autre portait un pantalon militaire et un t-shirt noir. Peut-être avaient-ils vu le feu et c’est comme cela qu’ils nous ont trouvés.

C’est moi qu’ils ont vu en premier lieu et ils ont tiré sur moi à 20 ou 30 mètres de distance. Je suis tombée par terre et j’ai fait semblant d’être morte. Ils ne m’avaient pas touchée. Puis, ils ont vu les autres et se sont dirigés vers eux. Ils ont à nouveau ouvert le feu et ils ont tué ma famille – mon fils, mon mari et mon père, ils ont tous été tués. Ils tiraient avec des grands fusils, des fusils qui tiraient vite, du genre « tacatac ». Je gisais là par terre, j’ai vu quand mon fils s’est écroulé, mort, mais je ne pouvais pas pleurer. Si j’avais pleuré, ils auraient su que j’étais encore vivante et ils m’auraient tuée. Mais pourquoi suis-je encore vivante ? Ils ont pris mon fils, mon mari et mon père. Je n’ai plus rien. Je ne suis plus en vie de toute façon.

Ils sont repartis et après un petit temps, je me suis levée et j’ai regardé les corps. Du sang avait coulé par terre, mais aucun d’eux ne bougeait encore. Mon fils avait reçu deux balles, l’une dans la poitrine, l’autre dans le ventre. Je l’ai pris dans mes bras et j’ai pleuré en silence. Puis ma sœur est sortie de sa cachette – lorsque les rebelles sont arrivés, ils se trouvaient à une petite distance et avaient réussi à se cacher dans la brousse – et elle a dit qu’il fallait partir.

On s’est dirigés vers Bloléquin, mais quand on est arrivés là, on a appris dans la brousse que les rebelles s’étaient emparés de la ville. Alors on a traversé la brousse en direction de Guiglo. Une fois arrivés là, on a découvert que les troupes loyalistes étaient parties, alors on a de nouveau pris la fuite, cette fois en direction de Tai. On a parcouru 20 kilomètres sur la piste de brousse avant de traverser la frontière libérienne en pirogue.

Des dizaines de témoins ont expliqué à Human Rights Watch qu’après avoir tué sommairement les civils guérés trouvés dans un village, les Forces républicaines se livraient souvent au pillage avant de mettre le feu aux maisons. Human Rights Watch a recueilli des informations sur l’incendie partiel d’au moins 10 villages guérés autour de Toulepleu et de Bloléquin. Plusieurs témoins ont signalé à Human Rights Watch qu’alors qu’ils étaient cachés dans la brousse, ils avaient vu les forces pro-Ouattara mettre le feu aux structures utilisées pour stocker le riz et les semences de riz du village.

Exécutions sommaires de civils détenus, essentiellement des personnes âgées
Lorsque les Forces républicaines déferlaient sur un village, les personnes âgées ou malades, ainsi que leurs proches qui refusaient d’abandonner les êtres chers incapables de fuir, sont souvent restés dans leurs maisons. Dans plusieurs cas au moins, les Forces républicaines ont enfermé ces personnes dans une ou plusieurs maisons du village pour ensuite les tuer dans les jours qui ont suivi.

Human Rights Watch a recueilli des informations sur les meurtres d’une trentaine de Guérés qui n’avaient pas été en mesure de fuir avec leurs familles ; dans la vaste majorité des cas, les Forces républicaines ont abattu les victimes âgées à bout portant. Des dizaines d’autres réfugiés interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir laissé derrière eux les personnes âgées qui leur étaient chères dans d’autres villages autour de Toulepleu et de Bloléquin, ce qui semble indiquer que ce bilan meurtrier pourrait s’avérer plus lourd encore.

Une femme guéré de 21 ans originaire d’un village proche de Toulepleu a confié qu’au début mars, elle, sa famille et cinq autres villageois avaient été maintenus en détention. Elle a été violée, son mari a été tué pour avoir essayé de la défendre, et d’autres ont été exécutés :

Le village a été attaqué par des rebelles [aux alentours du 7 mars]. Les loyalistes [troupes pro-Gbagbo] étaient restés dans le village pendant un certain temps avant, mais ils avaient fui juste avant l’arrivée des rebelles. Mon mari, mes deux enfants et moi nous sommes cachés chez nous. Les rebelles nous ont trouvés et nous ont emmenés dans la maison du chef du village, où nous avons été détenus pendant une semaine environ, avec cinq autres villageois, dont deux femmes.

Chaque jour, ils prenaient quelqu’un et l’abattait devant la maison. Les rebelles entraient, emmenaient la personne dehors, et puis un coup de feu retentissait et la personne ne revenait plus jamais. Le cinquième jour, j’ai été violée dans la maison par l’un des rebelles. Il m’a violée sous les yeux de mes enfants. Lorsque mon mari a tenté de me défendre, ils l’ont emmené dehors, ont tiré un coup de feu, et il n’est jamais revenu.

Peu de temps après, quelque chose a volé au dessus de nos têtes. C’est passé deux fois, et tous les rebelles ont quitté le village. C’est alors que j’ai pris mes enfants et que j’ai traversé la frontière pour aller au Libéria.

Une femme de 67 ans originaire de Doké, où des combats entre les forces de Ouattara et celles de Gbagbo ont eu lieu le 13 mars, a fourni à Human Rights Watch une description analogue de l’exécution de 20 civils guérés, en majorité des hommes et femmes âgés :

J’ai été réveillée par des coups de feu le premier jour où ils ont attaqué Doké. J’étais chez moi, et quand j’ai entendu les tirs, je suis sortie en courant. Les rebelles m’ont immédiatement capturée. Certains portaient un camouflage militaire ; d’autres étaient en t-shirt et en pantalon militaire. Il y avait des camions-cargo militaires et des 4×4 autour de la ville. Six d’entre eux nous ont cernées, moi et quatre autres personnes. Ils nous ont enfermées dans l’une des plus grandes maisons du village. Alors qu’ils nous mettaient là, l’un d’eux a dit : « On n’est pas venus ici pour vous. On n’est pas venus ici pour vous tuer. »

Le deuxième jour, ils ont amené d’autres personnes dans la maison. Certaines étaient du village, pour la plupart d’autres personnes âgées ou malades qui ne pouvaient pas fuir. Et puis, il y a eu d’autres personnes comme nous qu’ils ont amenées des villages voisins. Au total nous étions plus de 30, peut-être même plus de 40. Nous avions tous plus de 45 ans.

C’est ce jour-là qu’ils ont commencé à tuer. Les rebelles ont traîné les gens hors de la maison et puis les ont exécutés juste devant. Je pouvais regarder dehors et j’ai tout vu. J’étais tellement surprise la première fois, on a tous pleuré, sachant alors qu’on allait mourir. Ils ont empoigné un vieil homme – ils étaient trois à être entrés – l’ont traîné dehors, lui ont dit de s’éloigner en marchant, puis ils l’ont abattu à deux-trois mètres de distance. Son corps s’est simplement écroulé sur le sol. Puis, ils sont rentrés et ont saisi quelqu’un d’autre. Ce jour-là, ils ont tué le chef de notre village. Ils lui ont réclamé 100 000 francs CFA [environ 210$US, 152 Euros] mais il leur a dit qu’il n’avait pas d’argent. Ils ont tiré trois coups de feu ; c’est le troisième qui l’a tué.

Au total, ils ont tué plus de 20 personnes détenues là. Je les ai toutes vues de mes propres yeux. Cela s’est passé sur trois jours ; ils en ont tué plusieurs chaque jour. Ils en ont tué quelques-unes en leur tranchant la gorge avec une machette, mais la plupart [des meurtres], c’était par balles. Ils ont surtout tué des hommes, mais ils ont exécuté quelques femmes aussi. Nous les vieux et les malades, on ne pouvait pas fuir la guerre. Quel combat leur a-t-on livré ?

Un jour, j’ai entendu l’un d’eux dire à un autre rebelle : « Ce sont des gens qu’on va tuer. Ce sont les Guérés qui ont provoqué cette guerre. » Mais sinon, ils ne nous ont pas parlé. Il y en avait beaucoup qui faisaient les exécutions. Cela changeait chaque jour. De nouveaux 4×4 remplis de rebelles arrivaient toujours, amenant de nouvelles personnes. Doké est devenue leur base au moment où ils envisageaient d’attaquer Bloléquin.

Après trois jours d’exécutions, ils ont rassemblé quelques cadavres et les ont brûlés. L’odeur était épouvantable à cause de tous les corps en décomposition devant la maison.

Ils m’avaient frappée sur le pied avec une Kalache le premier jour, et mon pied était vraiment enflammé. Un jeune rebelle est venu me trouver à cause de ma blessure et m’a dit que je devais aller dans la brousse ramasser du bois pour cuisiner pour eux plus tard. Il a dit à son ami que je ne pouvais pas m’enfuir vu que mon pied était très enflammé. Ils ne se rendaient pas compte que j’étais encore forte, que je savais que si je restais, je serais tuée. Donc quand je suis allée dans la brousse pour chercher du bois, j’ai pris la fuite.

Je suis restée dans la brousse pendant deux semaines, et je suis arrivée ici il y a neuf jours. Je ne sais toujours pas où se trouvent mon mari et mes enfants. Ils ont fui lorsque les combats ont commencé, et je ne sais pas s’ils ont pu s’échapper. Je demande à de nouveaux réfugiés chaque jour, mais je n’ai toujours pas de nouvelles.

Un homme de 84 ans détenu dans une autre maison de Doké avec six autres Guérés a expliqué que le cinquième jour de leur captivité, des membres en uniforme des Forces républicaines ont verrouillé la maison dans laquelle ils étaient détenus et qui ne comptait qu’une seule pièce, ouvrant ensuite le feu à travers les murs. Cinq des sept captifs sont morts immédiatement, tous avaient plus de 50 ans, et le témoin a eu trois blessures par balle à la jambe gauche.

Les forces pro-Ouattara ont quitté le village – qui a été repris brièvement le jour même sans coup férir par les forces pro-Gbagbo – permettant à l’homme de s’échapper avec l’autre survivant. Ils ont trouvé une voiture qui les a emmenés à Guiglo, où la Croix-Rouge les a soignés. Menacé par une autre attaque imminente des Forces républicaines à Guiglo, l’homme de 84 ans a parcouru pendant deux semaines plus de 100 kilomètres à pied pour rejoindre le Libéria et trouver refuge dans un village libérien.

Viols et autres violences sexuelles
Human Rights Watch a recueilli des informations sur 23 cas de viol et autres violences sexuelles commis par les Forces républicaines lors de leur progression dans l’extrême ouest du pays. Toutes les victimes étaient guérés. Dans plusieurs cas, les agresseurs ont fait allusion à l’origine ethnique de la victime avant ou pendant les violences sexuelles. Des informations dignes de foi émanant d’organisations humanitaires travaillant le long de la frontière ivoiro-libérienne semblent indiquer qu’il existe des dizaines d’autres cas analogues.

Dans quelques cas, les combattants ont capturé des femmes et des filles lors de l’attaque initiale d’un village, les ont forcées à aller dans la brousse avoisinante et les ont violées. Une femme de 31 ans originaire de Bohobli, un village de la région de Toulepleu proche de la frontière libérienne, avait décidé de ne pas s’enfuir lors de l’avancée des forces de Ouattara car sa grand-mère ne pouvait pas partir et elle-même était handicapée du pied. Elle a confié à Human Rights Watch que trois hommes armés étaient entrés chez elle. Un combattant a tué la grand-mère à coups de machette, tandis que les deux autres ont traîné la femme dans la brousse, où ils l’ont violée.

Néanmoins, dans la vaste majorité des cas étudiés, les combattants ont enfermé les femmes dans des maisons pendant un ou plusieurs jours, commettant des viols collectifs répétés avant de partir pour la ville ou le village voisin. Aux alentours du 7 ou 8 mars, les Forces républicaines sont passées par Basobli, à une dizaine de kilomètres de Toulepleu en direction de la frontière libérienne. Bien que la plupart des habitants aient fui dès qu’ils ont appris la chute de Toulepleu, une femme de 25 ans qui s’est entretenue avec Human Rights Watch est restée au village pour veiller sur ses jeunes frères et sœurs :

Des rebelles armés sont arrivés au village. Sept d’entre eux ont investi la maison familiale et m’ont gardée prisonnière pendant deux nuits avec trois frères et sœurs plus jeunes et une cousine. Trois des sept hommes m’ont violée dans la maison à de multiples reprises les deux nuits. Les rebelles étaient toujours là, mais pendant la journée, j’étais autorisée à circuler dans le village. Trois autres femmes du village étaient détenues chez elles également ; je parlais avec elles pendant la journée lorsque les rebelles m’autorisaient à sortir, et les femmes m’ont dit qu’elles étaient violées aussi. Lorsque nous nous sommes parlé le troisième jour, nous avons décidé de fuir. Je suis allée chercher ma famille et dès que la chance s’est présentée, nous nous sommes enfuis dans la brousse.

Après que les forces pro-Ouattara eurent pris Bloléquin le 20 mars, elles ont également enfermé les hommes et les femmes qu’elles avaient capturés pendant les combats et qui étaient dans l’impossibilité de fuir. Dans une villa située non loin de la préfecture où étaient installés plusieurs commandants des Forces républicaines, des combattants ont violé à plusieurs reprises huit jeunes femmes guérés, dont plusieurs filles, comme l’a décrit un homme détenu avec elles :

On m’a emmené dans une maison de Bloléquin en même temps que 15 autres prisonniers. C’était une très grande villa en ville. Les chefs militaires des FAFN [autre nom donné aux Forces Nouvelles] étaient installés dans le bâtiment de la préfecture en ville, mais un autre groupe FAFN avait réquisitionné cette maison qui n’était pas trop éloignée. Ils nous ont gardés prisonniers là. Sur les 16, huit étaient des femmes – dont quelques filles de 14-15 ans. On était tous Guérés.

Pendant la nuit, ils sont venus et ont saisi les femmes, qui ont commencé à crier et à implorer les soldats de ne pas les toucher. Tous les FAFN qui étaient là avaient la même idée en tête, violer les femmes, surtout les plus jeunes. La première fois, trois des soldats sont venus en même temps et l’un d’eux a dit alors qu’il empoignait une fille : « Vos maris guérés voulaient la guerre avec nous, eh bien nous allons leur donner la guerre. »

Ils se sont même battus entre eux, devant nous, pour savoir qui pourrait être avec telle ou telle fille. Toute la nuit ils ont emmené les filles – un ou deux FAFN en attrapaient une, emmenaient la fille dans une pièce de l’autre côté du couloir, ou en bas – et puis, ils la violaient. J’ai écouté les cris toute la nuit ; je n’ai pas dormi, aucun d’entre nous n’a dormi. Puis ils ramenaient les filles, et c’était au tour d’un autre FAFN. On était tous enfermés dans la même pièce, et les filles revenaient et nous disaient que les soldats les avaient violées à maintes reprises. Elles ont dit que les soldats appuyaient la pointe d’un fusil ou une machette contre leur cou, leur disaient de se déshabiller et puis les violaient.

Massacre de Duékoué impliquant les Forces républicaines
Après que les Forces républicaines eurent pris le contrôle de Duékoué le 29 mars tôt le matin, des centaines d’habitants guérés ont été massacrés dans le quartier Carrefour de la ville. Human Rights Watch a interrogé huit femmes qui avaient été témoins des événements, ainsi que plusieurs personnes qui avaient aidé à compter ou à enterrer les corps dans les jours qui ont suivi le massacre.

Cinq témoins ont clairement identifié des Forces républicaines parmi les attaquants, affirmant qu’ils étaient arrivés dans le quartier dans des camions, des 4×4 et à pied, en tenue militaire. D’autres ont expliqué avoir vu deux milices pro-Ouattara opérer en étroite collaboration avec les Forces républicaines, commettant des exactions contre la population civile : un groupe tribal de défense civile dont les membres sont connus sous le nom de Dozos, généralement armés de fusils et identifiés par certains témoins comme portant leurs vêtements traditionnels ; et un groupe de miliciens burkinabés qui vivent dans la région et sont dirigés par un homme désigné principalement par son prénom, Amadé.

Le quartier Carrefour est depuis longtemps un point de concentration des milices pro-Gbagbo. Cependant, selon des témoins interrogés par Human Rights Watch, les forces pro-Ouattara y ont exécuté des hommes qui ne passaient pas pour être membres des milices, y compris des garçons et des vieillards. Selon des victimes et des témoins, les déclarations faites par des membres des forces pro-Ouattara qui participaient au massacre démontrent qu’ils visaient la population du quartier en vue d’infliger un châtiment collectif aux Guérés. Une femme de 39 ans a décrit le meurtre de son mari ainsi que des dizaines d’autres meurtres, son témoignage rejoignant celui de beaucoup d’autres témoins du massacre :

C’est mardi matin [29 mars], juste après que les rebelles [pro-Ouattara] eurent pris le contrôle de Duékoué, qu’ils sont arrivés dans le quartier et ont commencé à tirer partout. Ils devaient être 500 à faire une descente dans le quartier ce matin-là.

Ils sont allés de maison en maison et ont fait sortir les hommes pour les tuer. Deux d’entre eux ont enfoncé ma porte et sont entrés chez moi ; ils ont forcé mon mari à sortir. Plusieurs autres portaient une torche et ont mis le feu à la maison. Je suis sortie en criant derrière eux, et ils ont abattu mon mari à bout portant. C’était avec un grand fusil ; l’un d’eux l’a tiré dehors et l’autre l’a abattu. Alors que mon mari s’écroulait à cinq mètres de moi à peine, ils ont dit : « On est là pour tuer Gbagbo, mais parce que vous les Guérés avez voté Gbagbo, on va vous tuer, on va vous tuer jusqu’au dernier. »

Puis les rebelles sont passés à la maison voisine, me laissant là en train de crier. Mon mari, mon beau-frère, plusieurs cousins, ils ont tous été tués par les forces d’Alassane [Ouattara] ce jour-là.

La plupart des attaquants présents dans le quartier portaient un uniforme militaire – l’uniforme des Forces républicaines. Beaucoup avaient des foulards rouges. D’autres étaient des Dozos en vêtements traditionnels et certains étaient des jeunes dioulas venus avec des couteaux et des machettes. Les Forces républicaines sont arrivées les premières dans leurs voitures et à pied, et puis les autres ont suivi. Ils ont tué des gens désarmés partout. J’ai vu des gens à qui on tranchait la gorge avec des machettes et des couteaux, d’autres qui étaient abattus. On pouvait voir les taches de sang sur la route, le sang de tous ceux qui avaient été tués. Il y avait des corps partout. On pouvait juste voir les rangées de corps de ceux qu’ils avaient fait sortir et qu’ils avaient abattus.

La plupart des personnes tuées étaient des hommes, mais ils ont tué des garçons, comme les hommes, comme les vieillards. Je les ai vus tuer des garçons, sous mes yeux. L’un d’eux ne devait pas avoir plus de 10 ans et alors qu’ils le traînaient dehors, il m’a regardée l’air tellement effrayé et a dit : « Mama, s’il-te-plaît », et puis, ils l’ont abattu. Partout il y avait des gens abattus. Nos maris, nos frères, nos enfants ont tous été tués.

Une femme de Carrefour âgée de 29 ans a également confié que son mari avait été tué sous ses yeux parce qu’il était guéré, et qu’ensuite son frère de 15 ans avait été recruté de force :

Mardi [29 mars] aux alentours de 8 heures du matin, ils ont commencé à attaquer le quartier Carrefour où nous vivons. Ils ont dit aux femmes qu’elles pouvaient partir mais, « Nous sommes ici pour tuer vos maris ». Il y en avait plein, tout plein. Il y avait des Dozos, des hommes d’Amadé, des jeunes armés et en civil, et des soldats FN [Forces Nouvelles]. On s’était cachés chez nous, mon frère, mon mari et notre bébé.

Quand les forces sont arrivées pour dire, « Les femmes, partez, les hommes, on va vous tuer », chacun a cherché à s’enfuir s’il le pouvait. On a fait de même. À 13 heures, on s’était enfuis de chez nous et on était à pied sur le bord de la route principale, près du pont.

Il y avait plein de cadavres dans les rues, des forces pro-Ouattara partout au milieu du carnage. Pendant notre fuite, j’ai vu des gens qu’on abattait autour de nous avec des Kalaches, mais je ne pouvais pas faire attention, j’étais trop effrayée. Un 4×4 nous a dépassés ; l’un d’eux nous a vus et ils se sont rangés sur le côté. Ils ont garé le véhicule juste à côté de nous. Il y avait un dessin de serpent dessus.

Trois hommes sont descendus et ont stoppé mon mari. Ils ont dit : « On cherche des Guérés. Vous avez voté Gbagbo, on va vous tuer tous. Toi, tu es guéré. » Il a répondu : « Non, j’ai voté ADO [initiales de Ouattara] », mais ils ont dit : « Non, tu n’as pas voté pour lui, tu es guéré, donc tu as voté Gbagbo ». En fait, on n’a pas voté. Ils ont éloigné mon mari de moi. J’avais notre bébé de six mois dans les bras. Ils scandaient : « ADO ! ADO ! Vous êtes tous des Guérés, vous qui avez voté Gbabgo ! Vous n’avez pas voté ADO, on va vous tuer tous. Ce sont tous des Gbagbo ici. »

Puis ils ont tiré dans le ventre de mon mari. Tous les trois ont tiré sur lui avec leurs Kalaches, alors qu’il était juste devant eux. Ils ont regardé mon bébé de six mois et ont décidé que mon bébé ne pouvait pas leur être utile, mais mon frère de 15 ans était là aussi. Il criait, « Pourquoi vous l’avez tué ? » Tuer mon mari n’était pas suffisant ; ils ont pris mon petit frère pour en faire un soldat. Ils ont dit : « Aujourd’hui, tu vas devenir soldat. Nous allons t’emmener à Man. À Man, tu vas devenir soldat. » C’est à Man que se trouve leur base, ceux qui nous tirent dessus, les Forces Nouvelles. Ils l’ont emmené de force dans le camion. Il y avait au moins six autres jeunes garçons qui attendaient dedans, dont des enfants qui n’avaient pas l’air d’avoir plus de 10 ans. Je ne les ai pas reconnus, mais c’étaient des garçons en civil, la peur transparaissait sur leur visage. J’ai entendu les garçons qui imploraient le pardon quand les hommes sont revenus, mais les soldats n’ont pas répondu. Ils ont poussé mon frère à l’intérieur avec les autres garçons, sont remontés à bord et ont démarré. Je n’ai pas eu de nouvelles de mon petit frère depuis lors.

Les hommes qui ont tué mon mari étaient des militaires armés de couteaux, de machettes et de Kalaches. Ils portaient des gris-gris de guerriers [amulettes traditionnelles souvent portées par les combattants du nord], des jeans et en haut une tenue de camouflage militaire. C’étaient clairement des forces pro-Ouattara ; ils chantaient ADO. Les FN avaient pris la ville ce jour-là, avec les Dozos et les Burkinabés qui étaient dans les rues aussi, brûlant des choses et tuant des gens, allant de maison en maison. Pas une seule maison n’a été laissée indemne à Carrefour. Ils ont mis le feu aux maisons. Mon appartement n’existe plus ; il a été incendié comme les autres.

Un chef religieux de Duékoué qui s’est rendu dans le quartier Carrefour le 31 mars a confié à Human Rights Watch que des centaines de cadavres y gisaient encore, dont 13 dans une église appelée l’Église du Christianisme céleste. Parmi eux se trouvait le corps criblé de balles du pasteur, toujours dans ses habits religieux.

Des informations dignes de foi, émanant notamment des Nations Unies et des organisations humanitaires internationales travaillant dans la région, ont indiqué que les groupes pro-Gbagbo avaient tué des immigrés ouest-africains et des Ivoiriens du nord alors qu’ils se retiraient de Duékoué, mais Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer ces informations.

Meurtres perpétrés par les forces pro-Gbagbo
Human Rights Watch a également recueilli des informations sur les meurtres de centaines de personnes originaires du nord de la Côte d’Ivoire et de pays ouest-africains voisins, meurtres perpétrés par les forces pro-Gbagbo au moment où elles se sont retirées de villes et de villages de l’extrême ouest. Ces informations font état de massacres de plus de 100 personnes à Bloléquin et d’au moins 37 autres à Bédi-Goazon, ainsi que de meurtres commis à Guiglo, dans le village de Keibli et dans les campements des plantations de cacao autour de Zidibli.

Alors que les Forces républicaines progressaient, en particulier après la chute de Toulepleu, les combattants fidèles à Gbagbo ont rapidement battu en retraite. Néanmoins, d’autres forces pro-Gbagbo, notamment des miliciens ivoiriens et des mercenaires libériens, sont souvent restés en arrière. Beaucoup semblent être restés afin d’avoir une dernière occasion de commettre des atrocités à l’encontre des partisans présumés de Ouattara avant de battre également en retraite.

Human Rights Watch a recueilli des informations sur le recrutement de centaines de mercenaires libériens par les deux camps. Les mercenaires, dont beaucoup d’ex-combattants de la guerre civile brutale qui a ravagé le Libéria, ont souvent reçu entre 300 et 500$ chacun pour traverser la frontière ivoirienne et se battre.

Une personne capturée par les forces de Ouattara à Bloléquin a décrit à Human Rights Watch ce qui est arrivé quelques jours plus tard, alors que les mercenaires et les miliciens pro-Gbagbo tentaient de reprendre la ville. Le témoin a expliqué que lorsque les forces pro-Gbagbo avaient pris le contrôle de la préfecture, bâtiment abritant les autorités et l’administration locales, elles avaient massacré une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant à des groupes ethniques du nord de la Côte d’Ivoire et de pays ouest-africains voisins.

Le lundi 25 mars, on était toujours retenus prisonniers à la préfecture lorsqu’on a entendu des tirs à l’arme lourde. Il était environ 4 heures du matin, et on pouvait entendre le bruit assourdissant des affrontements. La préfecture tremblait à cause des tirs. Tous les FAFN [forces pro-Ouattara] qui dormaient là étaient partis. Les habitants de la ville étaient généralement répartis dans des pièces différentes en fonction de leur groupe ethnique, et nous, les Guérés, on était couchés là dans une grande pièce. De 4 heures à 6 heures du matin, il y a eu des tirs nourris.

Juste avant 6 heures, des hommes armés ont fait irruption dans la pièce où l’on se trouvait. C’étaient les mercenaires libériens et quelques autres combattants pro-Gbagbo. Les mercenaires étaient dirigés par un gars surnommé « Bob Marley ». Quand ils ont fait irruption dans la pièce, on a mis nos mains en l’air en criant : « On est prisonniers, on est prisonniers, ne tirez pas ! » Ils ont demandé s’il y avait des rebelles parmi nous, et on a répondu : « Non, on est tous des Guérés, on est prisonniers. » Ils nous ont fait sortir de la pièce et on a commencé à voir des corps jonchant le sol partout dans les autres pièces. Ils nous ont fait sortir par l’arrière, en disant : « Il y a trop de corps dans le hall d’entrée principal pour que vous passiez par là. » Je pouvais voir des corps empilés. Il y avait des femmes, il y avait des hommes, il y avait de jeunes enfants.

À l’entrée de la préfecture, ils avaient posté un milicien guéré qui demandait à chaque personne, une par une, à quel groupe ethnique elle appartenait – il parlait à la personne en guéré pour voir si c’était sa langue maternelle. Ceux qui pouvaient parler guéré, ils les emmenaient dehors. Ceux qui ne pouvaient pas, ils les forçaient à aller dans une autre direction. À ce stade, on avait rejoint des personnes provenant d’autres pièces. Donc il y en avait certains qui étaient Dioulas, Mossis, Malinkés. J’ai entendu pleurer des bébés et des femmes, ils les ont tous tués. Ils les ont massacrés. On était dehors et ils nous ont fait attendre pendant qu’ils ouvraient le feu sur quiconque n’était pas guéré. Je ne sais pas comment quelqu’un aurait pu survivre. Il y avait un bruit incroyable à cause des tirs et des pleurs. Je n’ai jamais rien entendu de pareil. Je ne suis toujours pas bien dans la tête.

Lorsqu’ils en ont eu fini avec les tueries, ils ont dit qu’ils allaient nous emmener à Guiglo. Ils ont commencé à marcher dans cette direction, d’autres ont été chargés dans des voitures, mais j’ai profité d’un moment où ils ne nous surveillaient pas beaucoup pour fuir dans la brousse. Par la suite, j’ai appris que les FAFN avaient repris Bloléquin quelques heures plus tard.

Une autre personne interrogée par Human Rights Watch est arrivée à Bloléquin quelques jours plus tard et a découvert des dizaines de corps dans la préfecture. L’homme a confirmé que les victimes appartenaient à des groupes ethniques du nord de la Côte d’Ivoire et de pays ouest-africains voisins.

Human Rights Watch a également recueilli des informations sur les meurtres de 10 Ivoiriens du nord et autres ressortissants ouest-africains à Guiglo le 29 mars tôt le matin, lorsque la ville était sous le contrôle des forces pro-Gbagbo. Des témoins ont déclaré que les auteurs des meurtres avaient attaché les victimes ensemble, puis leur avaient tranché la gorge. Une autre personne interrogée par Human Rights Watch a vu les corps le lendemain et selon elle, deux de ces corps étaient ceux de ressortissants maliens et un troisième celui d’un Guinéen. Les forces pro-Gbagbo ont quitté Guiglo le 30 mars, des heures avant l’arrivée des forces républicaines.

Les deux témoins de Guiglo ont dit avoir reçu des informations crédibles faisant état de tueries similaires perpétrées dans d’autres parties de la ville, mais les problèmes de sécurité n’ont pas permis de confirmer ces témoignages.

Human Rights Watch a également recueilli des informations sur les meurtres, à la mi-mars, de huit ressortissants togolais vivant à Keibli, avant que les Forces républicaines ne s’emparent de ce village situé juste à l’extérieur de Bloléquin. Un habitant de Bloléquin qui s’est entretenu avec Human Rights Watch a trouvé leurs corps mutilés dans un lac et aux alentours. Des informations crédibles ont incriminé une coalition de miliciens et de mercenaires libériens pro-Gbagbo.

Human Rights Watch avait déjà recueilli antérieurement des informations sur le massacre, le 22 mars, d’au moins 37 personnes, en majorité des ressortissants ouest-africains, à Bédi-Goazon, un village situé entre Bloléquin et Guiglo. Aux alentours de 14h30, des mercenaires libériens et autres miliciens pro-Gbagbo ont tué des immigrés ouest-africains chez eux ou lorsqu’ils tentaient de s’enfuir. L’attaque semble avoir eu une connotation ethnique, un témoin confiant à Human Rights Watch que les attaquants avaient dit aux Guérés qu’ils pouvaient rester en toute sécurité, mais ils auraient dit aux Maliens et aux Mossis (un groupe essentiellement originaire du Burkina Faso) qu’ils allaient être tués.

Des témoins ont signalé à Human Rights Watch que tant lors du massacre de Bloléquin que lors de celui de Bédi-Goazon, les attaquants étaient dirigés par un mercenaire libérien dont le nom de guerre en Côte d’Ivoire était « Bob Marley ». Selon des témoins et plusieurs autres témoignages dignes de foi, dont certains émanant d’ex-combattants au Libéria, « Bob Marley » travaille pour Gbagbo depuis le conflit civil de 2002, utilisant le village de Ziglo, juste à l’extérieur de Bloléquin, comme base pour recruter et entraîner des mercenaires libériens depuis l’issue du second tour des élections.

Contexte
Depuis que la crise en Côte d’Ivoire a éclaté dans la foulée du second tour du scrutin présidentiel le 28 novembre 2010, Human Rights Watch a investigué sur des violations graves des droits humains et des violations du droit humanitaire international perpétrées par les deux camps. Jusqu’à la fin du mois de février, les exactions signalées étaient essentiellement commises par les forces de sécurité se trouvant sous le contrôle de Gbagbo et par des milices qui lui étaient fidèles dans le cadre d’une campagne systématique de violence, signe de crimes contre l’humanité. Les partisans présumés de Ouattara, y compris les membres de partis politiques alliés avec Ouattara, ainsi que les immigrés ouest-africains et les musulmans, ont été la cible d’atteintes aux droits humains, notamment de meurtres, de disparitions forcées et de violences sexuelles. Le 30 mars, face à la multiplication des exactions et à une situation qui dégénérait en guerre civile, le Conseil de sécurité des Nations Unies a imposé de lourdes sanctions à l’encontre de Gbagbo et de plusieurs de ses proches alliés politiques.

Ces attaques se sont poursuivies au cours des dernières semaines, donnant notamment lieu au massacre et autres meurtres décrits par Human Rights Watch et perpétrés dans l’ouest ainsi qu’à Abidjan, où bon nombre de partisans supposés de Ouattara ont été tués depuis que les forces pro-Ouattara y ont lancé leur offensive début avril.

Recommandations

À Alassane Ouattara :

  • Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le commandement formel de toutes les Forces républicaines, notamment celles se trouvant dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, et veiller à ce qu’elles respectent le droit international relatif au droits humains et le droit humanitaire.
  • Ordonner d’urgence l’ouverture d’enquêtes sur les meurtres, viols, pillages et autres exactions perpétrés depuis les élections de novembre 2010 par tous les groupes armés, et engager des poursuites, conformément aux normes internationales en matière de procès équitable, à l’encontre des personnes impliquées. Veiller à ce que tous les commandants qui ont ordonné ou sont impliqués dans de graves exactions en vertu de leur responsabilité de commandement fassent l’objet de poursuites. Demander l’aide de la communauté internationale dans les enquêtes et poursuites afin de s’assurer qu’elles répondent aux normes internationales.
  • S’engager à fournir des dédommagements et autres réparations aux victimes d’exactions, à permettre aux réfugiés se trouvant au Libéria de retourner dans les régions de Côte d’Ivoire où ils résidaient antérieurement, et à contribuer à la reconstruction des villages détruits lors des combats.
  • Veiller immédiatement à ce que tous les enfants incorporés dans les rangs d’un groupe armé, quel qu’il soit, soient bien remis à des organisations telles que le Comité international de la Croix-Rouge qui peuvent aider à retrouver leurs familles. Veiller à ce que ceux qui ont recruté ou utilisé des enfants au sein de leurs forces soient tenus de répondre de leurs actes.
  • Garantir l’accès aux soins de santé, à une prise en charge psychologique, à une assistance juridique et à des services de réinsertion socioéconomique aux victimes de violence sexuelle.
  • Coopérer pleinement avec la Commission d’enquête mise sur pied par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et l’autoriser à travailler sans ingérence, notamment à mener des enquêtes sur tout le territoire et à interroger des victimes et des suspects des deux camps.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies :

  • Adopter des sanctions, notamment des interdictions de voyager et un gel des avoirs, à l’encontre de tous les commandants impliqués dans des violations des lois de la guerre pendant le conflit armé.
  • Veiller à ce que les 2 000 Casques bleus supplémentaires de l’ONU, aujourd’hui prêts à arriver dans le pays après l’autorisation initiale de leur envoi en janvier, soient déployés dans des zones à risque, notamment la région de l’extrême ouest et les quartiers pro-Gbagbo d’Abidjan.
  • Garantir l’assistance dont a besoin la Commission d’enquête récemment mise sur pied, particulièrement en lui assurant les effectifs et ressources suffisants pour protéger les victimes, les témoins et les enquêteurs.
  • Dans l’intérêt de la vérité et de la justice dans cette crise ivoirienne qui dure maintenant depuis dix ans, publier le rapport de la Commission d’enquête de 2004, y compris l’annexe qui a identifié les principaux responsables des exactions commises après le début de la guerre civile en septembre 2002.
  • Demander au Secrétaire général de l’ONU de fournir dans ses rapports, conformément à la Résolution 1960 du Conseil de Sécurité, des informations détaillées sur les parties au conflit armé qui sont soupçonnées d’avoir, selon toute probabilité, perpétré des violences sexuelles ou d’en être responsables.
  • Demander à la Représentante spéciale pour la violence sexuelle dans les conflits de fournir au Conseil de sécurité des informations sur les viols et autres violences sexuelles et de promouvoir une réponse coordonnée et efficace face aux violences sexuelles commises par tous les acteurs en Côte d’Ivoire.

À la Commission d’enquête mise en place par le Conseil des droits de l’homme :

  • Enquêter sur les principales exactions commises dans l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire, notamment les massacres perpétrés à Duékoué, Bloléquin et Bédi-Goazon ; les violences sexuelles ; ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants et le recrutement forcé d’autres personnes au sein des forces armées. Interroger les réfugiés ivoiriens dans la région de Grand Gedeh, au Libéria, afin de recueillir des témoignages capitaux relatifs aux graves exactions perpétrées lors des intenses combats qui ont eu lieu le long de l’axe Toulepleu-Guiglo.
  • Identifier les principaux responsables des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis pendant la période postélectorale, notamment les commandants impliqués en vertu de leur responsabilité de commandement. Sur la base de ces conclusions, inclure des recommandations visant à ce que ces responsables soient tenus de répondre de leurs actes.

Au Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme :

  • Renforcer les effectifs et le soutien destinés à la division des droits de l’homme de la Mission de l’ONU au Libéria, en appuyant les efforts qu’elle déploie dans les comtés de Nimba, de Grand Gedeh et de Maryland pour recueillir des informations sur les atteintes aux droits humains qui ont été perpétrées en Côte d’Ivoire. Veiller à ce que les effectifs comptent dans leurs rangs des personnes parlant couramment le français. Demander aux observateurs des droits humains de travailler avec le gouvernement pour renforcer la protection des réfugiés et s’attaquer à la violence basée sur le genre.

À la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) :

  • Appeler Alassane Ouattara et son nouveau gouvernement à adopter des mesures urgentes visant à garantir une enquête indépendante, impartiale et crédible sur les crimes qui auraient été commis par tous les camps depuis l’élection et l’appeler à coopérer pleinement avec la Commission d’enquête de l’ONU.

Aux bailleurs de fonds internationaux de la Côte d’Ivoire :

  • Soutenir et promouvoir les efforts faits au niveau national pour lutter contre l’impunité, notamment les enquêtes criminelles et poursuites judiciaires, en fournissant une assistance financière et l’aide d’experts.


[1] Lors des interviews, les victimes et témoins ont utilisé différents termes pour désigner les forces armées régulières de Ouattara, notamment les « rebelles », les Forces Nouvelles (ou FN), les FAFN (Forces Armées des Forces Nouvelles) et les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) – nom officiel depuis la déclaration de Ouattara le 17 mars.
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