Côte d’Ivoire : le Bon, la Brute et Le Drian

Du western spaghetti à la politique du même genre, il ny a qu’une seule scène. La Côte d’Ivoire traverse depuis plusieurs mois une crise politique absurde, du fait de la candidature illégale du chef d’État sortant, M. Ouattara, à un 3ème mandat tout aussi illicite. Au fil du temps, des comédiens inattendus de ce mauvais film font leurs apparitions. Mais ce film n’a pas encore livré tous les secrets de son casting d’enfer, qui se classe en trois catégories d’acteurs : le Bon, la Brute et Le Drian.

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Le Bon

Le Bon représente cette catégorie d’individus, qui tirent leur perfection du fait que ce sont des personnes du quotidien. Ce sont ces gens, qui ont le courage de reconnaître d’une façon ou d’une autre leurs erreurs passées. Ils sont non violents, n’ont pour seule arme que leur sagesse qu’ils ne mettent pourtant pas au-dessus de tout parce qu’ils sont justement sages, réfléchis. Leur goût de la vérité et de la légalité est plus fort que leurs intérêts personnels, or Dieu seul sait ce qu’ils peuvent subir comme propositions alléchantes, chantage et pression, pour les emmener à céder. Mais heureusement la bonté n’est pas sans le courage.

Ces caractères du Bon, dans le contexte du paysage politique ivoirien, renvoient actuellement à l’opposition. Chacun de ses deux principaux leaders par exemple a par le passé fait des concessions.

Le président Henri Konan Bédié, pour préserver l’environnement pacifique du scrutin en 2010, concède ne pas porter plus loin la réclamation de centaines de milliers de voix qui le qualifient pourtant au second tour. Il s’alliera au candidat du Rassemblement des Républicains (RDR), Alassane Ouattara, qu’il a pourtant longtemps soupçonné d’être le commanditaire du coup d’État qui le renverse du pouvoir en 1999. Konan Bédié n’a d’ailleurs pas le choix, puisque ce dernier a avec lui une armée rebelle cantonnée dans le nord du pays, les Forces Nouvelles (FN), mais surtout des soutiens presque du monde entier. En particulier de la France, ancienne puissance coloniale, où l’ami à M. Ouattara, Nicolas Sarkozy, est au pouvoir en France.

Laurent Gbagbo, on l’oublie souvent, est celui qui a décrispé l’atmosphère politique en Côte d’Ivoire. D’abord en 2005, par la plus grande concession dont n’a jamais bénéficié M. Alassane Ouattara. En effet, la Constitution de 2000, qu’il pourtant lui-même appelé à voter,  ne lui permet pas d’être candidat à une élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Mais Laurent Gbagbo prend de la hauteur et fait de Alassane Ouattara son concurrent à cette élection. Il accorde une amnistie aux anciens rebelles, qui justifient leur prise des armes par la supposée exclusion de M. Ouattara aux élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo fait aussi la faveur à ces derniers de les nommer responsables de la commission électorale indépendante (CEI).

On peut contester la présence de Laurent Gbagbo parmi la catégorie du Bon avec son refus de céder la pouvoir en 2010, qui aurait été la cause des milliers de morts après les élections. Mais il a été acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI) des accusations de crimes contre l’humanité qui étaient portées contre lui à la suite de cette crise. On peut aussi se demander pourquoi les institutions chargées de l’organisation du scrutin à cette époque n’ont pas été attentives à ses allégations de fraudes massives dans le nord du pays, fief de son adversaire de l’époque M. Ouattara, et dirigé par les anciens rebelles.

Le scrutin présidentiel scandaleux de 2020 en dit long à ce sujet et tend à donner raison au président Gbagbo, qui à sa dernière apparition médiatique a encore appelé à des discussions entre l’opposition et le pouvoir. Une opposition qui l’a pourtant déporté à la Haye et l’empêche même de rentrer dans son pays.

Les personnalités de second plan de l’opposition ne sont pas moins remarquables par leurs présences dans le groupe du Bon.     

On a d’abord Mamadou Koulibaly, président de LiDeR (Liberté et Démocratie pour la République), ancien ministre, ancien président du Parlement, qui est d’un courage, d’une honnêteté, d’une rigueur, d’une clairvoyance et d’une efficacité redoutables. Les transfuges du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), Albert Mabri Toikeusse et Marcel Amon-Tanoh en font ensuite partie.  Ils ont le mérite de ne pas avoir accepté de s’unir à la forfaiture, à l’injustice et à la violence, tout comme Guillaume Soro.

Le passé d’ancien rebelle de ce dernier pourrait le discréditer, mais ce n’est que son passé. Il est traqué depuis plusieurs mois avec sa famille et ses proches par un régime qui a violé la Constitution, et mène d’autres actions illicites.

On a aussi M. Pascal Affi N’guessan, ancien Premier ministre, président de Conseil Régional, président du FPI (Front Populaire Ivoirien) reconnu par les autorités, porte-parole de la coalition de l’opposition qui en fait parti. Il est en ce moment illégalement détenu et mis à l’isolement, au prétexte de chefs d’accusations fantaisistes.

Le groupe du Bon, c’est surtout celui de ces millions d’Ivoiriens de l’opposition, avec leurs peurs et leur courage, avec leurs doutes et leur foi en des lendemains meilleurs pour leur pays. Mais comme leurs leaders, ils n’ont pour seules armes que la protestation aux mains nues, mais aussi leur naïveté. Celle-ci a d’ailleurs poussé ses responsables à répondre à l’illégalité d’un régime anticonstitutionnel par la création d’un Conseil National de Transition (CNT) illicite. Ils doivent donc subir davantage le courroux de la Brute, adepte de la manipulation des conséquences tout en oubliant les causes, la candidature illégale de son chef à un 3ème mandat controversé. 

La Brute

On n’a pas besoin de photos pour reconnaître la Brute en Côte d’Ivoire, aussi laide dans son apparence que dans son comportement. Coup d’État et tentatives de putsch, insurrection armée, rébellion, forfaiture, corruption, manipulation …  La Brute est le régime voyou et ses soutiens locaux, notamment une jeunesse endoctrinée au tribalisme, au communautarisme, armées de machettes et droguée, en sommes abruties : les microbes.

La Brute ne respecte aucune loi, sauf les siennes. Celles qui ne se réduisent qu’à ses seuls intérêts, de sorte qu’elle est parvenue à faire de l’ignoble la norme : le viol des lois, la corruption, la fraude, la terreur, les meurtres, etc…

Incapable de prendre de la hauteur et pleine de mépris, la Brute ne peut entamer aucune discussion avec ses opposants en qui elle voit sans doute autre chose, compte tenu des traitements inhumains qu’elle leur inflige. Blocus de domiciles, séquestrations, arrestations des membres de leurs familles…

D’une incroyable platitude de raisonnement, violente dans ses paroles comme dans ses actes, la Brute a pour moyen de sa politique, une presse commandée qui entretient des conflits intercommunautaires pour discréditer l’opposition. Elle a aussi pour moyen les forces de l’ordre détournées en milice du régime pour créer le désordre, notamment le viol continu des lois et des droits de la personne humaine. En adéquation avec sa nature, la Brute menace toutes les personnes qui s’entêtent à lui tenir tête, ne connaît pas le dialogue.   

La Brute, c’est ce groupe d’individus au pouvoir, qui pense mordicus que tout s’arrête à lui, même le temps. Il martyrise les politiques parce que lui n’en fait justement pas partie, c’est une Brute. Elle a pourtant le soutien de Le Drian.

Le Drian

Jean-Yves Le Drian, une fois n’est pas coutume, ne désigne pas en particulier le porteur de ce patronyme. Ce dernier, du haut de la tour de la supposée non-ingérence de son employeur , l’État français, y soutient pourtant des positions tellement absurdes qu’il devient la caricature de toutes les aides de la voyoucratie sur le continent africain, en particulier en Côte d’Ivoire.

La démarcation de Le Drian du régime d’Alpha Condé est l’exception qui confirme sa règle : le soutien, aussi truands qu’ils semblent, à ses amis au pouvoir. Hic pour Alpha Condé. Heureusement d’ailleurs peut-être aussi pour lui, il n’en est pas. Les positions de Le Drian qui font polémiques. Au mépris de son devoir de non-ingérence dans les affaires d’un État tiers, il reconnait à M. Ouattara le droit de se présenter à un 3ème mandat illégal. Il ose reconnaître l’élection de M. Ouattara, au mépris de toutes les pertes en vies humaines (85 officiellement). Et continue ainsi dans son élan, en appelant au respect de l’ordre constitutionnel, sans préciser lequel, et à un dialogue inclusif entre l’opposition et un régime illicite.

M. Le Drian est soit un militant du parti de M. Ouattara, soit un nécrocrate, ou encore, comme son patron M. Emmanuel Macron, un parfait ignorant de la neutralité (qui signifie se mettre de tout  temps du côté de la légalité et de la justice, et non se positionner au gré de ses intérêts).

Quelle que soit la catégorie dans laquelle se situe le ministre français des Affaires plus étranges qu’Etrangères, son attitude est scandaleuse. Son positionnement clair du côté de l’illégalité en Côte d’Ivoire met en doute la victoire à la présidentielle de 2010 de M. Ouattara. Ce dernier avait à l’époque bénéficié de l’aide de l’armée française, pour neutraliser un Laurent Gbagbo qui refusait de céder le pouvoir, parce qu’il était certain d’avoir remporté les élections.

Le Drian c’est aussi la CEDEAO, qui vient aider à régler une crise préélectorale sans se référer avec responsabilité aux textes de loi du pays. Sans les confronter aux faits pour y voir plus clair. Cet illettrisme prémédité est révélateur d’une véritable ledrianderie. Si grossière que la CEDEAO a préféré se cacher derrière la fausse neutralité de Le Drian, en enjambant les lois pour appeler simplement au dialogue entre antagonistes. Elle n’ignore pourtant pas que le rapport de force est inégal entre un pouvoir répressif qui a des milices à sa solde, et une opposition aux mains nues qui n’a pour elle que le seul strict respect des lois.

Le Drian, c’est aussi l’Union Africaine (UA) qui envoie des observateurs pour un scrutin illégal, et même félicite celui qui en serait sorti vainqueur au mépris des décisions de sa propre justice. Cette justice avait émis des jugements concernant le viol des lois, pendant les élections. Ses décisions de justice appelaient à l’organisation d’une élection transparente, inclusive et pacifique, mais le régime sortant ivoirien ne les a jamais honoré. C’est aussi cette même UA qui reconnait des élections régulières en Côte d’Ivoire, là où les constats objectifs révèlent de graves irrégularités et un scrutin bâclé avec des violences et des morts.

La commission de l’UA est dirigée par le ressortissant du Tchad, un état aussi tyrannique que le régime qui détient actuellement le pouvoir en Côte d’Ivoire est anticonstitutionnel. La ledrianderie de cette organisation se comprend donc.

Finalement Le Drian est ce groupe d’individus incompétents et à l’esprit tordu qui, pour leurs petites amitiés et pour leurs intérêts particuliers, trouvent que le respect des lois n’est pas nécessaire dans un État africain. En résumé: mépris, infantilisation, néocolonialisme.

La politique spaghetti, le Bon, la Brute et Le Drian, n’a pas encore livré son épilogue. En se référant pourtant au pouvoir naturel des forces du bien sur celles du mal, on imagine bien que quel que soit le temps, ce film sorti des esprits malhonnêtes se terminera sur la victoire de la légalité, de la justice et de la vie, en somme de l’état de droit, la Côte d’Ivoire.